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Thomas Jacob : Professeur Hoppe, vous êtes connu comme un
critique de l’État et de la centralisation politique. Le coronavirus ne
prouve-t-il pas que les États centralisés et les réglementations du
gouvernement central sont nécessaires ?
Hans-Hermann Hoppe
Certes, les différents États centraux et organisations
internationales, comme l’Union Européenne (U.E.) ou l’Organisation
Mondiale de la Santé (O.M.S.), ont essayé d’utiliser la pandémie dite
« Covid-19 » à leur propre avantage, c’est-à-dire pour étendre leur
pouvoir sur leurs sujets respectifs ; et pour tester jusqu’à quel point
elles pouvaient régenter les autres personnes face à une menace
d’épidémie mondiale d’abord vague, puis systématiquement dramatisée. Et
la mesure dans laquelle cela a réussi, au point d’en arriver à une
assignation à résidence généralisée, est effrayante.
Mais si le cours des événements actuels a bien montré quelque chose,
ce n’est pas la nécessité ou l’efficacité des autorités et des décisions
centrales, mais à l’inverse l’importance cruciale des décisions et des
décideurs décentralisés.
Le danger émanant d’une épidémie n’est jamais le même partout, pour
tous, au même moment. La situation en France est différente de celle de
l’Allemagne ou du Congo, et les conditions en Chine ne sont pas les
mêmes qu’au Japon. Même au sein des différents pays, le niveau de menace
diffère d’une région à l’autre, d’une ville à l’autre, entre les zones
urbaines et rurales, en fonction de la composition démographique et
culturelle de la population. En outre, il existe une multitude
d’analyses et de recommandations contradictoires concernant ce qu’il
faut faire ou ne pas faire face à cette menace, défendues par des
« experts scientifiques » tout aussi « accrédités » les uns que les
autres. Par conséquent, toute mesure centralisée, à l’échelle nationale
(dans les cas extrêmes, mondiale), destinée à écarter le danger – un
modèle à « taille unique » – doit dès le départ être considéré comme
absurde et inappropriée.
Au vu de cette situation, il était tout à fait naturel qu’en plus des
représentants des gouvernements centraux, divers dirigeants provinciaux
et locaux s’impliquent rapidement et de plus en plus dans la prévention
des risques. L’épidémie leur a offert l’occasion idéale de se démarquer
de l’État central et de ses représentants, et d’élargir leur propre
sphère de pouvoir. Ils ont ignoré, exacerbé, atténué, retardé, ou
autrement modifié les mesures de leur gouvernement central pour leurs
régions respectives. Toujours en tenant compte de l’opinion publique ou
plutôt de l’opinion publiée, et souvent portés par l’espoir de pouvoir
éventuellement accéder à la fonction de dictateur central en devenant un
dictateur régional admiré par son peuple.
Malgré certaines améliorations dans la maîtrise des risques que cette
décentralisation des décisions a permis d’apporter, et malgré le fait
qu’une variété de régions différentes avec leurs traitements
différenciés permette d’apprendre systématiquement des erreurs passées,
la performance globale des États et des décideurs étatiques dans la
gestion de l’épidémie a été absolument épouvantable. Comme dans tous les
autres domaines, l’État échoue spectaculairement, et c’est
particulièrement marquant en ce qui concerne la santé publique et la
prévention des maladies. En fait, comme les événements actuels le
montrent de plus en plus clairement, l’État tue ou rend malades plus de
personnes grâce à ses mesures de protection qu’il ne guérit ou ne
protège de la mort.
TJ : Les politiciens sont-ils tout simplement stupides ?
Il est certain que les politiciens dans leur ensemble ne brillent pas
par leur esprit. Et le souci du « bien commun » qui les unit tous en
tant qu’hommes politiques, c’est-à-dire leur prétention à vouloir et à
pouvoir aider d’autres personnes (voire l’humanité entière) à connaître
plus de bonheur et de prospérité, doit être considéré comme suspect dès
le départ. Mais la véritable raison de l’échec de l’action politique en
général, et en particulier dans le traitement des maladies infectieuses,
est plus profonde et de nature structurelle.
La raison profonde et structurelle est que les décideurs politiques,
qu’ils soient centraux ou régionaux, « ne jouent pas leur peau » comme
on dit aujourd’hui dans le langage familier, lorsqu’ils prennent des
décisions. En d’autres termes, ils sont largement libérés du risque
d’éventuelles mauvaises décisions, de pertes et de coûts éventuels. Ils
n’ont pas besoin de réfléchir longuement aux conséquences et aux effets
secondaires de leurs actions, mais peuvent prendre des décisions
« spontanées » car ils ne sont pas personnellement responsables des
conséquences de leurs décisions. En général, ils peuvent faire éponger
par d’autres les coûts de leurs actions. C’est la raison profonde pour
laquelle la stupidité et la mantra du bien commun – surtout lorsqu’elles
sont combinées – deviennent un danger et favorisent systématiquement
l’irresponsabilité, l’arbitraire et la mégalomanie.
Prenons, par exemple, le coronavirus : pourquoi ne pas, face à une
maladie infectieuse, recourir à des moyens « audacieux » tels que
l’interdiction de sortir et de voir des gens, l’assignation à résidence,
la fermeture d’entreprises, l’interdiction de travailler et de
produire, etc., si l’on ne subit pas de perte directe de revenus en
conséquence ? La raison est que, comme pour tous les décideurs
politiques et les soi-disant fonctionnaires, leurs propres revenus ne
proviennent pas d’un emploi productif rémunéré, mais sont financés par
les impôts, c’est-à-dire par des prélèvements obligatoires, et sont donc
assurés à court et moyen terme. Et pourquoi devrait-on se préoccuper
autant des effets secondaires et des conséquences indirectes et à long
terme de ses propres actions, si l’on ne peut être personnellement
accusé, tenu responsable et redevable de dommages ? Pour justifier ses
propres actions « audacieuses » on peut invoquer un nombre restreint,
mais astucieusement gonflé, de personnes supposées avoir été sauvées
d’une maladie grave, voire de la mort, en pourcentage de la population
totale, tout en ignorant simplement les conséquences d’un confinement,
c’est-à-dire le fait qu’un nombre bien plus important de personnes
connaîtront des difficultés économiques à la suite de ces mesures et,
par conséquent, tomberont indirectement malades et peut-être même
finalement mourront.
En fait, au début, il semblait que les décideurs politiques ne
savaient pas du tout (ou ne voulaient pas savoir) que même les
« opérations de sauvetage », quelque bien intentionnées qu’elles soient,
ne sont pas, et ne peuvent pas être, gratuites. Du fait qu’elles sont
des opérations de sauvetage, elles ont plutôt été présentées comme
« n’ayant pas d’alternative ». Lorsque les effets secondaires sont
devenus plus évidents et ne pouvaient plus être niés, ils ont affirmé
que leurs décisions concernaient le compromis entre « la santé » et
« l’économie ». Et pour eux, bien-pensants qu’ils sont, la vie humaine
doit toujours avoir la priorité absolue sur toutes les considérations
économiques.
Il y a une idée élémentaire à laquelle les « puissances en place » se
sont montrées incapables d’arriver, ou n’ont pas voulu arriver. Et
c’est qu’une telle dichotomie n’existe pas du tout. Au contraire, une
économie prospère est la base de la sauvegarde de l’homme et de la
préservation de sa santé en particulier. Ce sont donc d’abord les
régions, les segments de population et les personnes les plus pauvres
qui sont le plus gravement touchés par un confinement (notamment en ce
qui concerne leur santé). On voit mal comment cette idée élémentaire
pourrait être compatible avec la position adoptée par tous les décideurs
politiques, qui consiste à être le sauveteur audacieux dans la plus
grande urgence.
Et lorsque, enfin, au vu de l’ampleur réelle de l’appauvrissement de
la société résultant des interdictions de contact, de production et de
vente imposées par l’État, des fermetures d’entreprises, des
expropriations, des banqueroutes, du chômage, du chômage partiel, etc.,
même l’argument naïf de sauver des vies ne tenait plus et que la
position des politiciens en tant que sauveurs tout-puissants sonnait de
plus en plus creux, voire hypocrite, ils ont soutenu que les pertes
subies du fait de leurs mesures seraient compensées de la meilleure
façon possible, comme une évidence. D’une certaine manière, cela ferait
d’eux un double sauveur : le sauveur d’un sauveteur en détresse. ― Et
cet exploit a été accompli en augmentant massivement la masse monétaire.
La compensation des pertes ou l’indemnisation a eu lieu simplement en
créant à partir de rien une nouvelle quantité de papier-monnaie imprimée
par l’État, produite à un coût pratiquement nul.
Cette procédure ne coûte rien aux décideurs politiques et elle met
entre leurs mains, ce qu’ils accueillent toujours avec grand plaisir,
une enveloppe d’argent supplémentaire, dont l’affectation leur permet de
se présenter immédiatement comme des bienfaiteurs venant à la
rescousse. Entre-temps, les effets indésirables de cette masse monétaire
augmentent, en ce sens que la perte de pouvoir d’achat de l’unité
monétaire et l’augmentation du service de la dette future qui en
résultent sont dissimulés et imposés à d’autres personnes ou socialisés.
L’ensemble de la manœuvre ressemble à l’exemple célèbre du pyromane qui
agit ensuite comme un pompier en éteignant la maison qu’il a mise en
feu, et devient un héros célèbre dans la foulée. La seule différence est
que l’État, en augmentant la somme d’argent, socialise également les
coûts d’extinction de l’incendie de la maison qu’il a mise en feu.
Mais – et c’est probablement la chose la plus effrayante de tout
l’épisode du coronavirus – l’État n’est pas tenu comptable de son
impudence cynique. Certes, il y a ici ou là une résistance au
confinement, et plus il dure, plus la résistance s’accroît. Mais la
majorité des décideurs politiques sont encore considérés comme des
sauveurs héroïques plutôt que comme des pyromanes. Et, ce faisant,
l’État et ses représentants ont utilisé l’idée du risque d’être infecté,
qui a été systématiquement mise en avant, pour étendre leurs propres
pouvoirs à un niveau jamais vu auparavant, du moins en temps de paix.
Ceci inclut la suspension de tous les droits et libertés de propriété,
et une restriction presque totale de la liberté de mouvement des
personnes jusqu’à l’intérieur des ménages privés – et tout cela au nom
de la lutte contre l’infection et de la santé publique.
À mon avis, le degré d’asservissement à la politique qui s’exprime dans cette évolution est très inquiétant.
TJ : Comment le problème d’une pandémie serait-il résolu sans réglementation gouvernementale, dans une Société de Droit Privé ?
Dans une Société de Droit Privé, toutes les terres, chaque centimètre
carré, sont privées. Tous les appartements, maisons, colonies, routes,
voies navigables, ports maritimes et aéroports, usines, bureaux, écoles,
hôpitaux, etc., ont un propriétaire privé. Ce propriétaire est soit un
individu, soit un groupe d’individus, une association privée, chacun
ayant son propre règlement intérieur, sa structure organisationnelle et
ses règles et procédures internes de prise de décision.
On obtient ainsi, contrairement à tout centralisme politique, un
maximum de décisions décentralisées et, en même temps, un maximum de
responsabilités et d’actions responsables. Chaque décision est la
décision d’une personne ou d’une association particulière en ce qui
concerne sa (et seulement sa) propriété privée. Et chaque décideur est
responsable ou couvre les coûts et les frais consécutifs à ses décisions
ou à ses mauvaises décisions avec ses propres biens.
Pour le problème spécifique de la gestion d’une pandémie, cela
signifie que, tout comme le problème de l’immigration, dont l’urgence
est actuellement occultée par le coronavirus, la question qui se pose
face à une pandémie est simplement « qui je laisse entrer et qui je
refoule » ou « qui je visite et qui j’évite ». Plus précisément : chaque
propriétaire privé ou association de propriétaires doit décider, sur la
base de sa propre évaluation des risques de maladie infectieuse
concernant sa propriété, qui il autorise à entrer sur sa propriété,
quand et dans quelles conditions, et qui il interdit. Et, en particulier
dans le cas de biens à usage commercial, cette décision peut inclure et
inclura ses propres mesures préventives qui visent à faciliter l’accès
des visiteurs ou des clients en leur faisant sentir que le risque est
réduit ou minimisé. Et inversement, les visiteurs ou clients peuvent
également prendre des mesures de précaution de leur côté pour obtenir un
accès facilité à divers hôtes potentiels. Le résultat de ces multiples
décisions individuelles est un réseau complexe de règles d’accès et de
visite.
Toutes les rencontres ou réunions de personnes ont lieu de manière
volontaire et délibérée. Elles ont lieu dans chaque cas parce que l’hôte
et le visiteur considèrent que le bénéfice de leur rencontre est plus
grand que le risque d’une éventuelle contagion infectieuse qui en
résulterait. Par conséquent, ni l’hôte ni le visiteur n’ont de droits de
responsabilité réciproque, si une infection se produit effectivement à
la suite de leur rencontre. Ce risque (y compris les éventuels frais
d’hospitalisation, etc.) doit être supporté par chaque partie
uniquement. Dans ce cas, des compensations de responsabilité civile ne
peuvent être réclamées que si, par exemple, l’hôte a délibérément trompé
ses visiteurs sur ses propres mesures de prévention ou si le visiteur a
délibérément et intentionnellement violé les conditions d’entrée de
l’hôte.
Mais même sans aucune tromperie, les décisions des hôtes et des
visiteurs ne sont jamais gratuites. Toute mesure préventive ou de
précaution implique un coût supplémentaire qui doit avoir une
justification claire, que ce soit par la perspective de profits
supplémentaires ou de pertes réduites, ou par une acceptation accrue ou
un rejet réduit de la part des visiteurs potentiels. Et, en particulier,
chaque décideur privé doit également supporter les coûts d’éventuelles
mauvaises décisions à cet égard ; c’est-à-dire si les attentes ne sont
pas satisfaites, voire se transforment en un phénomène inverse : si les
mesures de défense et de précaution supposées sont non seulement
inefficaces, mais s’avèrent contre-productives et augmentent même le
risque d’infection global, que ce soit celui des hôtes ou des invités,
au lieu de le réduire.
Il s’agit de coûts considérables qui sont à la charge d’un décideur
privé et qui pourraient encore être les siens face à une épidémie. Son
existence économique et son environnement social intime peuvent en être
chamboulés. Dans cette perspective, il réfléchira à sa décision de
manière approfondie, et ce d’autant plus qu’il a ou entretient plus de
biens et plus de relations amicales. Il doit être rapidement préparé,
souvent presque « que ça lui plaise ou non », à tirer les leçons de ses
propres erreurs et à corriger ses décisions antérieures afin d’éviter de
nouveaux coûts économiques ou sociaux.
Par conséquent, comme pour tous les autres problèmes ou risques –
réels ou perçus –, il en va de même pour les maladies infectieuses et
les épidémies. Le meilleur moyen – le plus rentable et le plus efficace –
de minimiser les dommages liés à une épidémie est de décentraliser la
prise de décision au niveau des propriétaires privés ou des associations
de propriétaires. En effet, comme mentionné ci-dessus, le danger posé
par une épidémie varie en fonction des lieux et des moments et est
compris comme tel. Et, en général, il n’existe pas de réponse
scientifique unique, définitive et sans ambiguïté pour évaluer le risque
d’une maladie infectieuse. Il s’agit plutôt d’une question empirique,
et les réponses à ces questions ne sont, en principe, toujours que des
réponses hypothétiques et provisoires, qui peuvent très bien différer et
changer de manière significative d’un scientifique à l’autre, et des
représentants d’une discipline scientifique (par exemple les virologues)
à ceux d’une autre discipline (par exemple les économistes), ainsi
qu’au fil du temps.
Dans ce contexte, il semble presque évident que les décisions
relatives aux mesures de défense appropriées doivent être prises par des
décideurs locaux connaissant leurs conditions locales respectives. Et
il devrait être tout aussi évident que ces décideurs locaux doivent être
des propriétaires privés ou des associations de propriétaires. Car eux
seuls sont responsables de leurs décisions et de la sélection des
experts sur lesquels se fondent leurs décisions. Et eux seuls ont donc
une incitation immédiate à tirer les leçons de leurs propres erreurs ou
de celles des autres et à reproduire ou imiter les succès, qu’ils soient
les leurs ou ceux des autres, afin d’aborder ainsi une solution au
problème étape par étape.
Il convient également de mentionner que dans cet environnement de
décideurs privés qui se font concurrence pour résoudre le problème, il y
a toujours un nombre considérable de personnes ou de groupes de
personnes, bien plus important en tout cas que le nombre des gangs de
politiciens réunis dans les parlements et les gouvernements, qui sont
supérieurs à ceux-ci (ces derniers) à tous les égards pertinents
imaginables : en termes de richesse d’expérience, d’intelligence, de
succès entrepreneurial ou de qualifications professionnelles et
scientifiques, de performances et de jugement.
Par contraste, s’attendre à ce qu’une solution rapide et indolore au
problème des maladies infectieuses soit apportée par, de toutes les
personnes, les hommes politiques et leurs courtisans intellectuels –
c’est-à-dire par des gens qui prennent des décisions concernant
l’utilisation de la propriété et la liberté de mouvement d’un grand
nombre de personnes totalement inconnues d’elles-mêmes, sans avoir
aucune connaissance des circonstances locales, par des gens qui
n’assument pas ou ne sont pas soumises à une quelconque responsabilité
ou obligation de rendre compte à d’autres de leurs décisions, et par des
personnes qui, en outre, ne sont pas particulièrement brillants non
plus – signifie que nous devons littéralement croire aux miracles.
TJ : Pouvez-vous donner un exemple de ce qui se serait passé
différemment dans une Société de Droit Privé par rapport à la gestion
politique actuelle du virus Corona ? Et comment ?
En bref : Corona n’aurait pas été une pandémie.
Ceci ne signifie pas que le virus n’existe pas, ou qu’il n’est pas
contagieux ni dangereux. Cela signifie plutôt que le danger d’infection
émanant réellement du coronavirus est si faible qu’il n’aurait pas été
perçu comme tel par la plupart des gens (surtout les plus intelligents
!) et n’aurait donc pas déclenché de changements significatifs dans leur
comportement. Et partout où une augmentation sensible des infections ou
des décès devait être enregistrée (par exemple dans les maisons de
retraite, les hôpitaux, etc.), cette augmentation aurait été perçue
comme un phénomène relativement normal, fluctuant ou variant selon les
saisons ou les régions, comme par exemple une grosse épidémie de grippe,
à laquelle on réagit avec les mesures de précaution habituelles. En
d’autres termes, tous les événements et développements liés à la santé
auraient été dans la fourchette normale. Il n’y avait et n’y a toujours
pas d’état d’urgence marqué par des hôpitaux ou des unités de soins
intensifs surpeuplés de tous côtés, avec des patients gravement malades
ou des morts partout, dans l’entourage immédiat de chacun, ou même
allongés dans la rue, susceptible de justifier un changement fondamental
de mode de vie. La vie aurait continué, dans l’ensemble, comme avant.
Pas de raison de paniquer et de déclarer une urgence sanitaire mondiale.
En fait, le nombre total de décès en Allemagne, en Autriche ou en
Suisse, par exemple, en 2020 n’a en aucun cas augmenté de la manière
spectaculaire qu’on aurait pu anticiper compte tenu des décrets
d’urgence politique sans précédent de cette année. Elle se situe plutôt
dans la fourchette de fluctuation des années passées. Si l’on prend en
compte l’augmentation globale de la population et le vieillissement
croissant de la structure démographique, il y a même des années où le
nombre de décès a été plus élevé, mais jamais auparavant les gens n’ont
eu recours à des « mesures de sauvetage » aussi drastiques et
draconiennes qu’aujourd’hui. Et même en cas de surmortalité, il n’est
pas du tout clair que celle-ci soit due au virus Corona ou qu’elle ait
des causes entièrement différentes, comme les conséquences du
confinement. Ce n’est donc pas le Corona qui a changé le monde, mais les
politiciens qui ont utilisé Corona comme excuse pour changer le monde à
leur avantage.
La déviation radicale – économiquement ruineuse – par rapport au
cours normal des événements qui se produit actuellement n’est pas due à
un changement fondamental dans le monde des faits ou de la science. Ni
les faits ni la science ne permettent de justifier une « nouvelle
normalité » ou une « grande remise à zéro » (Great Reset) à l’échelle
mondiale. Elles sont le résultat de machinations délibérées de la part
des élites politiques pour élargir leur propre base de pouvoir par le
biais de mensonges et d’escroqueries, de désinformation, de tromperie,
et d’une propagande continue d’une ampleur jusqu’alors inconnue et
inédite.
Ces machinations malhonnêtes consistaient notamment à gonfler
systématiquement le nombre de décès dits « Corona » en comptabilisant
comme décès Corona tout décès dans lequel le virus pouvait être détecté
au moment de la mort, indépendamment du fait qu’il ait ou non une
relation de causalité avec le décès. Même une personne infectée par le
coronavirus morte dans un accident de voiture fut classée comme morte du
coronavirus. Des hôpitaux, et même des régions entières, ont même reçu
des subventions pour les décès attribués au coronavirus, alors qu’ils
sont restés les poches vides pour les décès normaux, ce qui a
naturellement conduit à des transferts correspondants. De plus, on a
délibérément évité de relier même ce nombre scandaleusement gonflé de
décès par coronavirus au nombre total beaucoup plus élevé de décès. En
effet, une vision proportionnelle aurait permis de relativiser
clairement le danger du coronavirus et il n’aurait pas semblé si grave.
Ils se sont donc focalisés de manière rigide et obstinée sur les
chiffres absolus, car ceux-ci sont plus effrayants. Et ils ont aussi
délibérément évité de faire état des dommages collatéraux mortels du
confinement: le nombre de personnes qui sont mortes parce que les
hôpitaux n’étaient temporairement ouverts qu’aux patients de la Corona,
le nombre de suicides de personnes économiquement ruinées, ou le nombre
de personnes âgées qui sont mortes de solitude forcée.
Mais la tromperie la plus audacieuse et la plus importante a été de
changer fondamentalement la définition du « danger », de le redéfinir
et, par conséquent, de l’amplifier ou de le faire paraître amplifié. La
maladie et le danger de maladie sont généralement et habituellement
définis par la présence de certains symptômes. Si une personne ne
présente aucun symptôme de maladie, alors, de son point de vue, il n’y a
pas de problème de santé. Au lieu de cela, les décideurs politiques ont
imposé une nouvelle définition du danger, et en ont fait la base de
leur prise de décision. Cette définition mesure le danger non pas par la
présence de symptômes, mais par le résultat d’un test dit
« coronavirus » (RT-PCR). Le danger se mesure par le nombre absolu de
personnes dont le test de dépistage de ce virus est positif ; donc plus
on fait de tests, plus on trouve de cas positifs, et ce nombre est
ensuite jour après jour, indéfiniment, martelé dans nos têtes et diffusé
de manière tapageuse.
Le test lui-même n’est pas fiable, avec des résultats qui sont
souvent faussement positifs ou faussement négatifs. Mais surtout, le
résultat du test n’a pratiquement aucune valeur pour prédire les
symptômes de la maladie ou sa progression. L’écrasante majorité, estimée
à 80 %, des personnes dont le test de dépistage du coronavirus est
positif sont asymptomatiques, et le risque d’infection par ces personnes
est, à notre connaissance, proche de zéro, voire exactement nul. Sans
ce test, ils ne sauraient rien du danger et ne le sauraient jamais (et
ils éviteraient tout le stress lié aux tests de masse actuels, un stress
qui est lui-même mauvais pour la santé).
Dans environ 15 % des cas, il s’agit d’une infection plus grave,
pouvant aller jusqu’à l’alitement. Et dans seulement 5 % des cas
environ, généralement en rapport avec une détresse respiratoire grave,
un traitement médical intensif est nécessaire. – En résumé, si l’on en
croit les chiffres du Center for Disease Control (C.D.C. américain :
Centre pour le Contrôle des Maladies), qui est financé par le
gouvernement et dont toute la raison d’être repose sur l’existence de
maladies infectieuses et d’agents pathogènes, et qu’il est donc
difficile de classer dans le camp des « négationnistes du coronavirus »
ou des sceptiques, le tableau suivant, peu effrayant, se dessine : la
probabilité de survivre à une infection à la Corona en vie varie en
fonction de l’âge d’une personne, mais est toujours, pour toutes les
tranches d’âge, extrêmement élevée. Pour la tranche d’âge 0-19 ans, la
probabilité est de 99,997 %. Pour le groupe des 20-49 ans, il est de
99,98%. Pour le groupe des 50-69 ans, il est de 99,5%. Et même pour le
groupe des plus de 70 ans, il est toujours de 94,6 %.
Ceci me ramène au début de la réponse. Qui, quels propriétaires ou
associations de propriétaires dans une société de droit privé, verraient
une raison de changer fondamentalement leur comportement normal et
coutumier face à ces taux de dangerosité? Qui se mettrait en banqueroute
à cause de cela ? Qui cesserait de travailler et de produire ou de
voyager ? Qui s’imposerait une interdiction totale de contact ou
imposerait un blocage complet de l’accès à ses biens ? Je pense que la
réponse à ces questions est évidente. Sur la base d’une expérience
réelle, plutôt que d’un test artificiel et d’un résultat de test qui
n’est que marginalement et très vaguement corrélé avec une expérience
réelle de la maladie, il est certain qu’une ou deux précautions
supplémentaires auraient été prises, comme on l’a fait dans le passé
face, par exemple, à une grosse épidémie de grippe.
Il est certain que nous aurions été plus prudents, notamment en ce
qui concerne les personnes âgées, qui ont été et sont exposées à un
risque de maladie nettement plus élevé. Il est probable qu’un ou deux
directeurs d’hôpital auraient augmenté le nombre de lits disponibles. Et
peut-être que l’observation de changements ou de nouveaux symptômes de
la maladie aurait conduit un ou deux virologues à rechercher un virus
qui soit en corrélation avec ces symptômes spécifiques. Peut-être même
que cela aurait conduit à la mise au point d’un test. Et peut-être même à
la recherche d’un vaccin correspondant, même si cela doit être
considéré comme plutôt improbable, compte tenu des coûts élevés de
développement par rapport à la demande potentielle de vaccination, étant
donné le faible niveau général de risque.
Le fait que le cours actuel des événements ait été et soit en fait
complètement différent n’a aucune raison objective, mais est uniquement
dû à l’existence d’une classe de personnes, la classe politique ou
l’élite politique, qui n’ont pas à assumer la responsabilité ou les
coûts et les conséquences de leurs propres actions, et qui peuvent donc
accroître leurs actes de «bienfaisance sociale» jusqu’à la mégalomanie.
Depuis des temps immémoriaux, la mégalomanie de la politique, née de
l’irresponsabilité, se manifeste par le fait que les hommes politiques,
sur la base de divers chiffres-clés fournis par leurs autorités
statistiques officielles respectives, ont concocté une justification
« scientifiquement fondée » pour leurs interventions étatiques toujours
plus nombreuses et plus profondes dans les événements sociaux normaux.
Jusqu’à présent, cependant, ces indicateurs étaient essentiellement des
chiffres issus du domaine des statistiques économiques, tels que les
chiffres sur le revenu, la richesse et leurs répartitions respectives,
sur la croissance économique, les importations, les exportations, la
masse monétaire, les balances commerciale et des paiements, l’inflation,
les prix, les salaires, la production, le niveau d’emploi, etc. Chacun
de ces chiffres a offert aux décideurs politiques une raison possible
d’intervenir. Soit il était trop élevé ou trop bas, soit il devait être
stabilisé par des mesures appropriées. Mais il y avait toujours,
soi-disant, quelque chose à rectifier. – Je n’ai pas besoin de m’étendre
ici sur l’ampleur des effets de redistribution et des pertes de
bien-être qui ont résulté de cet interventionnisme en matière de
politique économique.
Mais avec la crise du coronavirus, la politique a pris des chemins
complètement nouveaux à cet égard. Les politiciens ont découvert que les
statistiques sur la santé offrent une porte d’entrée encore plus grande
au despotisme du gouvernement et à la folie des grandeurs de ses
membres que n’importe quelle statistique économique. Sur la base d’un
test viral, qui a été choisi comme indicateur officiel d’un danger
d’infection prétendument aigu, voire mortel, les politiciens ont réussi à
paralyser presque toute la vie sociale, plongeant des millions de
personnes dans la détresse ou les difficultés économique ou sociales,
tout en aidant l’industrie pharmaceutique, c’est-à-dire les fabricants
de masques, de tests et de vaccins, à s’enrichir énormément, et en se
faisant passer, du moins jusqu’à présent, pour les héros de l’histoire.
Une réalisation effrayante et carrément dévastatrice.
Source:
Entretien avec Hans-Hermann Hoppe réalisé par Thomas Jacob, secrétaire
de la « Property and Freedom Society » (abréviation P.F.S., en
français : Société pour la Propriété et la Liberté). Traduction française par Olivier Richard, le 11 janvier 2021.
https://quebecnouvelles.info/hans-hermann-hoppe-etat-ou-societe-de-droit-prive-sur-les-reponses-au-coronavirus/