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novembre 01, 2014

ATTAC et FONDEMENTS PHILOSOPHIQUES ET THEORIQUES DU LIBERALISME

L'Université Liberté, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



Introduction
Il est difficile de définir de prime abord le libéralisme : ni une "théorie économique", (même s'il existe des relations entre diverses théories économiques et la pensée libérale) ni même une doctrine (car il n'existe pas un accord total entre tous ceux qui se réclament du libéralisme dont les opinions peuvent diverger sur des points importants). On ne peut la réduire à une idéologie ayant accompagné et justifié la montée de la bourgeoisie car le libéralisme a été invoqué quand conforme aux intérêts et parfois rejeté dans le cas contraire. Ce n'est pas non plus une simple justification argumentée du libre-échange ou de la non-intervention de l'Etat. 

Donc, courant de pensée(s) assez hétérogène ; socle commun : importance accordée à l'idée de liberté et au concept d'harmonie naturelle. 

1. L'émergence de la pensée libérale
1.1. Penser la société
Pensée libérale qui ne naît pas de rien, avec Adam Smith (1723-1790). Prémices chez certains philosophes grecs (Posidonius) chez qui l'idée d'harmonie naturelle est déjà présente, chez certains philosophes anglais (Hume : 1711-1776).

Objectif des penseurs libéraux (Smith, Turgot : 1727-1781) : répondre à la question de la nature de la société, de son oganisation et de sa genèse en rompant avec idée que société = fruit de la volonté divine. Question déjà envisagée par Machiavel (1469-1527) ou les théoriciens du contrat social qui rompent avec les explications de l'institution sociale par le religieux en s'appuyant sur la distinction état de nature/société civile : passage qu'il faut expliquer de manière "positive" (dire ce qui est, non ce qui doit être). Les théories du contrat social sont donc des réponses à la question de la naissance de la société. Différentes théories :

- Hobbes (1588-1679) : état de nature caractérisé par guerre permanente de tous contre chacun, par peur de la mort et désir de conservation : hommes qui signent un pacte d'association et de soumission pour échapper à cette destinée. Etat absolutiste auquel on se soumet car garant de la sécurité.

- Locke(1632-1704) : le souverain lui-même doit être soumis au pacte, qui est conçu comme un pacte d'association seulement ; la société civile est instituée pour garantir paix civile et propriété (qui est légitime car apparaît comme le produit du travail). Voir aussi Rousseau ou Pufendorf. 


Points communs entre ces théories : c'est le politique qui institue le social.
Pensée libérale qui se contruit contre et avec les théories du contrat social. Avec car rejet de l'explication par le religieux, contre car refus du primat du politique.


Ainsi pour Smith, société naît de la "propension naturelle des hommes à l'échange". Le marché est donc naturel. Il n'est pas pensé comme une organisation la plus efficace de l'économie mais comme une organisation sociale, qui a une propriété essentielle : il est autorégulateur : la libre poursuite par chacun de son intérêt conduit à l'intérêt général. Idée de "main invisible". 


1.2. Le libéralisme utilitariste de Smith
Idéal d'autonomie totale des individus dans la dépendance généralisée, née de la division du travail. Refus de la souveraineté absolue.

Libéralisme de Smith qui est un libéralisme utilitariste : le "bien" est identifié au "bonheur", non simplement bonheur individuel mais bonheur de la collectivité. Conception matérialiste : "le bonheur consiste à être en paix et à en jouir". L'intérêt général est compris comme l'intérêt du consommateur. Le plaisir retiré d'une action est le critère de jugement de l'action : bonne ou mauvaise. 


Statut de la notion de liberté :
Liberté est fondamentale car elle conduit plus souvent au bonheur que la contrainte. A mettre en parallèle avec notion de "main invisible". Cela dit, elle n'est pas une fin en soi, elle est un moyen ; le but reste le bonheur.


Rôle de l'Etat :
Deux domaines d'actions : celui où les actions individuelles n'ont pas d'effet sur les autres (pb : lesquelles ?), le domaine privé où l'Etat n'a pas à intervenir autrement qu'en garantissant la liberté individuelle ; celui où les actions des uns ont des répercussions sur les autres, domaine public ou "domaine de juridiction de la société" (John Stuart Mill : 1806-1873). Dans ce domaine, la règlementation n'est pas forcément nécessaire car il se peut que la liberté assure mieux le bonheur collectif que le règlement mais il faut faire l'analyse du besoin ou non de règlementation. Ainsi, activité économique appartient au deuxième domaine mais la liberté est plus efficace que la contrainte.


Ainsi pas de refus de principe de l'intervention de l'Etat : l'Etat doit être le garant des libertés individuelles mais il peut aussi faire tout ce qui est susceptible d'augmenter le bonheur collectif, notamment quand cela ne serait pas entrepris par les agents privés car pas de rémunération : notion de "biens publics". 


Souvent, Smith réduit à son rôle de "père" de l'économie politique et au théoricien de la main invisible et de l'état-gendarme. Au pire, vu comme le défenseur des intérêts de la bourgeoisie. Cela est très réducteur. De plus, pour lui, les rapports marchands sont loin d'être idylliques mais ce sont les seuls possibles.

"La proposition de toute nouvelle loi ou réglement de commerce qui part de cet ordre (i.e. celui des marchands) doit toujours être écoutée avec beaucoup de précaution. Elle vient d'un ordre d'hommes dont l'intérêt n'est jamais exactement le même que celui du public et qui, dans bien des occasions, n'a pas manqué de le tromper et de l'opprimer" (Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations - 1776). 


1.3. Le libéralisme de droit naturel de Turgot
Refus de faire du bonheur un critère éthique de jugement des actions. Critère = conformité aux "droits naturels" . La source du droit naturel diffère selon les auteurs : révélation divine, sens moral inné ou déductible par la Raison (notions de "droits de l'homme" qui en découlent).

Pour que la société soit viable, il faut respecter les lois de la nature qui en régissent le fonctionnement. Le Droit naturel est donc l'ensemble des droits et devoirs des hommes pour que la société existe de manière paisible et ordonnée. Ils doivent être respectés non car ils sont utiles (contre utilitarisme) mais parce qu'ils sont conformes aux lois de la nature : essentiellement : droit à la vie, à la liberté et à la propriété. 


Le domaine de liberté des individus est donc l'ensemble des actions qui ne violent pas les droits naturels des autres.Question de l'églité des droits fondamentale.
Statut de la liberté :
Ce n'est pas un moyen en vue d'une autre fin, c'est un droit inaliénable qui prévaut sur le bonheur collectif. 


Rôle de l'Etat :
Devoir de justice : faire respecter les droits naturels de chacun. Lui-même ne peut d'ailleurs les violer pour quelque raison que ce soit. Notion de "justice" assez étendue chez certains auteurs : pour Turgot, Condorcet, elle comprend par exemple l'éducation du peuple et l'aide aux plus démunis.


De plus, devoir de bienfaisance : l'Etat doit, autant qu'il le peut, remplir un devoir de bienfaisance. Pb : comment le financer ? Car recours à l'impôt = contrainte du propriétaire. Réponse : utilisation du surplus produit par la terre qui n'est appropriable par personne.

Turgot (1727-1781) appartient à ce courant libéral. Il est issu d'une doctrine économique appelée la physiocratie qui croit à l'ordre naturel qui se réalise qd les hommes sont libres de leur choix. Cela dit, l'état doit faire rentrer la réalité dans cet ordre. Donc, chez Quesnay (1694-1774), justification du despotisme éclairé par les lanternes des physiocrates. 

Ainsi, libéralisme originel trouve sa cohérence dans l'idée déjà ancienne d'harmonie naturelle (ex : Mandeville et la fable des abeilles) et l'importance accordée à la liberté. Postérité : Godwin (1756-1836) ou Paine (1737-1809) et les libertariens. 

2. La pensée classique et le libéralisme.
2.1. L'Ecole Classique
Pas d'accord sur la définition. Pour Marx : il s'agit des économistes anglais qui fondent une recherche économique autonome et théorisée (Smith, Ricardo, Malthus). Pour Keynes, tous les économistes avant lui qui croient au marché auto-régulateur. En général, sont considérés comme classiques les économistes du 18-19ème (à partir de Smith jusqu'aux marginalistes) qui s'inscrivent dans le cadre des marchés auto-régulateurs. Dénomination qui leur est en tout cas postérieure et jamais revendiquée comme telle. Cela dit, ce courant rassemble des auteurs qui diffèrent très sensiblement sur de nombreux sujets importants (théorie de la valeur notamment). 

Après Smith, il faut noter que rares sont les économistes classiques qui ont poussé aussi loin que lui l'idée de marché comme organisation sociale. Préoccupations beaucoup plus "limitées". 

2.2. David Ricardo (1772-1823)
Avec Ricardo, l'économie se détourne du raisonnement inductif (j'observe ceci dans la réalité, j'en conclus ceci) pour adopter un raisonnement plus déductif qui sera à la base de la science économique.

Ricardo reprend l'idée de Smith des marchés auto-régulateurs sans reprendre la "main invisible". Pour lui, économie comme une mécanique sur laquelle s'exercent des forces contradictoires : la recherche de l'intérêt personnel et l'instinct de reproduction contrebalancée par l'avarice de la nature. Importance de la concurrence dans ce modèle comme force motrice (elle pousse les individus à agir) et comme régulateur (équilibre de l'offre et de la demade, suppression des monopoles). 


Ricardo s'intéresse essentiellement à la répartition des richesses entre travailleurs, capitalistes et propriétaires fonciers. Il montre que sous l'effet de la démographie (il est très proche de Malthus : 1766-1834 sur ce point) et des rendements décroissants de la terre, le profit (part qui revient aux capitalistes) tend à diminuer au profit des salaires et de la rente, jusqu'à aboutir à un "état stationnaire" de l'économie, dans lequel la croissance est nulle. Pour échapper à cette fatalité, il faut alors avoir recours au libre- échange : le prix du blé diminuant, les salaires peuvent baisser et le profit peut augmenter. Une des contributions majeures de Ricardo est en effet sa théorie du libre-échange qui reste un élément fondamental des théories économiques plus récentes. Dépassant la théorie dite des "avantages absolus" de Smith, il développe une théorie des "avantages comparatifs". L'idée est que le libre-échange profite à tous les pays : ce n'est pas un jeu à somme nulle. Il sera un défenseur acharné de l'abollition des lois sur le blé et de l'ouverture des frontières. 

Sa proximité avec Malthus lui fait aussi souhaiter l'abollition des lois sur les pauvres qui leur garantissent une assistance des autorités publiques et reigieuses ; cela freinera la croissance démographique et renforce les conditions de concurrence entre travailleurs. 

Une remarque sur Malthus, classique assez peu libéral somme toute puisque pour lui, le marché n'est pas auto-régulateur et que peuvent exister des crises de surproduction (excès de l'offre sur la demande) que peuvent résoudre la mise en place de grands travaux et l'accroissement des travailleurs improductifs (fonctionnaires notamment). 

2.3. Jean-Baptiste Say (1767-1832)
Il est l'auteur d'une théorie, dite "Loi des débouchés", selon laquelle il ne peut y exister de crises de surproduction, ni de déséquilibres durables, l'offre créant sa propre demande. Là encore, on se place dans le cadre d'une théorie des marchés auto- régulateurs. Il est important de noter que chez Say comme chez les autres classiques en général, la monnaie n'a aucune importance : elle n'est envisagée que comme instrument de paiement. On parle de "monnaie-voile". Elle n'a aucun effet, au moins de long terme sur l'activité. 

Ecole classique et libéralisme ne se confondent pas. Cependant, l'école classique fournit des arguments à la pensée libérale en affirmant la supériorité du marché sur toute autre forme d'organisation sociale, en minimisant la place de l'Etat et en justifiant le libre-échange. 

3. Les néoclassiques
3.1. Une définition
Là encore, sont rassemblés sous le terme néoclassique des auteurs très différents. Les théories néoclassiques sont les théories aujourd'hui dominantes en économie. On ne peut les assimiler à la pensée libérale même si la plupart des néoclassiques sont des libéraux (mais l'inverse n'est pas vraie). Plusieurs éléments caractérisent cette théorie néoclassique.

- la valeur des biens dépend de leur utilité marginale (i.e. de la satisfaction que l'on tire de la dernière unité consommée) et non plus de la quantité de travail qu'ils incorporent (théorie de la valeur-travail chez les Classiques). Le raisonnement est dit "marginaliste": calcul à la marge. 


- le raisonnement est microéconomique : on s'interesse au comportement des individus, tous semblables, rationnels : c'est le modèle de l'homo oeconomicus. En sciences sociales, on parle d' "individualisme méthodologique". Les individus sont les unités de base de l'analyse, la société étant considérée comme le produit des actions individuelles.

- les comportements économiques sont donc modélisables mathématiquement : on peut décrire le comportement du connsommateur par des fonctions mathématiques. L'agrégation des comportements n'est pas censée poser problème puisque tout peut être ramenée à des fonctions connues. 


3.2. Les hypothèses de départ et les résultats
La théorie néoclassique construit des modèles : elle ne prétend pas décrire la réalité mais la comprendre (méthode des faits stylisés). L'individu est supposé rationnel : il agit de façon à "maximiser son utilité", c'est-à-dire à obtenir au moindre coût, le maximum de satisfaction, en ayant pleine conscience et connaissance des moyens à sa disposition et en disposant de toute l'information nécessaire. Il est absolument logique. Ses comportements peuvent donc être modélisés car ils sont prévisibles.
Les économistes se placent dans une hypothèse dite de concurrence pure et parfaite : les individus connaissent tous les prix de tous les biens mais ne peuvent l'influencer ; il n'existe aucune relation directe entre eux. Les échanges se font par l'intermédiaire d'un commissaire-priseur.

Muni de ces hypothèses, l'économiste cherche alors à montrer que les marchés tendent vers l'équilibre général, ce qui signifie qu'il ne peut exister aucune crise durable, aucun chômage, etc. et que cet équilibre unique est aussi un optimum social.

Les travaux de Léon Walras s'inscrivent dans cette optique (1834-1910). Il a tenté de démontrer que le libre jeu des marchés dans un contexte de concurrence parfaite amenait à un équilibre général. Sans y parvenir. Rendre compte mathématiquement de l'intuition de la "main invisible" est alors devenu l'objectif de tous les économistes néoclassiques. Au mieux, ils sont parvenus au résultat que sous certaines conditions, il peut exister un équilibre général. 

3.3. Problèmes
D'abord, l'économie néoclassique postule l'existence du commissaire-priseur, sorte d'institution centralisée qui, gratuitement, collecte toutes les informations (les prix) et met en relation tous les agents sur le marché. Dès lors, le marché n'est pas naturel, il doit être institué. Il n'a pas d'existence en soi.

Ensuite, les économistes ont échoué à démontrer l'existence de l'équilibre général walrasien. Premier point, la "loi de l'offre et de la demande" qu'ils croyaient pouvoir modéliser sous forme d'une courbe n'existe pas. En fait, les courbes peuvent être de forme complètement aberrante. Dès lors, les marchés ne tendent pas automatiquement vers l'équilibre. Il peut arriver qu'ils y parviennent mais alors ils s'en éloignent aussitôt. Ce qu'ont en fait démontré Kenneth Arrow (1921- ), Gérard Debreu (1921 - ) ou Sonnenschein, en cherchant à prouver l'existence de l'équilibre général, c'est... son inexistence ! Ainsi, les marchés ne conduisent pas à l'équilibre, ils sont au contraire fondamentalement instables. Ce qui n'empêche pas Debreu d'affirmer avoir démontré mathématiquement la supériorité du libéralisme ! Ne sont donc démontrés que des théorèmes d'impossibilité. 


Nash, appartenant au courant de la théorie dite "théorie des jeux" a même démontré que si l'équilibre existait, il ne serait pas un optimum, ce ne serait pas la meilleure solution possible.
Enfin, les hypothèses de rationalité sont évidemment très contestables. Finalement, la théorie de l'équilibre général a été totalement infirmée. 

3.4. La force du modèle
Il n'en reste pas moins que les théories néoclassiques conservent toute leur importance.
D'abord, bien qu'infirmé, le modèle de concurrence parfaite garde un pouvoir normatif. Si les économistes savent que les marchés ne sont pas autorégulateurs, on feint de continuer à le croire et le discours dominant reste de dire que si les marchés ne fonctionnent pas, c'est qu'on les empêche de fonctionner librement. Dès lors, le libéralisme défend le modèle de concurrence parfaite comme une norme vers laquelle il faut tendre. Or des économistes ont démontré que l'on ne pouvait "tendre" vers la concurrence. Soit on y est totalement et les marchés fonctionnent, soit on n'y est pas et on ne change rien en mettant un peu plus ou un peu moins de concurrence (c'est peut-être même pire avec un peu plus).


Par ailleurs, au niveau de la recherche, la théorie néoclassique reste la référence. De nombreux travaux ont tenté de construire des modèles prétendûment plus proches de la réalité : modèle de "concurrence imparfaite" qui relâche les hypothèses très contraignantes de la concurrence pure et parfaite ou théories qui postulent une conception plus réaliste de la rationalité. Dans les deux cas, on évolue vers des modèles dits d'équilibre partiel (certains marchés peuvent être équilibrés quand d'autres ne le sont pas) mais le cadre théorique fondamentalement ne change pas. La supériorité du libre marché est réaffirmée. 


Les théories néoclassiques ne peuvent pas être assimilées au libéralisme, ni même à l'ultralibéralisme. Cependant, elles entretiennent avec eux de grandes affinités car elles leur ont fourni (ou tenté de le faire) des justifications scientifiques, mathématiquement vérifiables. Le marché est alors conçu comme une organisation optimale vers laquelle il faut tendre, en favorisant la concurrence. Le rôle de l'Etat diffère selon les économistes. Soit réduit au minimum (police, justice...), soit nécessaire pour corriger les "imperfections" du marché (biens collectifs, égalité des chances...). Mais dans les deux cas, l'on doit tendre vers l'idéal du marché. 

4. Les autres théories économiques d'inspiration libérale
4.1. Milton Friedman (1912- ) et l'économie de l'offre.
Friedman est le fondateur d'un courant appelé "monétarisme". Il a développé sa théorie en réaction à celle de Keynes, à partir des théories classiques. Son objectif essentiel est de montrer que la politique monétaire doit être orientée uniquement vers la lutte contre l'inflation. Il sort de la théorie de la "monnaie-voile" en montrant que l'inflation peut avoir un effet négatif sur la structure productive. Il plaide par ailleurs pour un contrôle très strict des dépenses de l'Etat. Pour lui, les politiques de relance sont au mieux sans effet, au pire tout à fait déstabilisatrices. Il prône la non-intervention de l'Etat. Pour lui, le marché, laissé libre, tend vers un équilibre stable. Toutes les crises s'expliquent par des interventions de l'Etat : salaire minimum, fiscalité trop importante... 

L'économie de l'offre s'inscrit aussi dans le cadre d'une confiance dans les marchés autorégulateurs. Il s'agit d'un courant de pensée économique assez peu raffiné du point de vue théorique. On peut citer notamment Laffer : "Trop d'impôt tue l'impôt" ou Gilder. La particularité de ses économistes (c'est aussi le cas des monétaristes) est d'avoir été très influents sur les gouvernements notamment américains (sous Reagan) et en Grande-Bretagne (sous Thatcher). Ils sont donc les inspirateurs des politiques libérales de dérégulation et de dérèglementation et de ce que l'on appelle la "contre-révolution libérale" après plusieurs années de politique économique d'inspiration keynésienne. 

4.2. Friedrich Von Hayek (1899-1992)
Hayek peut sans aucun doute être considéré comme un ultra-libéral. Autrichien exilé, marqué par la montée du nazisme et du stalinisme et opposé à tous les totalitarismes, il conteste toute intervention de l'Etat. Pour lui, on ne peut prétendre intervenir sur l'économie car on ne peut disposer de toutes les informations nécessaires. Penser le contraire revient à adopter une attitude scientiste. Il va jusqu'à réfuter l'idée que les banques centrales (même indépendantes du gouvernement) puissent se voir confier la gestion de la monnaie. Pour lui, la monnaie doit être complètement privatisée, c'est-à-dire que des entrepreneurs privés pourraient se lancer dans la création de monnaie. L'idée est que le marché procède par sélection naturelle en éliminant les mauvaises organisations. De plus, le marché est un moyen de circulation de l'information (selon lui, le prix, s'il ne subit pas de perturbation, contient toute l'information nécesaire pour que les agents fassent leur choix) et de découverte des solutions les plus efficaces.
Les théories d'Hayek ont eu peu de postérité et peu d'influence sur les choix politiques, vu leur caractère radical. 

Bibliographie :
- Le libéralisme économique, histoire de l'idée de marché, Pierre Rosanvallon, Seuil 1979
- La pensée économique, Daniel Martina, 1991
- Les passions et les intérêts, Albert Hirschman, PUF 1980
- Introduction aux fondements philosophiques du libéralisme, La Découverte, coll. Essais1992 (assez abordable)
- La théorie économique néoclassique tomes 1 et 2, Bernard Guerrien, La Découverte, Coll. Repères 1999 (sans doute la meilleure présentation de ce sujet, très critique, sans formalisation mathématique et on peut toujours sauter les passages les plus ardus, comme l'auteur invite d'ailleurs à le faire. Vraiment bien et pas cher.
- Lettre ouverte aux gourous de l'éonomie qui nous prennent pour des imbéciles, Bernard Maris, Albin Michel, 1999 (par un collaborateur de Charlie-Hebdo, par ailleurs économiste. Ouvrage amusant et facile d'accès même s'il ressemble parfois à une discussion détendue entre universitaires car les auteurs cités ne sont pas toujours expliqués).

ATTAC

De Wikiberal
 
ATTAC (Association pour la taxation des transactions financières et pour l'aide aux citoyens) est une association créée en 1998, dont la section française est subventionnée par l'État (statut d'association d'éducation populaire accordé par arrêté ministériel) ainsi que par les collectivités[1].  
Mouvement luttant contre la mondialisation, ATTAC fut créée pour promouvoir l’idée d’une taxation des transactions financières, la "taxe Tobin", dite du "sable dans les engrenages" ou encore la taxe "Robin des bois", une idée attribuée à James Tobin (Prix Nobel d’Économie 1981). En proposant de taxer certains mouvements de capitaux (transactions de change), Tobin avait pour objectif de réduire la spéculation sur les places financières, qu'il jugeait contre-productive. Il suggéra aussi que les revenus de cette taxe soient affectés au développement des pays du Tiers-monde, ainsi qu'au soutien de l'ONU. Par la suite, James Tobin dénonça la récupération de son nom ainsi que l’exploitation de ses idées par de nombreuses personnalités, associations et organisations luttant contre la mondialisation, comme il l'a fait, en 2001, lors d'une interview accordée au journal Le Monde. L'idée de cette "taxe Tobin" est également dénoncée par Robert Mundell (Prix Nobel d'Économie 1999).

Une idéologie anti-libérale

Le socle idéologique développé par les membres d’ATTAC réside dans la dénonciation des "méfaits de la mondialisation libérale", basée sur une fausse conception du libéralisme. Protectionniste, collectiviste (en faveur d'un "contrôle démocratique" des marchés financiers, et contre les "paradis fiscaux"), et étatiste (défense des services publics et du système de protection sociale), ATTAC critique les décisions de l'OMC, de l'OCDE ou du FMI, qu'elle présente comme des organisations "libérales" ou "néo-libérales". Biaisées par l’idéologie anti-libérale, les analyses proposées par ATTAC manquent de rigueur et de précision, les chiffres utilisés sont trompeurs et l’argumentation simpliste. C’est ainsi que les propositions d’ATTAC - recyclage sous des habits neufs de vieilles idéologies hostiles à la liberté et la responsabilité individuelles, voie vers la Route de la servitude, dénoncée par Hayek - rassemblent, aux dépens de la cohérence du discours et du projet politique, nombre de plaintes ou de revendications (chômeurs, féministes, environnementalistes, syndicalistes, communautaristes, etc.)

Citations

  • « Les idées d’ATTAC trouvent un terrain fertile dans un pays où l’enseignement, la fonction publique, les syndicats, et les partis politiques sont encore fortement imprégnés de philosophie marxisante, comme en témoigne notamment la propension à raisonner en termes de lutte des classes et à faire appel à un interventionnisme sans limites de l'État. Les programmes scolaires, dont l'État a le monopole, soumettent sans vergogne nos enfants à cette idéologie, au lieu de développer leur esprit critique, comme ce devrait être leur rôle. » (Pascal Salin)
  • « ATTAC, dont le sigle pourrait aussi bien signifier Association Trublionne Totalitaire des Attardés du Communisme, est en fait un mouvement très dangereux, car faute de pouvoir s'appuyer sur des faits, il fait appel à l'affectivité et à l'envie, denrées très répandues à la surface de la terre. » (Jacques de Guenin
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  • 4 Pour aller plus loin
  • 5 Notes et références 
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  • LE GOUVERNEMENT VA FINANCER ATTAC (Aleps)

    Bernard CASSEN directeur général du Monde Diplomatique et ancien président d’ATTAC et son successeur ont bien des soucis. Après le « succès » du forum anti mondialisation de Florence, ils doivent organiser le prochain forum européen de ce type en France à Saint-Denis. Mais une telle rencontre à grand spectacle coûte cher : le budget du prochain Forum social européen est évalué à 4,5 millions d’euros. Et ce ne sont pas les cotisations des militants qui vont le financer.
    Heureusement, le contribuable, lui, a les moyens. B. CASSEN a obtenu 1,5 million d’euros de la ville de Saint-Denis et du département de Seine-Saint-Denis. Le département du Val de Marne a promis 250 000 euros et la ville de Paris s’est engagée à verser 1,25 million d’euros : dans tous les cas, on a « tapé » les amis politiques et les contribuables apprécieront sûrement.
    Mais il manque encore de l’argent et il va falloir trouver d’autres généreux contributeurs ; la région Ile de France est sollicitée et même l’Europe, puisqu’on sait que les amis d’Attac apprécient beaucoup la politique de Bruxelles… Mais B. CASSEN a eu une autre idée géniale : solliciter le gouvernement français qui, comme on le sait, a ces temps-ci le budget facile et généreux.
    Une délégation d’Attac, conduite par B. CASSEN, s’est donc rendue à l’hôtel Matignon où elle a été reçue par le conseiller diplomatique du premier ministre Serge DEGALLAIX. Le récit de cette entrevue, racontée par le Figaro du 17 janvier, ne manque pas de sel : B. CASSEN « est sorti tout sourire de son entrevue » ; « nous avons reçu un très bon accueil » se réjouit-il.
    Bien entendu, le conseiller n’avait pas pouvoir pour s’engager sur un tel financement ; mais selon CASSEN « il a expliqué que l’Etat est disposé à apporter un appui financier pour l’organisation du forum social européen ». De plus, « le gouvernement français nous aidera dans nos démarches auprès de la Commission européenne et du Parlement de Strasbourg ». Matignon a confirmé ces deux informations et n’est pas fermé à l’octroi de subsides de l’Etat. On se reverra dans deux mois, tout en appuyant les demandes de fonds auprès des autres organismes. Et s’il manque encore des fonds, le gouvernement sera là pour combler le trou.
    Certes, comme le souligne le Figaro, Jacques CHIRAC plaide depuis longtemps pour « une mondialisation maîtrisée » et J.P. RAFFARIN veut une « humanisation de la mondialisation ». Mais de là à financer une organisation subversive, ouvertement marxiste, provoquant en permanences des incidents contre les délégations étrangères, il y avait un pas que nous ne pensions pas voir franchi par le gouvernement français. Ce n’est pas pour financer Attac que la majorité actuelle a été élue. Du moins avons-nous la faiblesse de le penser.



    Jacques de Guénin, le 27 octobre 2005

    On raconte qu'en 1936, Hayek reçut un livre d'un collègue, et songea immédiatement à en faire une critique détaillée. Puis il se dit que l'ouvrage était si plein d'erreurs et si incohérent que personne ne le prendrait au sérieux, et qu'il valait mieux utiliser son temps à développer ses propres idées.
    L'ouvrage en question n'était autre que La théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, de John Maynard Keynes, économiste brillant mais paradoxal, dans l'oeuvre duquel le meilleur côtoie le pire. Plus tard, lorsque les interventionnistes de tout bord, puis les orphelins du marxisme, firent de Keynes leur héros, Hayek regretta amèrement sa décision initiale.
    Beaucoup d'entre nous ont eu la même réaction que Hayek lorsqu'ils ont lu les premières déclarations d'ATTAC. Elles étaient si totalement déconnectées de la réalité observable, qu'elles ne pourraient avoir, pensions nous, aucune influence sur les gens sensés. C'était méconnaître quelques réalités profondes :

    1.Leurs dirigeants, - mais pas forcément les militants de base - sont de purs idéologues, d'indécrottables marxistes, soit communistes, soit trotskystes, et qui n'ont qu'un objectif, démolir la démocratie libérale et le système capitaliste. Mais ils ont compris qu'ils ne pouvaient plus séduire les gogos avec la vulgate marxiste. Le communisme, qui fut l'immense espoir de toute une génération, a donné naissance aux régimes les plus abjects de toute l'histoire de l'humanité, en URRSS, en Chine, au Vietnam, au Cambodge, en Corée du Nord, à Cuba, et autres lieux. Lorsque la vérité sur ces régimes a explosé, les communistes de base, qui avaient tant donné d'eux-mêmes pour promouvoir leurs croyances, ont souffert en silence et avec dignité. Le génie des dirigeants d'ATTAC a consisté à les récupérer en exploitant leur crédulité et en lui donnant un point d'application nouveau, au mépris, classique chez les dirigeants communistes, de la vérité. ATTAC est donc d'abord une voiture balai qui tente de récupérer les communistes et les gauchistes perdus, avides de retrouver leur idéologie.

    2. Ils ne se bornent cependant pas à ceux-là. Pour attirer à eux "les idiots utiles de bonne volonté" - pour employer une expression de Lénine -, ils font vibrer la fibre sensible de l'aide aux pays pauvres. Mais comme nous le verrons dans un prochain article, ils se moquent éperdument des modalités pratiques qu'il faudrait mettre en oeuvre pour sortir les pays pauvres de leur misère. La seule chose qui les intéresse vraiment est la reprise, sous des habits neufs, du vieux combat contre le capitalisme.

    3. Les dirigeants d'ATTAC réécrivent en permanence l'histoire contemporaine dans leurs publications, dont la plus distinguée est le Monde Diplomatique, très prisé chez les étudiants. On y interprète à longueur de numéro tous les malheurs de la pauvre humanité souffrante comme le résultat du capitalisme, de préférence américain. Une revue sur papier glacé, agréablement illustrée, Alternatives Economique, adopte un ton plus modéré propre à plaire aux professeurs. De nombreuses statistiques font sérieux. Mais les statistiques sont souvent partielles et biaisées, et il faut être très fort et très tenace pour le déceler. Derrière cette apparente objectivité se cache en réalité une idéologie marxisante, anti-libérale et pour faire bon poids, antiaméricaine.

    4. L'Education Nationale participe allègrement à la propagation de cette idéologie comme si de rien n'était. Les enseignants sont majoritairement de gauche et bien conditionnés par les publications que je viens de citer. On ne s'étonnera donc pas qu'ils véhiculent les idées altermondialistes en histoire et géographie , en philosophie, et bien sûr en économie dans les grandes classes du secondaire. Mais ce qu'il y a de plus terrible, c'est que les programmes eux-mêmes sont imprégnés de concepts marxistes. On en trouvera des exemples étonnants dans un prochain article. La désinformation répandue auprès des jeunes cervelles malléables, à un âge où l'on ne mets pas en doute l'enseignement des professeurs, a quelque chose de pathétique.

    5. Les idées altermondialistes pénètrent la plupart des medias, et tous les partis politiques, même les partis de droite, y compris le Front National. Prêts à vendre leur âme pour gagner quelques voix, les hommes politiques subventionnent ATTAC à qui mieux mieux, et se prostituent avec leurs leaders. Laurent Fabius, cet ancien premier ministre réputé si intelligent, a pris ostensiblement son petit déjeuner avec le bouffon violent José Bové, le jour de l'inauguration du Forum Social Européen. Notre ineffable Président de la République a reçu Bernard Cassen à l'Elysée, et il s'est même transformé en porte parole des altermondialistes à l'ONU, puis à Davos, au nom de la France, bien entendu.

    6. Ils nous coûtent cher. Ils reçoivent énormément de subventions : de l'Etat, de certains Conseils Généraux et d'une soixantaine de municipalités françaises dont les habitants ne connaissent pas nécessairement cette destination de leur argent. Le pouvoir dit de droite, avec l'argent des contribuables, a littéralement arrosé ATTAC. Cela a commencé à Evian, où notre apprenti sorcier de gouvernement a distribué ses largesses aux gens d'ATTAC - pour qu'ils se tiennent sages pendant le G8, dit-on -. Mais ce n'est rien en comparaison de ce qu'ATTAC a obtenu pour la préparation du "Forum Social Européen" du 12 au 15 Novembre à Saint-Denis : 2 500 000 euros d'aides indirectes en locaux et moyens matériels ; 2 330 000 euros de subventions directes (dont 1 000 000 euros de la Ville de Paris ; 480 000 euros en provenance des Conseils généraux ; 250 000 euros de Matignon ; 250 000 euros de la part du Quai d'Orsay et 300 000 euros du Conseil régional)! Or s'il s'était dit quelque chose d'utile ou d'intelligent lors de ce forum, cela se saurait. Quel immense gaspillage d'argent public!
    L'Etat soutient aussi ATTAC d'autre manière. Plusieurs des permanents sont, ou ont été des emplois-jeunes. Et alors que l'on nous rebat les oreilles sur le manque d'enseignants, plusieurs sont détachés à ATTAC pour des tâches diverses telles que la tenue du site informatique ! Il semblerait enfin que l'Etat subventionne leur université d'été sous forme d'aide à la formation permanente.
    Il est vrai qu'ATTAC n'est pas le seul bénéficiaire de ces largesses, tant s'en faut. Nous vivons dans un pays dit démocratique où les politiciens utilisent les contraintes de l'Etat pour obliger les contribuables à financer des groupes de pression qui heurtent nos convictions les plus intimes en vociférant à nos frais. Quand serons nous débarrassés de cet Etat minable et corrompu!

    7. Paradoxalement, les mouvements altermondialistes, dont ATTAC est le plus connu, sont devenus bien plus dangereux depuis la chute du communisme, car auparavant, les pays communistes pouvaient au moins servir de repoussoir. Les dirigeants de la gauche dissimulaient autant qu'ils le pouvaient les horreurs de ces pays, mais ils étaient limités dans leur prosélytisme par ceux qui connaissaient la réalité. Aujourd'hui, ces dirigeants n'ont même plus l'URSS ou la Chine pour les gêner, tout juste la Corée du Nord, mais elle est loin, et son régime n'en a sans doute plus pour longtemps. Ils sont libres à nouveau de faire ce qu'ils veulent. Et ce qu'ils veulent c'est la chute des démocraties libérales.

    ATTAC, dont le sigle pourrait aussi bien signifier Association Trublionne Totalitaire des Attardés du Communisme, est donc en fait un mouvement très dangereux, car faute de pouvoir s'appuyer sur des faits, il fait appel à l'affectivité et à l'envie, denrées très répandues à la surface de la terre.
     

octobre 27, 2014

Sur la page pour une démocratie libérale (6/21) (liberté de la presse)

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.



La liberté de la presse
 
Dans une démocratie, la presse doit être indépendante de toute intervention gouvernementale. Les gouvernements démocratiques n'ont pas de ministère de l'information qui réglementerait le contenu des journaux ou l'activité des journalistes, ni de réglementation qui imposerait un contrôle de l'État sur ce qu'écrivent les journalistes ou qui obligerait ceux-ci à adhérer à un syndicat contrôlé par le gouvernement.

Une presse libre informe le public, demande des comptes aux responsables et constitue un forum de débat sur les questions locales et nationales.

Les démocraties veillent à l'existence d'une presse libre. La liberté de la presse repose sur l'indépendance du système judiciaire, la vigilance de la société civile, le respect de l'État de droit et la liberté de parole. La liberté de la presse ne peut exister sans les protections légales indispensables.

Dans les démocraties, le gouvernement doit rendre des comptes sur son action. Les citoyens doivent donc être informés sur les décisions que leur gouvernement prend en leur nom. La presse permet la satisfaction de ce droit à l'information, en dénonçant si besoin les erreurs ou abus du gouvernement, en permettant aux citoyens de lui demander de rendre des comptes et de remettre en question sa politique. Les gouvernements démocratiques permettent aux journalistes d'accéder aux réunions et aux documents publics. Ils ne fixent pas de règles a priori sur ce que les journalistes peuvent dire ou ne pas dire, ou bien écrire ou ne pas écrire.

La presse, de son côté, doit se comporter de façon responsable. Grâce à ses associations professionnelles, ses conseils indépendants et ses médiateurs - critiques internes qui reçoivent les plaintes du public - la presse a les moyens internes voulus pour remédier à ses propres excès et assumer ses responsabilités.

La démocratie exige que le public fasse des choix éclairés. Pour que le public ait confiance dans la presse, les journalistes doivent rapporter les faits en se fondant sur des sources et des informations crédibles. Dans une presse libre, le plagiat et les fausses nouvelles sont contreproductifs.

Les organes de presse doivent avoir un conseil de rédaction, indépendant du gouvernement, capable de distinguer le recueil et la diffusion d'informations de la propagation d'opinions.
 
Les journalistes ne doivent pas suivre les mouvements de l'opinion publique, mais être guidés uniquement par la recherche de la vérité, dans toute la mesure où elle peut être atteinte. Dans une démocratie, la presse peut effectuer son travail de recueil des nouvelles et de reportage sans avoir à espérer les faveurs du gouvernement ou à craindre des mesures de rétorsion.

Dans les démocraties, on constate une lutte sans fin entre deux droits : le droit et l'obligation du gouvernement de protéger la sécurité nationale et le droit du peuple à être informé, qui suppose que les journalistes peuvent accéder à l'information. Les gouvernements doivent parfois limiter l'accès à des informations considérées comme trop sensibles pour faire l'objet d'une diffusion générale, mais les journalistes des démocraties ont parfaitement le droit de chercher à connaître ces informations.   


Liberté de la presse

De Wikiberal

La liberté de la presse est l'un des principes fondamentaux des sociétés libérales en liaison avec la liberté d'opinion et la liberté d'expression.
La liberté de la presse inclut entre autres la protection des sources d'information des journalistes

Démocratie et liberté de la presse

Tous les auteurs libéraux s'accordent pour que l'État n'ait pas à intervenir dans le contenu rédactionnel de la presse, sinon il porterait atteinte aux Droits individuels (Émile Faguet, Benjamin Constant, Paul-Louis Courier). Dans ce cas, la liberté de la presse est assimilable à la liberté d'expression. Certains socio-démocrates partagent aussi cet avis. Cependant les libéraux et les socio-démocrates sont assez partagés sur l'intervention de l'État dans la presse. Lorsqu'on relie démocratie, pouvoir économique et liberté de la presse, les socio-démocrates ont un positionnement d'emblée interventionniste à la différence des minarchistes et des libertariens anarcho-capitalistes.
Les sociaux-démocrates considèrent que l'État est la garantie de la démocratie. Ce serait une de ses missions essentielles. Et il n'existe pas de démocratie sans liberté de la presse. Par un faux syllogisme, on arrive à ce que la liberté de la presse soit défendue par l'État. On aboutit alors à des aberrations qui rappellent l'Union soviétique : des journaux que presque plus personne ne lit sont tenus à bout de bras par des subventions étatiques.
Pierre-Joseph Proudhon a dit qu' il n'y a pas de véritable démocratie sans pédagogie. Comme la presse est censée être diversifiée et formatrice, la multiplicité des supports de presse est considérée comme une forme de campagne électorale permanente. Les socio-démocrates considèrent qu'il faut soutenir cette diversité de l'offre en subventionnant la production et la distribution de la presse. Puisqu'ils considèrent que le pluralisme n'est pas respecté, ils sont prêts à intervenir pour équilibrer les différentes tendances. Ils parviennent donc à intervenir sur le contenu rédactionnel, ce qui était contraire à leur initiative. Les libertariens considèrent que le socle de la liberté n'est pas la démocratie en elle-même mais les Droits que chaque individu dispose sur lui-même. La démocratie est une forme de défense de ses droits, elle peut être dévoyée et dénaturée de son objectif et impliquer une mise en danger des Droits des individus. En agissant, ainsi, l'État ne garantit pas la liberté des citoyens, il la menace.
Les libéraux sont donc opposés à tout soutien étatique apporté à la presse (en général sous prétexte de liberté de la presse ou de pluralisme). Un tel soutien serait d'ailleurs antidémocratique, puisque l'on contraint le contribuable à subventionner des organes de presse dont il ne se soucie pas (voire qui peuvent être contraires à ses propres opinions). On trouve cependant de rares libéraux favorables à de telles aides :
L'aide de l'État à la presse écrite pourrait être appelée aide à la liberté de l'information et de la communication. Et cette liberté n'est pas négociable. Elle renvoie à l'un des droits naturels de l'homme, tel que les libéraux du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle, à la suite de John Locke, puis de Montesquieu, Hume, Voltaire ou des hommes des lumières l'ont défini. Tel que les libéraux de 1789 l'ont inscrit dans la déclaration de Droits de l'Homme et du Citoyen, tel qu'ils l'ont toujours défendu au cours de notre histoire, dans les périodes les plus sombres au risque de leur vie ou tel qu'ils l'ont toujours propulsé dans les Républiques successives, au gouvernement ou dans l'opposition. La vie libre de la presse écrite est une condition majeure de la liberté de conscience mais aussi de la démocratie, de son pluralisme...
...Et je regrette que l'État n'ait pas assuré son rôle pour permettre à des journaux comme Combat, pour ne citer qu'un de ces journaux qui ont disparu, de poursuivre, sur leur ligne éditoriale, leur diffusion. Il est donc nécessaire que l'État assure cette vie, qu'il aide la presse écrite. C'est l'une de ses missions essentielles." (Alain Madelin, La Tribune de la vente, n°316, mai 2002, p.14)

Concentration et liberté de la presse

Aujourd'hui, les points de vente traditionnels sont de plus en plus nombreux à souffrir d'une baisse de fréquentation au bénéfice des grandes surfaces et des galeries marchandes. Et, on s'aperçoit que les ventes de quotidiens diminuent. Certains interventionnistes considèrent aussi que les grandes puissances économiques évincent la presse indépendante et freine, voire occulte la circulation des faits. Donc, l'État doit aider financièrement la production et la circulation de la presse. L'école autrichienne, par l'intermédiaire de la théorie de la concurrence (Friedrich Hayek), de la théorie du monopole (Dominick Armentano) ou de la théorie des cartels (Pascal Salin), montre que le phénomène de concentration d'un secteur d'activité s'accélère ou se pérennise à cause de l'intervention de l'État et de ses règlementations.
Le marché de la distribution de la presse est régie en France par la Loi Bichet du 2 avril 1947 à l'allure marxisante. Il s'agit encore d'un rare secteur où on se réfère au plan quinquennal. L'organisation en coopérative mène à une production totalement déconnectée de la demande. Il n'y a pas d'écoute de la part des intervenants dans la chaîne de distribution, ce qui conduit à une économie de gaspillage. 44% de la production de la presse, vendue au numéro, repart en invendus. Soit, presque la moitié de la richesse qui est créée s'en va en fumée à cause d'une organisation désuète.
La Loi Bichet a organisé le marché de façon structurée, hiérarchique et rigide. Elle établit un marché de duopole (niveau 1) entre les éditeurs et les messageries de presse (Nouvelle Messagerie de Presse Parisienne, NMPP et Messagerie Lyonnaise de Presse, MLP) et un marché de monopole (niveau 2) entre les dépositaires de presse et les détaillants (diffuseurs de presse). La volonté de ces organisateurs est d'imposer une capillarité absolue de la France avec plus de 30000 points de vente. Le commerce de la vente de la presse est administré tant par les quantités que par les rémunérations des agents de la vente. Les règles sont imposées de haut en bas.
Celui qui est en contact avec les acheteurs de presse (niveau 3), communément appelé kiosquier ou marchand de journaux, n'a aucune possibilité de mettre en concurrence les acteurs de la production et de la distribution de la presse.
Demander encore plus d'interventions renforce la concentration et nuit à la liberté de la presse.
Pourquoi l'offre ne correspond t-elle pas à la demande ? Cette réponse appartient aux entrepreneurs en place aujourd'hui ou à ceux qui emergeront demain (éditeurs, dépositaires, diffuseurs, lecteurs, annonceurs publicitaires). La liberté de la presse sous la forme de magazine et de journaux n'est qu'une forme d'informations. En fait, les lecteurs et les annonceurs, qui sont apporteurs de recettes, pour le circuit de la presse, cherchent des substituts d'informations qui correspondent à leur attente (télévision, radio, internet, wap etc).
Pour les libertariens, il n'existe pas de liberté de la presse sans entrepreneur libre qui utilise les données, les capte, les interprète et les découvre par lui-même ou grâce à d'autres entrepreneurs. Le meilleur soutien que l'État puisse faire à l'individu c'est qu'il s'abstienne d'enfreindre ses droits fondamentaux.

Les aides directes de l'État

Depuis 2001, l'État intervient en faveur de la presse (39 millions d'Euros en 2002 et 578.32 millions en 2010 [1]). L'État intervient dans 4 domaines :
  • L'aide à la diffusion afin de diversifier le circuit de distribution (portage) et de le moderniser (subvention à l'aménagement des magasins)
  • L'aide à la presse à faibles ressources publcitaires (comme La Croix ou L'Humanité)
  • Les fonds de modernisation de la presse quotidienne et assimilée, destiné aux entreprises éditant au moins un quotidien ou un hebdomadaire régional d'information politique et générale. Cette subvention est financée par un compte d'affectation spéciale au budget (taxe sur hors média)
  • Fonds spécial destiné à aider la presse dans sa diversification multimédia sous forme d'avances remboursables ou de subventions plafonnées.
Une liste non exhaustive des aides à la presse [2] :
Aides directs :
  • Les réductions tarifaires de la SNCF.
  • L’aide à l’impression décentralisée des quotidiens.
  • L’aide à la modernisation des diffuseurs.
  • L’aide exceptionnelle au bénéfice des diffuseurs de presse spécialistes et indépendants.
  • Le fonds d’aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l’étranger.
  • L’aide au portage de la presse.
  • Aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique et générale.
  • Le fonds d’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires.
  • Le fonds d’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces.
  • L’aide aux publications hebdomadaires régionales et locales.
  • Le fonds d’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale.
  • Fonds d’aide au développement des services de presse en ligne.
Aides indirectes :
  • Le taux réduit de TVA.
  • Le régime spécial des provisions pour investissements.
  • L’exonération de la cotisation foncière des entreprises (anciennement taxe professionnelle) des éditeurs et agences de presse.
  • Le régime dérogatoire des taux de cotisations de sécurité sociale des vendeurs- colporteurs et des porteurs de presse.
  • Le calcul des cotisations sociales des journalistes.
  • Le statut social des correspondants locaux de presse.
  • Les tarifs postaux préférentiels.
Une étude récente[3] estime qu'en France la presse est subventionnée à hauteur de 20 % (pour certains journaux c'est proche de 50 %).

Petite précision d'actualité

Pour information, la France était en 2010 44ème au classement mondial de la liberté de la presse, juste derrière le Suriname, selon "Reporters sans frontière".


La liberté de la presse selon Jean-Baptiste Say

Dans un texte publié en 1789, le jeune Jean-Baptiste Say exprimait son attachement aux libertés de la presse et de penser. 


De la liberté de la presse est l’un des premiers et des plus méconnus écrits de Jean-Baptiste Say. Paru en 1789, il est significatif du progrès, en France, des idées de liberté. Il est aussi une contribution courageuse et bien sentie de celui qui devint plus tard le plus grand économiste libéral français. À ce double titre, il méritait de sortir de la poussière et de l’anonymat, et d’être présenté dans cette revue.

Un penseur brillant n’a jamais deux fois l’occasion d’être jeune. Pour comprendre la genèse d’une pensée, la seule solution est de consulter les écrits de jeunesse : lire les controverses philosophiques du jeune Karl Marx, pour faire l’archéologie du marxisme ; ou consulter les cours de philosophie morale du professeur Adam Smith, pour y chercher les traces de la future Richesse des Nations.

C’est une enquête similaire que nous mènerons ici, en commentant l’un des premiers écrits de l’économiste Jean-Baptiste Say. Il s’agit d’une courte brochure, intitulée De la liberté de la presse. Elle fut publiée à une période charnière de l’histoire de notre nation : en 1789.

Cette brochure a été beaucoup négligée par les commentateurs ultérieurs de l’œuvre de Say, et ceci est fort dommage, pour au moins trois raisons. La première, nous l’avons esquissée, et elle est biographique : il s’agirait par l’étude de ce texte de faire sentir quelles ont pu être les premières conceptions politiques du jeune Jean-Baptiste Say. La seconde, qui est liée mais qui est plus théorique, peut s’exprimer ainsi : notre conception du libéralisme ne grandirait-elle pas par l’étude du traitement d’une liberté cruciale par celui qui allait devenir plus tard le plus grand économiste libéral français ? La troisième, enfin, est plus historique : l’étude de cette brochure nous permettrait d’offrir un éclairage nouveau et instructif sur l’état des esprits relativement à cette question importante de la liberté de la presse, au seuil du déclenchement de la Révolution française.

Il est certain qu’en effet, cette brochure était illustrative du développement intellectuel de l’époque. Elle l’était d’abord par son thème, la liberté de la presse : en cette même année de 1789, pas moins de 7 000 brochures furent publiées en France sur ce thème. Mais plus encore, c’est par le ton et par les idées que ce petit opuscule s’unit parfaitement avec les tendances intellectuelles du début de la Révolution.
Comme nombre de ses contemporains, blessés par les prétentions absolutistes de la censure royale, le jeune Jean-Baptiste Say proclamait dans sa brochure la grande utilité de la liberté de la presse : c’est elle qui propage la lumière, expliquait-il notamment dans une métaphore.

« Les lumières de l’esprit sont comme la lumière du jour. Aussitôt qu’elle pénètre dans nos maisons, le mouvement, le travail, les plaisirs, tout renaît ; et de là le bonheur. » (Œuvres complètes, V, p.1491)

Grâce à l’invention de l’imprimerie, écrit en outre l’économiste français, l’âge primitif des hommes a cessé, les idées se sont transmises plus aisément, et « tout le monde s’est enrichi ». (p.149) Alors pourquoi vouloir bloquer cette transmission salutaire ?
Cela est contraire à l’intérêt de l’humanité, et cela va aussi à l’encontre de la nature même de l’esprit humain et des idées qui en naissent, qui sont libres par essence, et qui ne demandent qu’une chose, c’est d’être partagées globalement, jusqu’à devenir, pour ainsi dire, communes. Say note bien cette disposition naturelle : 

« La pensée est destinée à voler d’un esprit dans un autre, et personne n’a le droit de l’arrêter au passage. Cependant, chez nous, et dans notre siècle, l’homme de génie doit encore soumettre l’élan de ses conceptions au compas d’un censeur souvent inepte, toujours mercenaire et craintif. » (p.150)

Il n’y a pas à s’étonner qu’un homme intéressé par les questions économiques se soient aussi violemment opposé à la censure. Les économistes, en effet, ont constamment eu à craindre et à subir l’opposition des censeurs, et Jean-Baptiste Say lui-même ne pourra pas, plus tard, publier à sa guise différentes rééditions de son Traité d’économie politique (1803). Avant lui, Mirabeau fut envoyé en prison, à Vincennes, pour sa Théorie de l’Impôt, composé en collaboration avec François Quesnay ; Vauban fut persécuté jusqu’à sa mort pour avoir fait paraître illégalement l’audacieuse Dime Royale ; et Boisguilbert, à la même époque, dut également se cacher, et publier anonymement, pour éviter de souffrir de l’absurdité de la censure.

N’ayant plus sous les yeux de nos jours cette censure royale qui terrorisa tant les économistes français du dix-huitième siècle. Il est donc important de rappeler que dans l’Ancien Régime, l’institution même du censeur était perverse. Pour se servir d’une comparaison qu’on nous pardonnera parce qu’elle est vraiment très illustratrice, le censeur ressemblait à nos actuels organes de contrôle de mise sur le marché des médicaments : comme personne ne se plaint jamais de l’interdiction d’un bon médicament, mais uniquement de l’autorisation accordée à un mauvais, ces organes sont incités à adopter un esprit prohibitionniste excessif, eu égard seulement à la mission qui leur est confiée. Le même travers est observable dans le cas des censeurs.

Jean-Baptiste Say écrit : « Le censeur craint d’être trop indulgent ; de là une sévérité vétilleuse. Il craint de ne pas apercevoir une allusion, un sens caché ; de là mille étranges interprétations. Il craint enfin que son attention, trop peu soutenue, n’ait laissé échapper quelque trait répréhensible ; de là, pour aller au plus sûr, il proscrit tout l’ouvrage : car ce censeur, qui court plus d’un risque en approuvant un livre, n’en court aucun en le rejetant. » (pp.150-151)

En indiquant les critiques que Say adresse à l’institution de la censure, il ne nous est pas permis néanmoins de laisser croire qu’il désirait accorder une liberté pleine et entière : ainsi la calomnie ou l’injure ne pouvaient selon lui se prévaloir des principes de la liberté de la presse. Mais cela étant posé, il continue à réclamer la liberté de la presse pour ceux qui ne se rendent pas coupables de tels travers :

 « Si la justice, si le bon ordre demandent qu’on punisse celui qui calomnie, celui qui injurie, celui qui sape criminellement un ordre de choses légitimement établi, que celui-là soit puni seul ! » (p.155)

Les idées de ce livre, audacieuses et pourtant peu radicales, étaient parfaitement en phase avec l’opinion. Say était d’ailleurs bien conscient du fait qu’avec sa brochure, il répandait et illustrait les aspirations profondes de ces concitoyens, et notait : 

« Je le dis hardiment, le vœu public parle comme moi. » (p.155)

Malgré quelques appréciations peut-être maladroites et un style moins tranchant et moins pur qu’il eut pu l’être, nous avons là une défense fort habile de la liberté de la presse. Dans son âge mûr, Say sera pourtant très sévère avec ce texte, ce qui le condamnera à un injuste oubli. Non seulement Say n’en fit aucune publicité ultérieure, non seulement il ne s’en vanta jamais, mais il écrivit même quelques mots critiques sur son exemplaire personnel de la brochure, des mots qu’il nous faut citer, bien que nous ne partagions pas entièrement les avis de l’auteur.

« Cette brochure est bien médiocre ; c’est l’ouvrage d’un bien jeune homme ; de l’enflure, des expressions vague, des apostrophes et quelquefois des incorrections et du mauvais goût. Je la fis à un âge où il m’était impossible de m’élever au-dessus de mon sujet. Mais on y voit une âme qui soupire après ce qui est beau et bon et qui est animé de l’amour du bien public. C’est là ce qui me poussa à me faire imprimer. Qu’on se reporte aux premiers mois de 1789.
L’ancien gouvernement subsistait encore avec ses formes, ses censeurs, lieutenant de Police, etc., et cependant tous les écrivains étaient tourmentés du désir de développer leurs vues sur les réformes qu’on entrevoyait devoir arriver dans l’administration. On était appelé à s’occuper du gouvernement et le gouvernement voulait qu’on se tût : quoiqu’il fut vrai (ainsi que le gouvernement l’a éprouvé depuis), qu’il aurait mieux valu laisser faire la Révolution par des écrivains que par la populace. C’est ce que j’entrevoyais et je voulus exciter par tous les motifs possibles les gens encore puissants, et surtout le ministère dont Necker faisait partie, à ouvrir toute son influence aux lumières.
Ce qui m’a surpris, c’est que ma mauvaise brochure fût trouvée digne d’être critiquée ; on fit imprimer une feuille volante où j’eus l’honneur d’être déchiré de toutes les manières. Je n’ai jamais pu comprendre le motif qui poussa mon censeur ; car assurément ma production n’était faite pour exciter ni la crainte, ni l’envie.
Dans cet écrit où il n’était nullement question du fond de la chose l’auteur regrette que la liberté de la presse se soit déjà étendue jusqu’à en laisser sortir mon ouvrage, comme si la censure des livres avait jamais eu pour but d’empêcher les sottises.
Il s’attache ensuite à toutes mes phrases et le plus souvent les change afin de pouvoir en dire du mal, comme si elles n’offraient pas d’assez justes sujets de critiques en les laissant telles qu’elles sont. » (p.156)

Cette appréciation critique est peu justifiée, quand on considère l’audace que c’était encore que de s’opposer à la censure en 1789. À sa lecture, on perçoit tous les maux du siècle, tous les abus d’une institution injustifiée et indéfendable. On sent aussi l’importance de défendre, partout et en toute occasion, la liberté de la presse et la liberté de penser, aujourd’hui emprisonnée dans une fausse liberté par les agréments, les syndicats et les subventions.

Indiquons pour finir que cette courte brochure était parue sans mention de l’auteur, ni de l’éditeur, ni du lieu. Elle n’est d’ailleurs pas disponible sur internet, mais seulement dans les Œuvres complètes de Jean-Baptiste Say, d’où nous l’avons tirée. Google Books a bien une telle brochure, mais en dépit du titre et de l’attribution, il ne s’agit pas du bon texte.

Publication originale : « La fin de l’obscurantisme. La liberté de la presse selon Jean-Baptiste Say”, Laissons Faire, numéro 7, décembre 2013. Sur le web.
 
Par A.L., Institut Coppet. via Contrepoints

Presse

De Wikiberal
 
La presse (parfois appelée "presse écrite") désigne l'ensemble des moyens de diffusion de l’information écrite : journaux quotidiens, publications périodiques, organismes professionnels de diffusion de l'information.
La liberté de la presse est l'un des principes fondamentaux des sociétés libérales en liaison avec la liberté d'opinion et la liberté d'expression. Les libéraux défendent par ailleurs la fin des subventions à la presse, incompatibles avec une démocratie saine[1]. En France ces aides représentent environ 1,2 milliards € par an. 

Journalisme et étatisme

Certains États faussent le marché en subventionnant la presse. Par exemple, le système des aides à la presse en France, sous le prétexte du "pluralisme", maintient à flot des journaux qui feraient faillite faute d'un nombre suffisant de lecteurs (de telles aides représentent des montants estimés autour de 1,2 milliards d'euro en France[1], soit environ 50000 € par journaliste, à comparer avec un chiffre d'affaires de 8,7 milliards selon l'INSEE).
Par exemple, le journal Le Monde est en 2010 le second quotidien français qui reçoit le plus de subventions de l’État avec 17 millions d'euros d'aides directes. En 2013, les deux journaux les plus aidés sont : Le Figaro (18,6 millions), Le Monde (18,2 millions)[2]. Ils sont suivis par Ouest France (11,9 millions), La Croix (10,7 millions), Télérama (10,3 millions) et Libération (10 millions).
En France, les journalistes bénéficient également d'une "niche fiscale", qui les autorise à déduire un certain montant de leur revenu imposable (7650 euros en 2012).
Un exemple typique de l'arbitraire étatique en matière de soutien à la presse fut l'effacement par l’État français, en 2013, d'une dette du journal l'Humanité à hauteur de plus de 4 millions d'euro[3].
Les subventions à la presse impactent directement la liberté de la presse : les journalistes sont transformés en "bouffons du Roi", entretenus par le pouvoir pour amuser la galerie, mais pas pour remettre en question ce même pouvoir. 

Les aides de l’État à la presse écrite.

Il est classique de lire que

« La presse écrite connaît ces dernières années un lent déclin lié en particulier à l’apparition de nouveaux médias et à de profonds changements des modes de consommation de l’information (Internet, presse gratuite…) ».

Et beaucoup de se satisfaire en France que :

« Les aides accordées par l’État au secteur de la presse constituent l’un des volets de la politique de la communication, qui vise à faciliter l'exercice de la liberté d’expression et de la liberté d’information indispensables à la vie démocratique. »

Selon la Cour des comptes - dans un rapport de la Cour régionale des comptes de juillet 2013, communication à la Commission des finances du sénat;Art.58-2° de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001;http://www.ccomptes.fr/Actualites/A-la-une/Les-aides-de-l-Etat-a-la-presse-ecrite, d’où les extraits précédents sont tirés -, les aides publiques à la presse, pour lesquelles une évaluation est donnée dans les documents budgétaires, s’élèvent à

€ 684,3 millions en loi de finances initiale pour 2013,

ce qui représente de l’ordre de 7,5 % du chiffre d’affaires de la presse écrite 1)
1 La Cour des comptes n’a pas examiné les éventuelles contributions apportées par les collectivités territoriales au secteur de la presse écrite qui ne faisaient pas partie de son champ.

Selon l’acception plus ou moins large que l’on donne aux aides à la presse écrite, l’évaluation prend en considération :

- l’aide à la presse proprement dite pour un montant de

€ 394.7 millions en loi de finances initiale pour 2013,

- la contribution de l’État à la mission de service public assurée par l’Agence France-Presse (AFP), qui constitue actuellement une part non encore isolée de l’enveloppe relations financières avec l’Agence France-Presse retracée sur le programme 180 - Presse, action n° 1, enveloppe figurant pour un montant de

€ 119,6 millions en loi de finances initiale pour 2013 ;

- la mesure fiscale d’abattement pour frais professionnels des journalistes, assimilables à une aide de la presse, d’un coût de l’ordre de

€ 60 millions

(non retracée dans le fascicule d’évaluation des voies et moyens) ;

- un ensemble de mesures d’exonérations sociales (notamment, abattement d’assiette sur les rémunérations des journalistes, taux réduit de calcul de certaines cotisations sur la masse salariale des journalistes), rarement prises en compte dans le chiffrage des aides à la presse et dont le montant n’est pas évalué.


Le secteur de la presse écrite regroupe en France
environ 2 200 entreprises qui emploient 80 000 salariés dont 25 000 journalistes, et
qui éditent environ 9 000 titres.

Ces titres reçoivent des aides qui sont présentées dans le tableau n°2 ci-dessous:

Entre 2006 et 2012, les crédits consommés pour les aides à la presse sont passés de:
€ 145.6 millions à € 267 millions, soit près d’un doublement après un saut en 2009 (cf. graphique n°3 ci-dessous).
 
Les crédits consommés pour l’A.F.P. sont passés pour leur part de:

                               € 107.8 millions
à
                               € 117.9 millions. 

Selon la Cour des comptes, le coût total de cette politique est élevé, même s’il est difficile à déterminer précisément.

Et, comme pour le démontrer davantage encore, la Cour de faire une comparaison de ce qui se passe en France avec quelques autres pays.



Comparaisons internationales sur les dispositifs d’aide publique à la presse.

Selon la Cour des comptes,

« les comparaisons internationales réalisées au cours des dernières années font apparaître que tous les pays aident la presse, et plus largement les médias. »

Et selon la Cour, les données disponibles permettent d’identifier trois groupes de pays.

On regrettera que la Cour ne donne aucune justification significative de ces groupes.

La Finlande, l'Allemagne et le Royaume-Uni forment le premier groupe.
Selon la Cour, ils ont un modèle dual, alliant un fort financement du service public audiovisuel avec de considérables subventions indirectes pour la presse privée.
Ces trois pays ont les plus hauts montants d'aide publique totale pour les médias (mesurés en euros par habitant). 
Pour ma part, étant donné ce qui est écrit ci-dessous, je considère que le Royaume-Uni a peu de choses à voir avec la Finlande et l'Allemagne

Caractérisés par les plus faibles taux de lecteurs de titres de presse écrite en Europe, la France et l'Italie forment le deuxième groupe constitué.
Ils ont mis en place un modèle mixte d'aides, combinant des niveaux faibles de financement pour les médias audiovisuels de service public avec un mélange de formes directes et indirectes de soutien aux médias du secteur privé (en France pour les journaux, en Italie pour certains radiodiffuseurs locaux).

Parmi les pays étudiés, la France arrive ainsi au quatrième rang et l’Italie au cinquième pour ce qui est du niveau total d'interventions, après la Finlande, l'Allemagne et le Royaume-Uni.
Concernant la France, ce classement serait certainement différent si l’on prenait en compte la seule presse écrite, fortement aidée.
Que la Cour n'y procède-t-elle pas!

Troisième groupe à lui tout seul considéré, les États-Unis.
Selon la Cour, ils constituent un cas à part, avec un modèle que l’on pourrait qualifier de minimaliste, alliant de faibles niveaux de soutien aux médias audiovisuels de service public et un faible niveau d'aides indirectes à la presse privée.

Curieusement, la Cour ne dit rien de particulier sur l’Espagne, les Pays-Bas, la Suède dont les aides à la presse sont pourtant présentées dans l’annexe, sinon que l’analyse des aides à la presse à l’étranger qu'elle propose a été réalisée par la direction générale des médias et des industries culturelles (D.G.M.I.C.).


1. - La Finlande

La combinaison d'une redevance élevée et de vastes exemptions de TVA pour une industrie de la presse relativement importante explique, selon la Cour, que la valeur totale de l'aide publique par habitant en Finlande dépasse de loin celle de n'importe quel autre pays pris en compte dans les études.

Jusque fin 2007, il existait deux types de dispositifs d’aides à la presse :
- les aides sélectives et
- les aides parlementaires.

Les aides sélectives étaient accordées aux journaux les plus modestes afin de réduire, entre autres, leur coût de publication, de transport et de diffusion. Les principaux critères d’éligibilité étaient calculés en fonction des états financiers de l’entreprise (le rendement du capital, le taux d’autofinancement, le ratio de liquidité).

Les aides parlementaires étaient accordées aux partis politiques représentés au Parlement en fonction du nombre de sièges, selon la base des conditions générales de financement des partis politiques en Finlande.

Par la suite, les partis politiques décidaient de l’attribution des aides financières.
Ces aides étaient destinées à soutenir les journaux orientés politiquement (y compris leur édition électronique) mais qui n’appartenaient pas directement à un parti.
En 2007, les aides parlementaires ont représenté :

                            € 8,1 
millions

Le 25 janvier 2008, le Gouvernement a présenté une loi de finances rectificative au Parlement, où 18 millions d’euros (l’équivalent du montant accordé précédemment à la presse sous forme d’aides parlementaires) ont été alloués aux partis politiques.

Le budget des aides parlementaires en 2008 était ainsi intégré au budget de financement général des partis politiques (approuvé par le Parlement le 20 février 2008).
Désormais, les partis peuvent gérer leur budget d’une manière autonome et les aides destinées aux journaux ne sont plus imputables au Gouvernement.

Les aides sélectives ont également été modifiées pour mieux faire face au nouvel environnement médiatique (développement des médias électroniques) et dans le but de renforcer la position du suédois et des langues minoritaires.

Depuis 2008, les aides sélectives sont accordées uniquement aux journaux (et aux médias électroniques correspondants) publiés dans certaines langues minoritaires (telles que le same et la romani) et en suédois ainsi qu’aux services d’information en suédois.

Le budget a été réduit de

                      € 6,1 
millions en 2007 
à
                     € 0,5 
millions en 2008. 

Le critère selon lequel seuls les journaux à faibles ressources étaient éligibles aux aides sélectives n’est plus valable.

Les aides à la presse ne sont pas fixées par la loi.

Le Parlement détermine les aides chaque année (budget de l'État).
Les conditions et les mesures pratiques sont définies dans le décret 1481/2001 sur les aides à la presse, établi en vertu du Act on Discretionary Government Transfers (688/2001).
Ce décret définit un journal comme une publication imprimée et publiée en Finlande, accessible à tous pour un prix d’abonnement raisonnable, publié au moins trois fois par semaine, couvrant l’actualité nationale et internationale et présentant différents aspects de la société.
Une publication numérique est un journal mis à jour au moins trois fois par semaine et disponible au public par l’intermédiaire d’un réseau ouvert d’information.

L’aide aux journaux est accordée par le Ministère des transports et des communications, qui, avant d’accorder une subvention, consulte le Swedish Assembly of Finland 50
50 Forum de discussion et de coopération en charge de la défense des droits des populations de langue suédoise.

ainsi que le Sámi Parliament 51.
51 Organe de défense des droits des Lapons.

Les coûts pouvant être couverts sont les frais d’édition, d’imprimerie, de marketing, d’administration et de distribution. Le tirage ne doit pas dépasser 15 000 exemplaires.

Les aides sont versées en deux fois : durant les deux semaines suivant la prise de décision puis le 15 octobre de l’année pour laquelle la subvention a été accordée.
Si un journal, une publication numérique ou un service d’information a bénéficié d’autres aides, celles-ci ne peuvent excéder 40 % des frais couverts par la subvention.

Les journaux subventionnés sont soit des publications locales ou régionales, soit des publications nationales avec des tirages moins importants.
Ainsi, selon les auteurs, il n’y a pas de risque que les aides accordées perturbent le marché.

Les bénéficiaires doivent remettre un rapport sur l’utilisation de l’aide (au plus tard le 30 avril de l’année suivante) au Ministère des transports et des communications.
Le rapport doit inclure bilans et comptes de résultats.

Enfin, en plus des aides directes, il existe une aide indirecte pour les journaux et magazines.
Les publications servies sur abonnement sont en effet exemptées de la TVA (VAT Act 1501/1003, 55 & 56 §).


2 – L’Allemagne.
En Allemagne, la presse écrite ne bénéficie d’aucune aide directe de l’État.
Selon l’article 5 alinéa 1 de la constitution allemande :

« Chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement son opinion par la parole, par l’écrit et par l’image, et de s’informer sans entraves aux sources qui sont accessibles à tous.
La liberté de la presse et la liberté d’informer par la radio, la télévision et le cinéma sont garanties.
Il n’y a pas de censure
».

Alors que ce dispositif permet en France de justifier les aides à la presse, les autorités allemandes, pour préserver la liberté de presse et une couverture médiatique critique, s’interdisent au contraire d’exercer une quelconque influence et ne versent donc pas à ce titre de subvention directe au secteur.

Trois dispositifs d’aides indirectes à la presse ont néanmoins été mis en place.

D'une part, le transport de la presse écrite est considéré comme un service universel et bénéficie d’une exonération de TVA auprès de la Deutsche Post.
Selon le § 1 alinéa 1 No 3 du règlement sur le service universel postal allemand (PUDLV) du 15 décembre 1999 et le § 4 alinéa 1 N° 11 b de la loi relative à l’impôt sur le chiffre d’affaires du 26 novembre 1979, la distribution de la presse d’information politique et générale est un service universel, exempt de TVA.
Il doit être assuré par la Deutsche Post AG de manière rentable et à des prix réduits.

D’autre part, la vente de la presse écrite bénéficie d’un taux réduit de TVA généralisé de 7%.
En effet, selon le § 12, alinéa 2 No 1, et annexe 2 N° 49 de la loi relative à l’impôt sur le chiffre d’affaires du 26/11/1979, un taux de TVA réduit à 7 % au lieu de 19 % est appliqué à la vente de journaux, de livres et de magazines.

Enfin, la vente de la presse bénéficie d’une disposition légale particulière qui constitue en soi une aide indirecte : la loi sur la concurrence économique (Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen, GWB) du 26 août 1998.
Selon le § 30 de la GWB relatif à la formation des prix dans la presse – exception au droit des cartels –, les prix de vente de journaux et de magazines, fixés par les maisons d’édition de presse, doivent être appliqués sur l’ensemble du territoire et ne peuvent varier ni en fonction du lieu de vente (commerçant) ou du mode de distribution, ni au niveau du système de distribution (chaîne de revente).
Cela implique qu’une maison d’édition fixe un prix qui intègre les coûts de portage.

L’Allemagne compte actuellement dix titres d’envergure nationales (Bild, Frankfurter Allgemeine Zeitung, Die Welt, Süddeutsche Zeitung, Frankfurter Rundschau, Handelsblatt, Die Tageszeitung, Spiegel et Financial Times Deutschland)
et quelque 335 titres régionaux et locaux qui assurent une diffusion quotidienne de 25 millions d’exemplaires.

Environ 16,5 millions d’exemplaires sont distribués par abonnement tandis que près de 8,5 millions sont achetés en kiosque.

Près des trois-quart des Allemands âgés de plus de 14 ans affirment lire régulièrement un journal.
La presse régionale possède également une assise importante en Allemagne.

La presse écrite voit toutefois son influence en tant que vecteur d’information diminuer de manière continue au profit d’Internet, notamment auprès des jeunes générations.
Ainsi, aujourd’hui, il existe environ 660 sites internet d’informations, le plus visité étant Bild.be.

Pour plus de la moitié, le secteur de la presse quotidienne est contrôlé par dix maisons d’édition, qui réalisent à elles seules un tiers des ventes: Bertelsmann, Axel Springer AG, Westdeutsche Allgemeine Zeitung, DuMont Schauberg, Gruner & Jahr, Süddeutsche Zeitung, Frankfurter Allgemeine Zeitung, Dirk Ippen, Holtzbrinck et Madsack/Gerstenberg.

En ce qui concerne les périodiques, les quatre principaux groupes (61 % des tirages) sont Springer, Bauer, Burda et Gruner & Jahr.

La presse allemande, qui a traversé ces dernières années une crise financière sans précédent, a renoué avec une certaine stabilité, bien que les ventes aient toujours tendance à reculer d’une année sur l’autre.

Le repli économique général avait également conduit à un véritable effondrement du marché allemand des annonces et de la publicité – marché qui représente les deux tiers du chiffre d’affaires des journaux.

À cela s’étaient ajoutées la forte hausse du prix du papier, une baisse des ventes en kiosque et une augmentation des parts de marché de l’Internet pour les annonces professionnelles, conduisant à une évolution structurelle importante.

Ainsi, sur ces cinq dernières années, on constate une évolution des parts de marché de la publicité en faveur de l'internet (13% en 2007 – 19,8% en 2010) au détriment des journaux et magazines (53,6% en 2007 – 47,1% en 2010).
La part de marché de la publicité pour la télévision est quant à elle restée stable aux alentours de 23 %.

Face au déclin de la presse quotidienne payante, à l’essor des nouvelles technologies comme Internet et au développement d’une culture de la gratuité dans la consommation de l’information, certaines initiatives ont été encouragées par le gouvernement.

Le ministère d'État chargé de la culture et des médias (BKM) a notamment lancé fin 2008 une opération de promotion de la presse écrite dans le cadre de l’« initiative nationale de la presse écrite – journaux et revues périodiques au miroir de la démocratie », afin de promouvoir cette technique de communication politique et culturelle auprès des jeunes (voir site www.nationale-initiative-printmedien.de).

Cette initiative vise en particulier à éveiller l’intérêt des jeunes pour la lecture des journaux et des magazines ; les sensibiliser à l’importance de la diversité d’opinions et des médias ; leur faire prendre conscience du rôle et de la fonction des médias comme instruments d’éducation politique et culturelle.

Un réseau informel a par ailleurs été créé, réunissant divers acteurs comme le BKM, des maisons d’édition de presse, des fédérations professionnelles de journaux et autres organisations comme la centrale fédérale pour la formation politique (BPB), la fondation Presse-Grosso et la fondation Lire

Des rencontres annuelles sont organisées et permettent de présenter et évaluer les résultats de ces initiatives.46
46. Ces différents membres encouragent un grand nombre de projets de promotion de la presse écrite, comme « Journal à l’école », « Revues dans les écoles ».

Parmi ces fédérations professionelles, on trouve :
Bundesverband deutscher Zeitungsverleger BdZV, Verband deutscher Zeitschriftenverleger VDZ, Verband Deutscher Lokalzeitungen VDL, Bundesverband Presse-Grosso, Deutscher Presserat, Verband Jugendpresse Deutschland JPD, Deutscher Journalistenverband DJV, Deutsche Journalisten Union, Verdi dju.


3 - Le Royaume-Uni

La presse écrite britannique ne reçoit pas d’aides gouvernementales directes.

La presse écrite, au même titre que toute production écrite, bénéficie au Royaume-Uni d’une TVA à taux 0 dans le cadre du dispositif réglementaire « the Value Added Tax Act 1994, section 30, appendice 8, group 3 » 68.
68 Des explications sur le texte de loi sont consultables en ligne sur: http://customs.hmrc.gov.uk/channelsPortalWebApp/channelsPortalWebApp.portal?_nfpb=true&_pageLabel=pageLibrary_PublicNoticesAndInfoSheets&propertyType=document&columns=1&id=HMCE_CL_000102#P37_3148

Bien que la presse écrite observe depuis 10 ans un déclin de ses ventes au Royaume-Uni, les pouvoirs publics n’envisagent pas la mise en place d’un dispositif d’aides.

Le déclin des ventes a été compensé par une augmentation des prix qui a été acceptée par les lecteurs réguliers.


4. La France (pour mémoire… ).

5. L’Italie.
a) Les aides directes en faveur du secteur de la presse en Italie sont nombreuses et ont des objectifs variés.
Certaines constituent des aides pour la diffusion des idées et des programmes politiques :

 - les aides pour les titres (quotidiens, magazines, revues, etc.) liés à des partis ou des mouvements politiques qui ont un groupe parlementaire représenté dans une des chambres ou au Parlement européen ou qui sont l’expression de minorités linguistiques reconnues ayant au moins un représentant au Parlement européen52.
52 Loi du 7 août 1990, n° 250, article 3 alinéa 10.

Cette contribution est double : une partie fixe, annuelle, dont le montant est égal à 40 % des dépenses totales, les amortissements étant inclus ; une partie variable dépendant du nombre d’exemplaires tirés par le quotidien ou l’hebdomadaire ;

- les aides pour les quotidiens ou les périodiques liés à des mouvements politiques 53.
53 Loi du 23 décembre 2000, n° 388, article 153.

Les quotidiens et périodiques organes de mouvements politiques, enregistrés au tribunal, peuvent faire des demandes de contributions, non cumulables avec une autre demande analogue, qui seraient égales à 60 % des dépenses totales de la maison d’édition.

D’autres constituent des aides au pluralisme :

- les aides pour les quotidiens ou les périodiques édités par des coopératives journalistiques ou de journalistes 54.
54 Loi du 7 août 1990, n° 250, article 3 alinéa 2.

Depuis le 1er janvier 2002, les contributions ne peuvent pas être supérieures à 50 % des dépenses totales, amortissements inclus, résultant du bilan de l’entreprise.
Elles sont accordées aux maisons d’édition de quotidiens sous certaines conditions mais sont limitées à un seul titre par éditeur ;

- des aides pour les quotidiens dont la majorité du capital est détenue par des coopératives, des fondations ou des personnes morales sans but lucratif 55;
55 Loi du 7 août 1990, n° 250, article 3 alinéa 2-bis.

- des aides pour les entreprises de périodiques édités par des coopératives, fondations ou personnes morales sans but lucratif ou bien par des sociétés qui sont majoritairement détenues par des coopératives, des fondations ou des personnes morales sans but lucratif 56.
56 Loi du 7 août 1990, n° 250, article 3 alinéa 3.

Depuis le 1er janvier 1991, les maisons d’édition de périodiques qui ont ce statut reçoivent 0,2€ par exemplaire imprimé et par an jusqu’à 30000 exemplaires de tirage moyen, indépendamment du nombre de titres ;

- des aides pour les associations de consommateurs et d’usagers inscrites sur la liste des associations représentatives au niveau national 57.
57 Décret législatif du 6 septembre 2005, n° 206, article 137 et 138.

Enfin, l'Italie attribue des aides à l’accès à l’information et à la diffusion de l’information en italien à l’étranger :

- des aides pour les quotidiens édités dans des régions frontalières et de minorités linguistiques 58;
58 Loi du 7 août 1990, n° 250, article 3 alinéa 2-ter.

les subventions ne peuvent être supérieures à 50 % des dépenses totales, amortissements inclus, résultant du bilan de l’entreprise : elles sont attribuées aux maisons d’édition qui éditent des quotidiens en langue française, slovène et allemande dans les régions autonomes de Val d’Aoste, de Frioul-Vénétie Julienne et de Trentin-Haut-Adige ;

- des aides pour les journaux italiens publiés et diffusés à l’étranger 59.
59 Cf. supra.

Depuis le 1er janvier 2002, les subventions, qui ne sont pas supérieures à 50 % des dépenses totales, amortissements compris, sont accordées aux quotidiens italiens édités et diffusés à l’étranger ;

- des aides pour les journaux édités en Italie et diffusés à l’étranger 60.
60 Loi du 5 août 1981, n°416, article 26 ; loi du 25 février 1987, n° 67, article 19 et loi du 7 mars 2001, n° 62, article 3 alinéa 2.

€ 4 millions par an sont destinés à subventionner les quotidiens qui sont diffusés en dehors des frontières italiennes.

- des aides pour l’édition spéciale de périodiques destinés aux nonvoyants61.
61 Loi du 25 février 1987, n° 67, article 28 alinéa 5 ; décret-loi du 23 octobre 1996, n° 542, article 8 modifié par la loi du 23 décembre 1996 ; loi du 23 décembre 2005, n° 266, article alinéa 462.

Une subvention annuelle de € 1 million est dédiée à ce type d’éditions.

b) Les dispositifs d’aides indirectes au secteur de la presse sont divers : crédits d’impôt, réductions des tarifs du postage ou encore aides au crédit :

- la réduction des tarifs postaux pour l’expédition de produits éditoriaux en abonnement 62.
62 Décret législatif n° 353 du 24 décembre 2003 converti en loi n° 46 du 27 février 2004.

Les maisons d’édition de quotidiens et de périodiques inscrites au Registre unique des Opérateurs de Communication (R.O.C.), les associations et les organisations sans but lucratif, les associations qui publient des périodiques ayant été reconnus de caractère politique par les groupes parlementaires de référence, les organisations professionnelles, les syndicats, les associations professionnelles liées à une catégorie de personnels et les associations d’anciens combattants qui publient des bulletins d’information sur leurs organisations peuvent se prévaloir de la réduction des tarifs postaux.
Pour chaque exemplaire expédié par les Postes italiennes, l’entreprise ne paie que 11 centimes sur les 26 que devrait leur coûter normalement ce service. La différence par rapport au tarif normal est compensée aux Postes italiennes par l'État ;

- la réduction de 50 % des coûts de communication téléphonique pour les entreprises éditoriales63.
63 Précédemment article 28 de la loi n° 416 du 5 août 1981.

Les entreprises éditoriales inscrites au ROC peuvent bénéficier de cette réduction à condition que leur titre paraisse au moins neuf fois dans l’année et qu'il ne s'agisse pas de catalogues ou de titres liés à un parti politique ou visant à faire de la propagande.

Cette mesure peut également prendre la forme d’une mise à disposition de lignes téléphoniques. Elle a été estimée à

                               € 35 millions en 2006 ;

- les aides au crédit pour les entreprises opérant dans le secteur de l’édition 64.
64 Articles 4, 5, 6 et 7 de la loi n° 62 du 7 mars 2001 et décret du Président de la République n° 142 du 30 mai 2002.

Cette mesure consiste en une prise en charge partielle par l’État des intérêts liés à un crédit d’entreprises participant au cycle de production, de distribution et de commercialisation de produits éditoriaux et dont le projet d’investissement a été sélectionné ;

- le taux de TVA réduit à 4 % pour les journaux et bulletins quotidiens, les dépêches des agences de presse, les livres et les journaux périodiques (les journaux et les magazines à caractère pornographique ainsi que les catalogues étant exclus) 65;
65 Article 1 alinéa 6 du décret législatif n° 328 du 29 septembre 1997.

- enfin, les administrations centrales et les organismes publics non territoriaux, les organismes publics économiques étant exclus, sont tenus de consacrer au moins 50 % de leurs dépenses publicitaires à l’achat d’encarts dans les quotidiens et les périodiques 66.
66 Article 5 de la loi n° 67 du 25 février 1987.

A noter que certaines régions ont également pris des dispositions de soutien de la presse régionale 67.
67 Exemple : la loi de la région Piémont n° 52 du 30 juillet 1990 relative aux interventions pour l’information locale.

Enfin, afin de faire face au déclin de la presse quotidienne payante, le législateur a promulgué le décret législatif n° 170 du 24 avril 2001 réorganisant le système de vente de la presse quotidienne et périodique.

Outre les points de vente exclusifs, les possibilités de vendre la presse dans les points de vente non exclusifs ont été élargies.
Ainsi, désormais, les bureaux de tabac, les stations essence, les librairies dont la taille ne dépasse pas un certain seuil ou encore les magasins spécialisés pour la presse spécialisée, sous réserve d’obtenir l’autorisation de la Commune, sont autorisés à vendre des journaux.

Par ailleurs, cet élargissement est également valable pour la vente de journaux spécialisés dans des lieux tels que sièges des partis politiques, églises, syndicats, associations ou la vente ambulante de tels journaux.

La presse peut également être vendue dans les hôtels et les auberges lorsqu’elle constitue un service pour les clients et dans les édifices publics lorsque les journaux sont destinés uniquement aux personnes ayant accès à de tels bâtiments.
La vente à la criée est également légale.
L’ambition de ce décret législatif est de multiplier les canaux de vente de la presse quotidienne et périodique afin de la rapprocher le plus possible des citoyens et, ainsi, d’endiguer son déclin.


c) Dans un contexte de restriction budgétaire, l’Italie n’envisage pas de créer de nouveaux dispositifs de soutien à la presse et vise plutôt à réduire leurs subventions
Le soutien public à la presse écrite a été modifié dans le décret de loi 112/2008, qui stipule désormais que l’accès aux fonds publics sera lié au nombre de titres vendus (et non plus en fonction du tirage), l’accès à des prêts avantageux sera plus strict, et les avantages postaux seront indexés à l’inflation.
Cet effort, qui vise de manière plus générale à redistribuer les ressources publiques de manière plus efficace, tend à favoriser les grands quotidiens à forte exposition au détriment de titres plus modestes et aux moyens déjà limités, malgré une presse régionale et locale de qualité.

Le secteur de la presse écrite en Italie traverse une période de turbulences, même si le nombre de titres disponibles est l’un des plus importants d’Europe et si la diffusion reste encore élevée quantitativement.
Cependant, la qualité des quotidiens est critiquée et le nombre de lecteurs est en baisse.

Plusieurs titres de la presse écrite d’opinion (Liberazione, Manifesto, Europa…) sont exsangues financièrement.
Ainsi, privé de l’essentiel de ses aides publiques, le quotidien Liberazione a dû suspendre sa parution le 1er janvier 2012.

D’autres journaux d'opinion sont, eux aussi, menacés de disparition.
Ces quotidiens sont en grande difficulté depuis que les aides publiques à la presse ont été considérablement réduites.

Les coupes dans le budget 2012 prévoient une baisse de presque 70 millions des subventions publiques à la presse 
de: 

                     € 117 millions en 2011 

à
                      € 53 millions cette année.

Le gouvernement entend notamment octroyer à l’avenir les subventions en fonction des ventes effectives et non du tirage annoncé.
Au siège du Manifesto, on estime que le problème est en amont, à savoir «un marché publicitaire confisqué par la télévision», qui absorbe près de 50 % du total.

La presse écrite propose environ 120 titres.
Pour l’année 2010, les plus importants sont :
1/ Le Corriere della sera, 490 000 copies tirées ;
2/ La Repubblica, 449 000 copies tirées ;
3/ La Gazzetta dello Sport, 328 000 copies tirées ;
4/ La Stampa, 280 000 copies tirées ;
5/ Il Sole 24 Ore, édité par la Confindustria, équivalent du MEDEF : 267 000 copies tirées.

Les grands quotidiens nationaux disposent d’éditions régionales, avec un carnet central destiné à l’information régionale sur le modèle du Parisien par exemple.

Il existe également une presse locale très développée.
Pour l’année 2008/2009, on retrouve :
1/ Il Messaggero De Lazio, Ombrie, Marche, Abbruzzes : 207 000 exemplaires en moyenne ;
2/ Il resto del Carlino, Emilie-Romagne, Marche et Veneto, 158 000 exemplaires en moyenne;
3/ La Nazione, De Toscane, Ombrie et Ligurie, 129 000 exemplaires en moyenne ;
4/ Il Secolo XIX, De Ligure, 98 000 exemplaires en moyenne.

Enfin, un certain nombre de quotidiens sont directement détenus par des partis politiques, et constituent ainsi leurs organes officiels :
La Padania pour la Ligue du Nord,
Europa pour le Parti Démocratique ou encore
Notizie Verdi pour les Verts.

A titre d’exemple, en 2004/2005, le groupe RCS (Corriere della Sera-Gazzetta dello Sport) a reçu € 23,5 millions de subventions, Sole 24 Ore près de 19 millions, et 16 millions pour la Repubblica.

 Les journaux partisans comme Padania, Unità ou Europa ont reçus respectivement € 4 millions, 6 millions et 3 millions.

Quant aux journaux régionaux, à part pour l’Avvenire (€ 6 millions), Italia oggi (5 millions) ou Il manifesto (4 millions), leurs subventions ne dépassent pas les € 2 millions en général, et la plupart reçoivent des sommes comprises entre € 50 000 pour les plus petits, liés à l'Église, et 2 millions pour les têtes de liste des titres régionaux (source : ADS : Accertamenti diffusione stampa, association qui contrôle la diffusion de la presse écrite, et notamment le tirage et les ventes).

A l’opposé, on peut souligner quelques exceptions comme Il fatto quotidiano, nouveau quotidien polémique d’opposition.
Lancé en septembre 2009, il revendique une liberté éditoriale permise par le fait qu’il ne reçoit aucun financement public.
Actif aussi via son site internet (www.ilfattoquotidiano.it, semblable à Mediapart ou Rue89), sa diffusion dépasse désormais les 150 000 exemplaires (2009). 


6. Les États-Unis.

Aux États-Unis, la liberté de la presse est un droit fondamental garanti par le Premier Amendement de la Constitution américaine.

Cet amendement dispose que le « Congrès ne fera aucune loi (…) qui restreigne la liberté de la presse ou de la parole ».

 Cette limitation des pouvoirs du Congrès sur la liberté de la presse s’explique par des raisons historiques.
Pour le constituant, il s’agissait en effet de mettre un terme au contrôle de la liberté de la presse par les institutions des colonies anglaises.
Cette idée d’une presse libre exempte de toute intervention du Congrès est aujourd’hui toujours respectée.

Il en découle, tant au niveau fédéral qu’au niveau étatique, une absence d’influence directe sur la presse écrite, que ce soit au travers de subventions publiques, de licences pour imprimer ou d’immatriculation des journalistes.

S’agissant des aides indirectes, aucune n’existe au niveau fédéral.

Au niveau étatique en revanche, trente États de l'Union exemptent les sociétés de presse ressortissantes d’impôts sur les ventes (« sales tax »).

Par ailleurs, une autre forme de subvention indirecte peut être décelée avec le développement de sociétés de presse créées sous la forme de « not-for-profit organizations ».
Cette forme de sociétés de presse, financées généralement par des fondations, permet en effet une exonération de l’impôt sur les sociétés (« tax-exempt corporation ») 49.
49 La création fin 2007 de ProPublica a, à cet égard, provoqué beaucoup d’intérêt.
Créée par l’ancien directeur de la rédaction du Wall Street Journal, Paul Steiger, et subventionnée par des donations de la fondation Sandler, ProPublica est une agence de presse indépendante, à but non lucratif, qui pratique le journalisme d’investigation dans l’intérêt général.

Par ailleurs, quelques dérogations aux tarifs généraux de la Poste américaine (U.S.P.S.) sont pratiquées dans le cas des publications périodiques.

Face au déclin de la presse, un débat a été lancé sur la mise en oeuvre de subventions publiques.
Parmi les défenseurs d’une aide publique à la presse américaine, le président de la prestigieuse université américaine Columbia, Lee C. Bollinger, a publié un article dans le “Wall Street Journal” intitulé “Le journalisme a besoin de l'aide du gouvernement” en juillet 2010.
M. Nicholas Lemann, doyen de l’École de journalisme de l’Université de Columbia, explique également que les subventions gouvernementales directes représentent le seul moyen pour limiter la baisse des ventes de la presse écrite américaine (« The Uncle Sam solution – Can the government help the press ? Should it ? Columbia Journalism Review, October 2007 »).

Dans le camp des défenseurs d'une aide publique à la presse, une étude de l'USC Annenberg School for Communication and Journalism « Politique publique et financement de l'information » tend à démontrer comment, depuis le Postal Act de 1792, qui permet à la presse de bénéficier de réduction sur la distribution, à nos jours, la presse américaine reçoit des aides publiques (réduction de taxe, achat d’espace publicitaire par le gouvernement, annonces judiciaires légales, …).

Selon les auteurs, le service postal américain subventionnait jusqu’à près de 75 % du coût de distribution des journaux, soit

    environ 2 milliards de dollars
à la fin des années 1980, 
contre une subvention de
11 % aujourd’hui, soit

               288 millions de dollars

Les systèmes de subventions publiques directes et indirectes de certains pays européens tels que la Suède, la France et le Royaume-Uni sont à cet égard cités comme exemples.

Au contraire, les opposants à l’intervention des pouvoirs publics continuent de s’appuyer sur les dispositions du Premier Amendement de la Constitution américaine pour refuser une telle intervention (par exemple Tibor Machan dans ce texte http://www.thedailybell.com/editorials/34658/Tibor-Machan-Misunderstanding-Freedom-of-the-Press/#sthash.SNHPOsP6.dpuf)

a – L’Espagne

Les dispositifs d’aides publiques directes de l’État central en faveur de la presse ne sont plus en vigueur en Espagne depuis 1989, la loi 37/1988 du 29 décembre 1988 les ayant supprimés47.
47 Les principales modalités d´aides directes mises en place par les gouvernements U.C.D. (Union de centre démocratique) et P.S.O.E. (Parti socialiste ouvrier espagnol) dans les années 1970 et 80 concernaient les aides accordées au titre de soutien à la diffusion, à la consommation de papier pour la presse nationale et la reconversion technologique.
Les grandes entreprises de presse ont majoritairement bénéficié de ce dispositif d´aides directes.

Les Communautés autonomes dotées d´une langue officielle propre, aux côtés du castillan (soit la Catalogne, le Pays Basque, la Galice), ou d’une langue qui bénéficie d´un certain degré d´implantation (Asturies, Navarre), ont mis en place des mécanismes d´aides publiques directes à la presse pour la promotion de leurs langues régionales.

Ces aides permettent également de compenser le désavantage que suppose la part de marché réduite des entreprises et des entités éditoriales utilisant les langues propres à la Communauté autonome.

À titre d’exemple, le Gouvernement autonome de la Catalogne (Generalitat) finance la presse régionale via deux lignes de crédit, la première portant sur la promotion des activités d’édition et de commercialisation de la presse catalane et aranaise et la seconde relative au soutien des entreprises journalistiques et des entités éditoriales de presse en catalan et aranais.
Le financement a atteint:
                              € 5,2  millions en 2006. 

Seuls deux mécanismes d’aides indirectes existent en Espagne :

- l'application du taux de TVA super-réduit de 4 % aux livraisons, acquisitions intracommunautaires ou importations de livres, de périodiques et de revues, lorsque ces derniers ne contiennent pas uniquement ou fondamentalement de la publicité (article 91.dos.1.2º de la loi 37/1992 sur la TVA) ;

- des subventions accordées au titre de l´affranchissement postal (la loi 24/1998 du 13 juillet 1998 sur le service postal universel et la libéralisation des services postaux) 48.
48 La répercussion de cette mesure reste néanmoins minime étant donné que les entreprises disposent de leur réseau de distribution.

Il existe aujourd’hui 4 grands journaux nationaux en Espagne (El Pais, El Mundo, ABC et La Razon) mais la presse régionale tient une part essentielle dans le panorama de la presse quotidienne espagnole.
Par exemple, le journal La Vanguardia, qui est un quotidien catalan a une diffusion qui dépasse largement les limites de la Catalogne.

 À noter que la presse sportive tient une part essentielle. Les journaux sportifs espagnols sont très nombreux et très lus.

La presse espagnole en crise : la crise économique de ces dernières années affecte durement les médias espagnols.

En effet, le journal gratuit « Metro » a fermé, des journaux nationaux ont d’importants plans de licenciement en discussion et le premier quotidien national, « El Pais », a annoncé le 30 mars 2009 une augmentation de son prix de 1,10 à 1,20 euro, pour faire face à la chute de ses revenus publicitaires.
La plupart des grands groupes de presse espagnols ont négocié ou annoncé des suppressions de postes, tout en imposant dans certains cas des baisses de salaires.

De plus, la Fédération des associations des journalistes d’Espagne (FAPE) a révélé au printemps 2010 que 3.350 postes de journalistes, environ 10 % du total, ont été supprimés dans le pays depuis novembre 2008.
C'est pourquoi, celle-ci a, en mai 2010, demandé des aides publiques pour faire face à ce contexte difficile.
Regrettant qu’aucun plan public de soutien à la presse n’ait été mis en place depuis l’éclatement de la crise, contrairement à la France, elle a réclamé un « plan d’aides aux médias conditionné au maintien des postes de travail ».

Pourtant, un plan d’aide publique avait été proposé, en Espagne, mais rejeté par les dirigeants de médias, en 2009.


b. – Les Pays-Bas.

Les aides directes sont gérées par le Fonds de revitalisation de la presse, « Stimuleringsfonds voor de Pers ».
Ce Fonds a été créé le 16 septembre 1974 comme fondation (de droit privé).
Jusqu’en 1991, le Fonds était financé par le gouvernement néerlandais, en vertu du «règlement statutaire pour la compensation des quotidiens ».
Ce règlement a été conçu pour aider les quotidiens en compensation de la perte de revenus qu'ils ont subi.
Le Fonds a reçu ses contributions fondées sur cette disposition, tout au long des années soixante-dix et quatre-vingts, jusqu’en 1988.

Depuis le 1er janvier 1988, le Fonds fonctionne sur la base de la Loi sur les médias (« Mediawet ») en tant qu’organisme indépendant d’administration (de droit public).
Le Ministère de l'Éducation, de la Culture et de la Recherche est responsable du financement du Fonds.

Jusqu’en 1990, la dotation annuelle du Ministère au Fonds de revitalisation de la presse provenait des bénéfices de la fondation STER, qui vend les publicités sur les chaînes publiques de télévision et de radio, comme indiqué par la loi néerlandaise sur les médias.

À partir de 1991 et jusqu’en 2008, le Fonds n’a plus reçu de dotations de l'État, les gouvernements successifs étant d’avis que le Fonds disposait de suffisamment de moyens pour mener à bien ses tâches légales (moyens issus de la vente des quotidiens aux Pays-Bas).

Depuis 2008, en raison d'une crise dans le secteur de la presse néerlandaise qui a engendré une baisse importante des ressources du fonds, le ministre de la Culture a décidé de reprendre la contribution annuelle qui existait avant 1991.

Ainsi, en 2009, 1 million d'euros a été transféré au fonds, provenant comme prévu par la loi sur les médias de recettes publicitaires générés par les chaînes publiques de radiodiffusion.

À partir de 2010, la contribution annuelle du fonds s'élève à

                                 € 2,3 
 millions

Par ailleurs, le gouvernement a versé au fonds un supplément de 

                          € 8 millions en 2010, 

pour stimuler l'innovation journalistique.

 Le fonds a également reçu un supplément de

                         € 4 millions en 2010

pour répondre à une problématique touchant les jeunes reporters, ce qui a permis à tous les quotidiens néerlandais d’engager deux jeunes journalistes pendant deux ans, ceux-ci étant directement financés par cette dotation exceptionnelle.

Le Fonds de revitalisation de la presse est chargé d’offrir un soutien, sous forme de subvention ou de crédit, aux organes de presse qui répondent aux critères légaux d’éligibilité.

Ces critères sont énumérés à l’article 129 de la Loi sur les médias « Mediawet » de 1988.

À titre principal, les organes de presse doivent être édités aux Pays-Bas et destinés au public des Pays-Bas (principalement en langue néerlandaise, ou dans la langue d’une minorité), ils doivent contenir essentiellement (dans la pratique, un minimum d’environ 75 % de l’espace rédactionnel) des nouvelles, des analyses, des commentaires et des informations sur le fond concernant l’actualité dans différents secteurs de la société néerlandaise, en vue, entre autres, de contribuer à la formation des opinions politiques, doivent être rédigés par une rédaction indépendante sur la base d’un statut qui exprime l’identité rédactionnelle et doivent paraître régulièrement et au moins une fois par mois.

Cette réglementation distingue les aides directes suivantes :

 - l’aide aux organes de presse individuels, sous forme de crédits ou de facilités de crédit, au profit d’un projet visant une exploitation rentable dans un proche avenir ;

- l’aide aux organes de presse individuels, sous forme de subventions, au profit d’une réorganisation unique de l’organe de presse, pourvu que ce projet ne puisse pas être exécuté à l’aide d’un crédit ou d’une facilité de crédit ;

- l’aide aux groupements d’organes de presse, sous forme de subventions, au profit d’un projet conjoint visant l’amélioration structurelle de l’exploitation de ces organes de presse dans un proche avenir ;

- l’aide, sous forme de subventions, au profit de la recherche sur l’organisation visant l’amélioration structurelle de l’exploitation d’un organe de presse ;

- l’aide à la recherche, sous forme de subventions, au profit de l’ensemble du secteur de la presse écrite, pourvu que la recherche réponde aux objectifs du Fonds.

- Depuis 2002, un règlement temporaire est en vigueur, permettant deux nouvelles formes d’aide directe à la presse écrite :

- l’aide aux organes de presse destinés aux minorités culturelles et ethniques ;

- l’aide à la réalisation et à la distribution de produits journalistiques d’information diffusés par Internet.

- L’objectif du soutien offert par le Fonds est la protection et la revitalisation de la diversité de la presse.
Toute aide attribuée par le Fonds est, sur le principe, d’une nature temporaire afin de prévenir toute perte d’indépendance des organes de presse vis-à-vis des pouvoirs publics.

En 2002, le champ d’application des aides directes attribuées par le Fonds de revitalisation de la presse a été élargi pour inclure les produits journalistiques d’information par Internet et les organes de presse destinés aux minorités culturelles et ethniques.

Par ailleurs, depuis juillet 2007, le gouvernement néerlandais offre aux éditeurs de presse écrite la possibilité de se développer en sociétés de multimédias en permettant à ces éditeurs de prendre des participations dans des sociétés actives sur les marchés de la télévision ou de la radio. À cet effet, les obstacles légaux au « cross ownership », créés pour assurer le pluralisme de l’information, ont été assouplis.

Toutefois, afin de prévenir une concentration excessive de « pouvoir d’opinion », l’étendue des participations est limitée.

La part de marché sur le marché des quotidiens ne peut pas excéder 35% et une société qui opère sur au moins deux des trois marchés précités (presse écrite, télévision, radio) peut détenir au maximum 90% des trois marchés cumulatifs (c’est-à-dire sur un total de 300 %).
De cette façon, le gouvernement veut garantir la présence d’au moins trois acteurs sur chacun des trois marchés, tout en permettant un élargissement d’échelle favorable au développement économique du secteur.

Enfin, à noter qu’aux Pays-Bas, le taux de TVA réduit, actuellement de 6 %, s’applique, entre autres, à tous les organes de presse.
Les Pays-Bas suivent avec intérêt la discussion au niveau européen sur l’éventuelle application du taux réduit aux produits d’édition numériques.
Selon le Ministère des Finances, cette aide indirecte représente une somme de 200 millions d’euros par an (chiffres de 2004, derniers chiffres disponibles) en ce qui concerne la presse écrite.


c. – La Suède.
 

Un régime d’aides publiques en faveur de la presse a été introduit en 1969 pour enrayer la multiplication des faillites d’entreprises de presse.
Les aides concernent d’une part l’exploitation et le fonctionnement (driftstöd) et d’autre part la distribution (distributionsstöd).

Les aides à l’exploitation et au fonctionnement représentent généralement plus de 80 % des aides publiques globales accordées à la presse quotidienne.

L’objectif visé par la politique en faveur la presse est la défense du pluralisme afin d’assurer une représentation de tous les courants d’opinions.

Il existe aujourd’hui en Suède 170 quotidiens qui assurent un tirage global de l’ordre de 4 millions d’exemplaires par jour pour une population limitée à 9,2 millions d’habitants.

Les aides directes sont assurées par la dotation annuelle du budget de l’État au Conseil des aides à la presse (Presstödsnämnden), sous tutelle du ministère de la Culture, chargé de traiter les demandes et d’allouer les aides aux acteurs du secteur.

Le montant global des aides à la presse quotidienne représente un peu plus de

                551 
 millions  SEK (€ 65,51 millions) en 2010. 

Ce niveau reste stable en valeur depuis plusieurs années.

Pour pourvoir bénéficier du régime d’aides publiques à la presse, il faut généralement répondre aux critères suivants :

- publication d’au moins un numéro par semaine ;

- textes rédactionnels essentiellement en suédois ;

- diffusion du quotidien pour l’essentiel au sein de la Suède ;

- assurer un contenu rédactionnel équivalent à au moins 51 % du contenu du quotidien.

Plus précisément, pour bénéficier des aides à l’exploitation et au fonctionnement (quotidiens publiant entre 3 et 7 numéros par semaine), il faut également :

- assurer un tirage minimum de 2 000 exemplaires et disposer d’un taux d’abonnement représentant au moins 70 % du tirage global ;

- ne pas proposer un prix d’abonnement sensiblement en dessous de ceux de quotidiens similaires ;

- ne pas être le premier quotidien de la zone géographique concernée et disposer d’un taux de couverture des ménages ne dépassant pas 30 % de la zone considérée.

Pour les publications journalistiques à faible fréquence (publiant un ou deux numéros par semaine), les critères sont un peu différents, à savoir :

- assurer un tirage minimum de 2 000 exemplaires et disposer d’un taux d’abonnement représentant au moins 51 % du tirage global ;

- proposer un prix d’abonnement annuel supérieur à 350 SEK (près de 40 €/an) ;

- disposer d’un taux de couverture des ménages ne dépassant pas 25 % de la zone considérée.

Pour bénéficier du régime d’aides à la distribution, il faut transférer l’activité de distribution à une société de « distribution commune », elle-même détenue par les quotidiens concernés, qui assure le service de codistribution des quotidiens.
L’objectif est d’harmoniser les coûts de la distribution des journaux afin de mieux garantir le pluralisme de la presse suédoise.

Si les principaux quotidiens régionaux reçoivent en moyenne environ 
1,5 millions en aides annuelles, le montant attribués aux 65 bénéficiaires restants (régionaux/locaux) se limite en moyenne à 300000 €. 
Exceptions à la règle, Svenska Dagbladet (quotidien national de tendance conservatrice avec un tirage journalier de 195000 exemplaires) et Skånska Dagbladet (quotidien régional de Malmö avec un tirage journalier de seulement 37 500 exemplaires) bénéficient d’un régime particulièrement favorable (plus de 7 M€ d’aides chacun), ce qui est, en partie, contesté par le gouvernement actuel.

Toutefois, il semble à l’heure actuelle peu probable que le dispositif d’aides à la presse écrite connaisse de modification substantielle à court terme.

Il existe également des aides pour favoriser le développement des journaux parlés (taltidningar), conçus pour des déficients visuels, aveugles ou malvoyants.
Le montant global de ce type d’aides atteint 126 MSEK et concerne 90 quotidiens qui proposent cette formule en complément du quotidien traditionnel.

La diffusion de la subvention est assurée par un organisme intitulé Taltidningsnämnden (Conseil des journaux parlés).

Les quotidiens (et revues/magazines) bénéficient d’une aide indirecte sous forme d’une TVA réduite (6 % au lieu du taux normal de 25 %).

Le taux de TVA réduit a été ainsi à l’origine d’une économie globale moyenne de 1,5 Md SEK (160 M €) par an durant la période de 2003 à 2005.

Le dispositif d’aides en Suède ne tient pas compte du développement de la presse numérique et concerne exclusivement la presse imprimée.

Toutefois, une Commission nationale a étudié, en janvier 2006, la possibilité d’introduire une aide temporaire pour favoriser la distribution de quotidiens au format électronique (« e paper »).

En dépit de recommandations pour favoriser le développement de la presse en ligne, aucune mesure concrète n’a été prise en ce sens pour faciliter la mutation du secteur de la presse suédoise.

A noter qu'en juillet 2010, la Commission européenne a approuvé le système d’aides publiques à la presse de la Suède, après avoir demandé à la Suède de le modifier.

La Suède a dû consentir à certains aménagements de son dispositif d’aide aux grands groupes de presse publiant des journaux métropolitains à large diffusion.

Au nom du pluralisme, ce dispositif suédois aide les journaux occupant la deuxième position (ou une position inférieure) sur le marché de chaque ville ou province.

Suite aux remarques de la Commission, les principaux aménagements apportés par la Suède sont les suivants :

- le niveau d’aide pour grands journaux métropolitains est progressivement réduit de

                        63,9 millions de SEK (en 2009) 

à
                        45 millions de SEK
(approximativement € 4,8 millions)
à partir de 2011 sur une période de cinq ans ;

- en plus de l’aide provinciale, une aide additionnelle ne peut être octroyée que pour couvrir maximum 40 % des coûts additionnels résultant de la situation spécifique sur le marché des grands journaux métropolitains (ex. : des coûts de rédaction additionnels et des éditions du dimanche) ;

- des plafonds d’aide de 40 % du total des coûts opérationnels pour des journaux à grand et moyen tirage et de
75 % de ces coûts pour des journaux à faible tirage ont été introduits ;

- des rapports obligatoires sont demandés aux bénéficiaires de l’aide, afin de permettre au Conseil des aides à la presse de vérifier l’utilisation de l’aide et d’établir les rapports annuels à transmettre à la Commission européenne.
 
 Par Georges Lane
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