octobre 11, 2014

La nature de l'Etat par M. Rothbard et Spooner

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message.Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Dans cet ouvrage, nous avons jusqu’à présent développé une théorie de la liberté et des Droits de propriété, et établi les grandes lignes du code juridique nécessaire pour défendre ces Droits.
 


 
Que dire du gouvernement, de l’Etat ?
Quelles sont ses fonctions propres, le cas échéant ?
 
La plupart des gens et des théoriciens politiques croient que reconnaître l’importance, parfois vitale, d’un activité particulière de l’Etat — par exemple l’élaboration d’un système de lois — implique ipso facto la nécessité de l’Etat lui-même. Or, si on ne peut nier que les hommes de Etat accomplissent plusieurs tâches importantes et nécessaires, de la loi à la poste en passant par la police, les pompiers, la construction et l’entretien des rues, cela ne démontre absolument pas que les hommes de l’Etat soient les seuls à pouvoir remplir ces fonctions ou même qu’ils les remplissent à peu près bien.
 

   Audio presentation of Murray N. Rothbard's essay, 'Anatomy of the State.' Read by Harold Fritsche. Music by Kevin MacLeod. http://mises.org

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Murray N. Rothbard (1926-1995) was America's greatest radical libertarian author -- writing authoritatively about ethics, philosophy, economics, American history, and the history of ideas. He presented the most fundamental challenge to the legitimacy of government, and he refined thinking about the self-ownership and non-coercion principles.

Read 'Anatomy of the State' online: http://www.lewrockwell.com/rothbard/r...

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What is Austrian Economics?
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Imaginons plusieurs marchands de frites dans un même quartier. Un jour, l’un d’entre eux, le dénommé Beulemans, chasse tous ses concurrents par la force et donc, établit par la violence un monopole de la vente des frites sur son territoire. La violence de Beulemans dans l’établissement et le maintien son monopole est-elle essentielle pour l’approvisionnement du quartier en frites ? A l’évidence, non. Car non seulement il y avait des concurrents auparavant, non seulement on verrait apparaître des concurrents potentiels dès que Beulemans aurait atténué son emploi de la violence et de l’intimidation, mais, bien plus, la science économique démontre que ce monopole coercitif ne rendra pas efficacement les services que l’on attend de lui. Protégé de la concurrence par la force, Beulemans peut se permettre d’être trop cher et inefficace dans l’offre de ses services puisque les consommateurs n’ont pas d’autre choix. Et si un mouvement apparaissait pour réclamer l’abolition du monopole violent imposé par Beulemans, il y aurait vraiment peu de gens pour s’y opposer en prétendant que les abolitionnistes conspirent pour priver les consommateurs des frites qu’ils aiment tant.


Or, l’Etat n’est rien d’autre que notre Beulemans hypothétique à un niveau gigantesque et totalitaire. Tout au long de l’histoire, des groupes d’hommes, s’étant attribués le nom de “gouvernement” ou d’“Etat” ont tenté — généralement avec succès — d’obtenir par la violence un monopole sur les postes de commandement de l’économie et de la société. Les hommes de l’Etat se sont notamment arrogés un monopole violent sur les services de la police et de l’armée, sur la loi, sur les décisions des tribunaux, sur la monnaie et le pouvoir de battre monnaie, sur les terrains non utilisés (le “domaine public”), sur les rues et les routes, sur les rivières et les eaux territoriales, et sur les moyens de distribuer le courrier. Le contrôle du sol et des transports représente depuis longtemps un moyen commode pour contrôler l’ensemble de la société et, dans plusieurs pays, les routes ont d’abord été construites pour faciliter le déplacement des troupes de l’Etat. Le contrôle sur la production de monnaie permet de garnir facilement et rapidement les coffres des hommes de l’Etat, lesquels font en sorte qu’aucun concurrent ne vienne contester leur monopole dans la fabrication de fausse monnaie. Le monopole de la poste a longtemps fourni aux hommes de l’Etat un bon moyen de surveiller toute forme d’opposition qui risquerait de devenir subversive. A la plupart des époques, les hommes de l’Etat ont aussi maintenu un contrôle étroit sur la religion, généralement en consolidant avec une Eglise d’Etat une alliance mutuellement avantageuse, les hommes de l’Etat accordant aux prêtres pouvoir et richesse et l’Eglise enseignant à la population assujettie le devoir divin d’obéir à César. Maintenant que la religion a perdu la plus grande partie du vaste pouvoir social qu’elle détenait, les hommes de l’Etat consentent souvent à lui laisser la paix et se rabattent sur des alliances moins formelles mais de même nature avec des intellectuels laïcs. Dans un cas comme dans l’autre, les hommes de l’Etat utilisent leur contrôle des leviers de la propagande pour persuader leurs sujets d’obéir à leurs dirigeants et même de les glorifier.


Mais le monopole décisif des hommes de l’Etat demeure celui qu’ils exercent sur l’emploi de la violence, c’est-à-dire leur contrôle de la police, de l’armée et des tribunaux, lieu du pouvoir ultime de décision dans les conflits portant sur des contrats ou des agressions. Le contrôle de la police et de l’armée joue un rôle particulièrement important dans l’exercice et l’exécution de tous les autres pouvoirs des hommes de l’Etat, y compris le pouvoir essentiel d’extorquer leurs revenus par la force.


Car il existe un pouvoir essentiel qui est inséparable de la nature de l’appareil d’Etat. Tout individu vivant en société (à l’exception des malfaiteurs reconnus ou occasionnels, comme les voleurs et les braqueurs de banques) obtient ses revenus par des méthodes volontaires : soit en vendant des biens ou services aux consommateurs, soit en recevant des dons volontaires (legs, héritages, etc.). Il n’y a que les hommes de l’Etat qui obtiennent leurs revenus par la contrainte, en brandissant la menace d’affreuses punitions au cas où l’argent ne viendrait pas. On appelle “impôt” cette violence, bien qu’elle ait porté le nom de “tribut à des époques moins normalisées. L’impôt est un vol, purement et simplement, même si ce vol est commis à un niveau colossal, auquel les criminels ordinaires n’oseraient prétendre. C’est la confiscation par la violence de la propriété de leurs sujets par les hommes de l’Etat.


Que le lecteur sceptique tente l’expérience très instructive de formuler une définition de l’impôt qui ne s’applique pas également au vol. Tout comme le voleur, l’homme de l’Etat exige l’argent à la pointe du fusil ; car si le contribuable refuse de payer, ses biens seront saisis par la force, s’il lui prend envie de résister à cette prédation, il sera arrêté et, s’il résiste toujours, abattu. Les apologistes de l’Etat, il est vrai, soutiennent que l’impôt serait, “en fait”, volontaire. Il suffit, pour réfuter cette thèse, de se demander ce qui arriverait si les hommes de l’Etat renonçaient à leurs impositions et se contentaient de demander des contributions volontaires.
Y a-t-il quelqu’un qui pense vraiment que le Trésor public verrait toujours affluer des fonds comparables aux phénoménales recettes de l’Etat actuel ?
On soupçonne que même les théoriciens qui croient que les peines n’ont pas d’effet dissuasif répondraient que non. Le grand économiste Joseph Schumpeter avait raison de dire nettement que “la théorie qui conçoit les impôts comme l’analogue des cotisations à un club ou l’achat des services, disons, d’un médecin, ne fait que prouver à quel point cette branche de la science sociale est éloignée des habitudes de pensée scientifiques”.


Il y a eu récemment des économistes pour défendre la thèse de “l’impôt-en-réalité-volontaire”, en soutenant qu’il constitue un mécanisme assurant à chacun que tout le monde contribue à ce qui est désiré à l’unanimité. Par exemple, on postule que tous les habitants d’une région souhaitent la construction d’un barrage par les pouvoirs publics ; or, si X et Y contribuent volontairement au financement du projet, ils ne sont pas certains que Z et W, eux, n’esquiveront pas leur responsabilité. C’est pourquoi tous les individus, X, Y, Z, W... qui veulent apporter leur contribution au financement de l’ouvrage s’entendent pour se contraindre mutuellement à le faire au moyen de l’impôt. Donc, l’impôt ne serait pas vraiment imposé. C’est une thèse qui fourmille d’erreurs de raisonnement.
 
Premièrement, l’antinomie essentielle entre le volontaire et le coercitif demeure : ce n’est pas parce qu’elle serait exercée par tous contre tous, que la coercition en deviendrait pour autant “volontaire”.
 
Deuxièmement, même dans l’hypothèse où chaque individu voudrait contribuer au financement du barrage, on n’a aucun moyen de s’assurer que l’impôt perçu auprès de chacun ne dépasse pas ce qu’il serait disposé à payer volontairement si tous les autres contribuaient. Il se peut ainsi que les hommes de l’Etat aient volé 10 000 francs à Dupont alors qu’il n’aurait pas été disposé à payer plus de 5 000 francs. C’est précisément parce que l’impôt est obligatoire qu’il n’y a pas de procédure garantissant que la contribution de chacun correspondra à ce qu’il est vraiment disposé à payer (comme cela se fait automatiquement sur le marché libre). Dans la société libre, le consommateur qui achète volontairement un téléviseur de 2 000 francs démontre par cet acte libre que le téléviseur vaut davantage pour lui que les 2 000 francs qu’il a cédés en échange ; bref, le paiement des 2 000 francs est volontaire. Ou encore, celui qui, dans la société libre, paie une cotisation annuelle de 1 000 francs pour adhérer à un club révèle qu’il évalue les avantages de l’adhésion à au moins ce montant. Or, dans le cas de l’impôt, la soumission d’un homme à la menace de la force ne révèle aucune préférence libre pour ses avantages.présumés.


Troisièmement, l’argument va bien au-delà de ce qu’il prouve. En effet, l’arme du financement par l’impôt peut servir à augmenter l’offre de n’importe quoi, et pas seulement les services d’un barrage. Imaginons un pays où l’impôt financerait l’Eglise catholique, qui atteindrait sans aucun doute une taille plus grande que ne lui permettent des contributions volontaires.
Pourrait-on soutenir que cette Eglise d’Etat est “en fait” volontaire, que chacun veut forcer tous les autres à payer sa dîme afin que personne ne triche avec son “devoir” ?


Quatrièmement, la thèse de l’impôt “volontaire” n’est que du mysticisme. Comment peut-on être certain, sur la base de pareil sophisme, que chacun “en fait” paie ses impôts volontairement ?
Qu’en est-il des gens — les écologistes, disons — qui s’opposent aux barrages en tant que tels ?
Leur contribution est-elle “réellement” volontaire ?
La contribution forcée d’un protestant ou d’un athée à l’Eglise catholique serait-elle, elle aussi, volontaire ?
Et que dire du nombre croissant d’anarchistes dans notre société, qui s’opposent par principe à toute activité de l’Etat ?
 
De quelle manière pourrait-on faire passer leurs impôts pour “en réalité volontaires” ? Le fait est que l’existence dans le pays d’au moins un libertarien ou anarchiste suffit en soi à détruire la thèse des impôts prétendus “en réalité volontaires”.


On soutient également que, dans les Etats démocratiques, le fait de voter ferait que le gouvernement, ses pompes et ses oeuvres seraient bel et bien “acceptés”. Argument populaire qui est, une fois encore, fallacieux. D’abord, même si la majorité de la population approuvait spécifiquement toutes les actions des hommes de l’Etat et chacune d’entre elles, on n’aurait là qu’une tyrannie de la majorité et non pas une suite d’actions voulues par chaque personne dans le pays. Un meurtre est un meurtre, un vol est un vol, qu’ils soient commis par un homme contre un autre, ou par un groupe, ou même par la majorité de la population dans un territoire donné. Que la majorité appuie ou cautionne le vol ne change rien à la nature criminelle de l’acte ni à la gravité de l’injustice. Autrement, nous devrions admettre, par exemple, que les Juifs assassinés par le gouvernement nazi démocratiquement élu n’ont pas été victimes de meurtre mais se sont en fait “suicidés volontairement” — implication grotesque mais pourtant logique, de la doctrine qui prétend que la démocratie établit le consentement. Deuxièmement, dans un régime représentatif par opposition à une démocratie directe, les gens votent non pour des mesures particulières mais pour des “représentants” qui mettent en avant des propositions globales, à la suite de quoi lesdits “représentants” font ce qu’ils veulent jusqu’à l’expiration de leur mandat. Il est évident que ces prétendus “représentants” ne correspondent en rien à ce qu’indique leur titre : dans une société libre, chaque mandant embauche individuellement ses propres mandataires ou représentants, qu’il peut ensuite congédier à sa guise. Lysander Spooner l’avait bien écrit :


“Ils (les élus) ne sont ni nos employés, ni nos mandataires, ni nos représentants légaux, et pas davantage nos délégués. (En effet) nous n’assumons pas la responsabilité de leurs actes. Si un homme est mon employé, mon mandataire ou mon représentant légal, j’accepte nécessairement d’être responsable de tout ce qu’il fait dans la limite du pouvoir que je lui ai confié. Si je lui ai confié un pouvoir sur d’autres personnes que moi-même ou sur leurs biens, en tant que mon délégué, que ce pouvoir soit absolu ou très partiel, je suis ipso facto responsable vis-à-vis de ces autres personnes de tous les torts qu’il pourrait leur faire, aussi longtemps qu’il agit dans la limite des pouvoirs que je lui ai accordés. Mais il n’existe aucun individu que les décisions du Congrès aurait lésé dans sa personne ou sa propriété, qui puisse aller trouver les électeurs individuels et leur intenter une action en responsabilité pour les actes de leurs prétendus mandataires et délégués. Ce fait est la preuve que ces prétendus représentants du peuple, ceux de tout le monde, ne sont en réalité mandatés par personne”.


De plus, le vote ne peut prétendre, de par sa nature même, instituer le gouvernement de la majorité et encore moins le consentement volontaire à l’Etat. Aux Etats-Unis, par exemple, moins de 40 % des électeurs prennent la peine d’aller voter ; parmi ceux-ci, il se peut que 21 % votent pour un candidat, alors que 19 % votent pour l’autre. Or une proportion de 21 % ne représente guère le règne de la majorité et encore moins le consentement libre de tous. (En un certain sens, et sans égard à la démocratie ou aux élections, la “majorité” soutient toujours le gouvernement au pouvoir. Nous y reviendrons plus bas.)
 
Enfin, comment se fait-il que les impôts soient exigés de tout un chacun, que l’on ait voté ou non et, plus spécifiquement, que l’on ait voté pour le candidat heureux ou malheureux ?
Comment peut on interpréter l’abstention ou le vote pour le candidat battu comme une approbation des actions du gouvernement élu ?


Même pour ceux qui participent au scrutin, le fait de voter ne représente pas davantage un consentement volontaire à l’Etat.
Lisons les fortes pages de Spooner
 
 
“En fait, il n’y a pas de raison d’interpréter le fait que les gens votent bel et bien comme une preuve de leur approbation. Il faut au contraire considérer que, sans qu’on lui ait demandé son avis, un homme se trouve encerclé par les hommes d’un Etat auquel il n’a pas le pouvoir de résister ; des hommes d’un Etat qui le forcent à verser de l’argent, à exécuter des tâches et à renoncer à l’exercice d’un grand nombre de ses Droits naturels, sous peine de lourdes punitions. Il constate aussi que les autres exercent cette tyrannie à son égard par l’utilisation qu’ils font du bulletin de vote. Il se rend compte ensuite que s’il se sert à son tour du bulletin en question, il a quelque chance d’atténuer leur tyrannie à son endroit, en les soumettant à la sienne. Bref, il se trouve malgré lui dans une situation telle que s’il use du bulletin de vote, il a des chances de faire partie des maîtres, alors que s’il ne s’en sert pas il deviendra à coup sûr un esclave. Il n’a pas d’autre alternative que celle-là. Pour se défendre, il en choisit le premier terme. Sa situation est analogue à celle d’un homme qu’on a mené de force sur un champ de bataille, où il doit tuer les autres, s’il ne veut pas être tué lui-même. Ce n’est pas parce qu’un homme cherche à prendre la vie d’autrui pour sauver la sienne au cours d’une bataille qu’il faut en inférer que la bataille serait le résultat de son choix. Il en est de même des batailles électorales, qui ne sont que des substituts à la guerre ouverte.
Est-ce parce que sa seule chance de s’en tirer passe par l’emploi du bulletin de vote qu’on doit en conclure que c’est un conflit où il a choisi d’être partie prenante ?
Qu’il aurait de lui-même mis en jeu ses propres Droits naturels contre ceux des autres, à perdre ou à gagner selon la loi du nombre ?”

“On ne peut douter que les plus misérables des hommes, soumis à l’Etat le plus oppressif de la terre, se serviraient du bulletin de vote si on leur en laissait l’occasion, s’ils pouvaient y voir la moindre chance d’améliorer leur sort. Mais ce n’en serait pas pour autant la preuve qu’ils ont volontairement mis en place les hommes de l’Etat qui les opprime, ni qu’ils l’acceptent en quoi que ce soit” .


Si l’impôt, payé sous la contrainte, est impossible à distinguer du vol, il s’ensuit que l’Etat, qui subsiste par l’impôt, est une vaste organisation criminelle, bien plus considérable et efficace que n’importe quelle mafia “privée” ne le fut jamais. Son caractère criminel devrait sauter aux yeux non seulement en vertu de la théorie de l’injustice et des Droits de propriété exposée dans ce livre mais aussi pour les gens ordinaires, qui ont toujours considéré que le vol était un délit. Comme nous l’avons vu plus haut, le sociologue allemand Franz Oppenheimer a bien résumé la situation en notant qu’il y a deux méthodes, et deux seulement, pour acquérir des biens dans la société :
 
(1) la production et l’échange volontaire avec les autres — la méthode du marché libre ;
 
(2) l’expropriation violente de la richesse produite par autrui. Cette dernière méthode est celle de la violence et du vol.
 
La première est à l’avantage toutes les parties en cause ; la seconde profite à la bande ou à la classe des pillards aux dépens de leurs victimes. Non sans pertinence,Oppenheimer appelle “moyens économiques” la première méthode d’obtention de la richesse et “moyens politiques” la seconde. Il définit ensuite brillamment l’Etat comme “l’organisation des moyens politiques”.


On ne trouve nulle part une définition plus forte ni plus lumineuse de l’essence criminelle de l’Etat que dans ce passage de Lysander Spooner :

“Il est vrai que d’après la théorie de notre constitution, tous les impôts seraient versés volontairement ; que notre Etat est une compagnie d’assurance mutuelle, résultant de contrats que les gens auraient volontairement passés les uns avec les autres”...


“Cette théorie de l’Etat n’a cependant rien à voir avec la réalité pratique. Le fait est que les hommes de l’Etat, tout comme un bandit de grand chemin, vont trouver les gens pour leur dire ‘la bourse ou la vie’. Et c’est sous la menace de cette violence que l’on paie un grand nombre d’impôts, sinon la plupart d’entre eux”.


“Il est de fait que les hommes de l’Etat ne se mettent pas en embuscade sur le bord des routes isolées pour sauter sur un quidam, lui coller un pistolet sur la tempe et se mettre à lui faire les poches. Mais le vol à main armée n’en est pas moins un vol à main armée, et il est bien plus ignoble et honteux”.


“Le bandit assume seul pour lui-même la responsabilité, le danger et la nature criminelle de son acte. Il ne prétend pas avoir un ‘Droit’ légitime sur votre argent, ni qu’il entend le dépenser pour votre bien. Il ne cherche pas à se faire passer pour autre chose qu’un voleur. Il n’a pas assez d’impudence en réserve pour prétendre être seulement un ‘protecteur’, ni qu’il ne s’empare de l’argent des gens contre leur volonté que pour avoir les moyens de ‘protéger’ ces voyageurs inconscients, qui se sentent parfaitement capables de se protéger eux-mêmes ou qui n’apprécient pas son mode particulier de protection. Il est bien trop sensé pour oser faire des déclarations de cette espèce. En plus, une fois qu’il a pris votre argent, il vous laisse tranquille, ce que vous souhaitiez de lui. Il ne persiste pas à vous suivre malgré vous tout au long de la route, dans l’idée qu’il est votre ‘souverain’ de plein Droit, du fait de la ‘protection’ qu’il vous procure. Il ne pousse pas ladite ‘protection’ jusqu’à vous ordonner de vous prosterner et de le servir ; vous demandant de faire ceci, vous interdisant de faire cela. Vous volant toujours davantage d’argent, aussi souvent qu’il le trouve conforme à son intérêt ou à son bon plaisir ; en vous traitant de rebelle, de traître et d’ennemi de votre patrie, et en vous fusillant sans merci si vous contestez son autorité ou résistez à ses exigences. C’est un homme bien trop droit pour se rendre coupable de telles impostures, de tels affronts et de telles vilenies. Bref, il n’essaie pas, en plus de vous avoir volé, de faire de vous sa dupe et son esclave”.


Il est instructif de se demander pourquoi les hommes de l’Etat, au contraire du brigand, ne manquent jamais de s’envelopper dans un discours de légitimité, pourquoi il faut qu’ils se laissent aller à toutes les hypocrisies exposées par Spooner. La réponse est que le brigand n’est pas un membre visible, permanent, légal ou accepté de la société, et encore moins un personnage en vue. Il doit toujours chercher à échapper à ses victimes ou aux hommes de l’Etat eux-mêmes. Or l’Etat, lui, n’est pas, comme les autres bandes de brigands, traité comme une organisation criminelle : bien au contraire, ses protégés occupent généralement des positions de haut rang dans la société. Ce statut permet aux hommes de l’Etat de se faire entretenir par leurs victimes tout en obtenant le soutien de la majorité d’entre elles ou, du moins, leur résignation devant l’exploitation dont elles sont victimes. Et la fonction des valets et alliés idéologiques des hommes de l’Etat est précisément de faire croire à la population que l’Empereur est bien habillé. Autrement dit, il revient aux idéologues d’expliquer comment, alors qu’un vol commis par une personne ou un groupe est mauvais et criminel, la même action commise par les hommes de l’Etat n’est plus du vol mais participe d’une activité légitime et même vaguement sanctifiée qui est dite “prélèvement obligatoire”. Il leur revient d’accréditer l’idée qu’un meurtre commis par une ou plusieurs personnes ou par des groupes est une action mauvaise qui doit être punie, mais que lorsque ce sont les hommes de l’Etat qui tuent, il ne s’agit pas d’assassinat mais d’une activité admirable que l’on connaît sous le nom de “guerre” ou de “répression de la subversion intérieure”. Ils doivent expliquer que si l’enlèvement et l’esclavage sont mauvais et que la loi doit les interdire quand ils sont le fait d’individus ou de groupes privés, quand, à l’inverse, ce sont les hommes de l’Etat qui commettent de tels actes il ne s’agit pas d’enlèvement ni d’esclavage mais de “service militaire” devenu nécessaire au bien commun voire conforme aux injonctions de la morale elle-même. Les idéologues de l’étatisme ont pour fonction de tisser les faux habits de l’empereur, de faire admettre à la population un système de deux poids et deux mesures, vu que lorsque les hommes de l’Etat commettent le pire des crimes, en fait ce n’en est pas un, mais quelque chose d’autre, qui est nécessaire, juste, vital et même -à d’autres époques- conforme à la volonté même de Dieu. Le succès immémorial des idéologues de l’Etat dans cette entreprise représente peut-être la plus grande supercherie de l’histoire de l’humanité.


L’idéologie a toujours été essentielle à la survie de l’Etat comme le montre son utilisation systématique depuis les anciens empires d’Orient. Bien sûr, le contenu de l’idéologie varie selon les époques, les conditions et les cultures. Dans le despotisme oriental, l’Eglise officielle considérait souvent l’Empereur comme un dieu ; à notre époque plus profane, l’argument est devenu celui de l’“intérêt général” ou du “bien public”. Mais le but est toujours le même : convaincre la population que l’Etat ne représente pas, comme on serait porté à le croire, la criminalité sur une échelle gigantesque mais plutôt quelque chose de nécessaire et de vital qui mérite soutien et obéissance. Si l’Etat éprouve un tel besoin d’idéologie, c’est qu’il se fonde toujours, en définitive, sur l’appui de la majorité de la population, qu’il soit “démocratie”, dictature ou monarchie absolue. Cet appui n’est rien d’autre que l’acceptation du système par la majorité (et non pas, répétons le, par chaque individu), qui consent à payer l’impôt, à se battre sans trop rechigner dans les guerres voulues par les hommes de l’Etat, à se soumettre à ses leurs réglementations et décrets. Point n’est besoin d’un enthousiasme actif pour garantir l’efficacité de cet appui, la résignation passive suffit. Mais l’appui est nécessaire. Car si la population était vraiment persuadée que l’Etat est illégitime, qu’il n’est ni plus ni moins qu’une immense bande de gangsters, il s’effondrerait rapidement et ne serait rien de plus qu’une mafia parmi d’autres. D’où la nécessité des idéologues stipendiés par les hommes de l’Etat et aussi de la complicité séculaire avec les intellectuels de Cour qui ressassent l’apologie de la domination étatique.


Dans son Discours de la servitude volontaire, Etienne de La Boétie fut au XVIè siècle le premier théoricien politique des temps modernes à observer que tout Etat repose sur le consentement de la majorité. Il constata que l’Etat tyrannique est toujours composé d’une minorité de la population et que, par conséquent, le maintien de son despotisme repose forcément sur la reconnaissance de sa légitimité par la majorité exploitée, sur ce que l’on appellera plus tard “l’ingénierie du consentement”. Deux cents ans après La Boétie, David Hume — bien qu’il ne fût guère libertarien — proposa une analyse similaire. Répliquera-t-on que l’efficacité des armes modernes permet à une force minoritaire de maintenir continuellement sous sa coupe une majorité hostile ? C’est ignorer le fait que ces armes peuvent être aussi entre les mains de la majorité, et que les forces armées de la minorité peuvent se mutiner et prendre parti pour la foule.


Ainsi, le besoin continuel d’une idéologie convaincante a toujours incité les hommes de l’Etat à attirer dans leur giron les intellectuels qui font l’opinion. Aux époques antérieures, les intellectuels étaient les prêtres, d’où notre remarque sur la très vieille alliance entre le Trône et l’Autel, entre l’Eglise et l’Etat. De nos jours, les économistes “scientifiques” et “positifs” et les “conseillers à la sécurité nationale” notamment jouent un rôle idéologique semblable au service du pouvoir des hommes de l’Etat.


Dans le monde moderne — où une Eglise d’Etat n’est plus possible —, il est particulièrement important pour les hommes de l’Etat de s’assurer le contrôle de l’éducation afin de façonner l’esprit de leurs sujets. Non seulement ils influencent l’Université par leurs nombreuses subventions ainsi que les institutions qu’ils possèdent, mais ils contrôlent aussi l’éducation primaire et secondaire grâce à l’institution universelle de l’école publique, aux procédures d’agrément ou contrats d’association imposées aux écoles privées, à l’obligation scolaire, etc.
 
Ajoutons à cela le contrôle à peu près total des hommes de l’Etat sur la radio et la télévision — soit par la propriété étatique pure et simple comme dans la plupart des pays soit, comme aux Etats-Unis, par la nationalisation des ondes et le système des autorisations d’émettre octroyées par un organisme fédéral pour régenter le Droit d’utiliser les fréquences et autres canaux de l’espace hertzien..
 
Ainsi, les hommes de l’Etat violent-ils nécessairement, de par leur nature même, les lois morales généralement admises et respectées par la plupart des gens, qui conviennent du caractère injuste et criminel du meurtre et du vol. Les coutumes, les règles et les lois de toutes les sociétés condamnent ces actes. Malgré sa puissance séculaire, l’Etat est donc toujours vulnérable. Il importe donc d’éclairer la population sur la vraie nature de l’Etat, de l’amener à prendre conscience que les hommes de l’Etat transgressent les prohibitions communes contre le vol et le meurtre, qu’ils violent nécessairement les règles communes du Droit pénal et de la morale.


Nous avons bien vu que les hommes de l’Etat ont besoin des intellectuels ; mais pourquoi les intellectuels ont-ils besoin des hommes de l’Etat ?
En termes clairs, c’est parce que les intellectuels, dont les services correspondent rarement à une demande impérieuse de la masse des consommateurs, trouvent pour leurs talents un “marché” mieux assuré auprès des hommes de l’Etat. Ces derniers peuvent leur accorder un pouvoir, un statut et des revenus qu’ils sont généralement incapables de se procurer par l’échange volontaire. Au cours des siècles, un grand nombre d’intellectuels (pas tous, cependant) ont recherché le Pouvoir, la réalisation de l’idéal platonicien du “philosophe-roi”. Entendez le cri du coeur poussé par le professeur Needham, grand érudit marxiste, s’inscrivant en faux contre la verte critique que Karl Wittfogel, faisait de l’alliance entre l’ Etat et les intellectuels dans le despotisme oriental :
 
“Cette civilisation attaquée si âprement par le professeur Wittfogel donnait des postes de fonctionnaires à des poètes et à des savants.” Needham ajoute qu’au cours des époques successives, les empereurs [chinois] furent servis par un grand corps de savants profondément humanistes et désintéressés”.
 
Aux yeux du professeur Needham, cela justifie sans doute l’écrasant despotisme de l’ancien orient.


Mais point n’est besoin de revenir en arrière jusqu’à l’Orient antique ni même aux professeurs de l’Université de Berlin qui, au 19è siècle, proclamaient leur intention de se constituer en “gardes du corps intellectuels de la maison des Hohenzollern”...
Dans l’Amérique d’aujourd’hui, nous avons un politologue bien connu, le professeur Richard Neustadt, qui acclame le président des Etats-Unis comme
 
“le seul symbole d’apparence monarchique de l’Union”.
 
Voici un conseiller à la sécurité nationale, Townsend Hoopes, qui écrit que:
 
“dans notre système constitutionnel, le peuple ne peut se tourner que vers le Président pour définir notre problème de politique étrangère ainsi que les programmes nationaux et les sacrifices qui y apporteront des solutions effectives”.
 
Nous avons aussi l’écho qu’en renvoie Richard Nixon, définissant son rôle à la veille de son élection à la présidence :
 
“[Le président] doit articuler les valeurs de la Nation, définir ses objectifs et organiser sa volonté.”
 
Dans la conception de Nixon, on retrouve l’idée obsédante formulée par l’universitaire Ernst Huber, dans le contexte de la Loi constitutionnelle du Grand Reich allemand des années trente.
 
Le chef d’Etat, écrivait Huber, “établit les grands objectifs à atteindre et planifie l’emploi de tous les pouvoirs de la Nation pour la réalisation des objectifs communs […] il donne à la vie nationale son vrai but et sa vraie valeur”.


Les hommes de l’Etat constituent donc une organisation criminelle qui subsiste grâce à un système permanent imposition-pillage à grande échelle et qui opèrent impunément en se ménageant l’appui de la majorité (et non, répétons-le, de tout un chacun) par une alliance avec un groupe d’intellectuels faiseurs d’opinion, qu’ils récompensent par une participation à l’exercice de leur pouvoir et au partage de leur butin. Mais on doit examiner un autre aspect crucialement important de l’Etat, c’est l’idée implicite selon laquelle l’appareil d’Etat serait le propriétaire légitime du territoire sur lequel il exerce sa juridiction. Autrement dit, les hommes de l’Etat s’arrogent un monopole de la force, du pouvoir de décision ultime, sur un territoire donné — plus ou moins grand selon les circonstances historiques et selon ce qu’ils ont pu arracher aux autres Etats. Or c’est uniquement s’il était vrai que les hommes de l’Etat sont propriétaires de leur territoire, qu’on pourrait dire qu’ils ont le Droit d’imposer des règles à ceux qui ont décidé d’y vivre. Les hommes de l’Etat seraient fondés à confisquer ou contrôler la propriété privée pour cette bonne raison qu’il n’y en aurait pas d’autre que la leur, étant eux-mêmes propriétaires exclusifs de la totalité du territoire. Et dans la mesure où les hommes de l’Etat laissent leurs sujets libres de quitter le territoire, on peut dire qu’ils se comportent tout simplement comme un propriétaire établissant des règles pour ceux qui vivent chez lui. (Telle semble être la seule justification du fruste slogan :
 
“l'Amérique, on l’aime ou on la quitte”*
 
, ainsi que de la grande importance généralement accordée au Droit d’émigrer.)
 
Bref, cette doctrine fait des hommes de l’Etat l’équivalent d’un Roi médiéval, d’un suzerain qui, du moins en théorie, était propriétaire de toutes les terres de son domaine. Le fait que les nouvelles ressources ou celles qui n’appartiennent à personne — terre vierges ou lacs — sont revendiquées par les hommes de l’Etat comme leur propriété constitue une manifestation de cette théorie implicite.
Or, la théorie de la première mise en valeur que nous avons esquissée plus haut suffit à détruire ce genre de prétentions de l’appareil étatique.


En vertu de quel Droit dans ce bas monde les criminels de l’Etat revendiquent-ils la propriété de leur territoire ?
Il est déjà assez scandaleux qu’ils aient accaparé le contrôle ultime des décisions à l’intérieur de ce territoire, en vertu de quoi le territoire tout entier leur appartiendrait-il en propre ?


L’Etat se définit donc comme une organisation caractérisée par l’une ou l’autre des propriétés suivantes ou (comme c’est presque toujours le cas dans la réalité) par les deux à la fois :
 
(1) il obtient ses revenus par la violence physique, c’est-à-dire par l’impôt) ;
(2) il acquiert un monopole coercitif de la force et du pouvoir ultime de décision dans un territoire donné.
 
Chacune de ces deux activités essentielles des hommes de l’Etat constitue en soi une agression criminelle et une prédation des Droits légitimes de propriété de leurs sujets (y compris du Droit de propriété sur soi). En effet, la première institue le vol sur une grande échelle, alors que la seconde interdit la libre concurrence des producteurs de sécurité et de décision à l’intérieur du territoire — elle interdit l’achat et la vente libres des services policiers et judiciaires . Elle est donc tout à fait juste, la critique cinglante du théoricien libertarien Albert Jay Nock :
 
“L’Etat revendique et exerce le monopole du crime” dans un territoire donné, il “interdit les assassinats privés mais il organise lui-même le meurtre sur une échelle colossale. Il punit le vol privé, mais il met la main sans scrupule sur tout ce qu’il veut, que ce soit la propriété des citoyens ou celle des étrangers”.


Insistons sur le fait que les hommes de l’Etat n’emploient pas seulement la violence pour s’assurer de leurs revenus, embaucher des propagandistes au service de l’extension de leur pouvoir, et pour imposer par la force leur monopole sur des services vitaux comme la protection policière, les pompiers, les transports ou la poste. Ils dirigent aussi plusieurs autres activités dont aucune ne peut prétendre être au service des consommateurs. Leur monopole de la force leur sert à établir, selon les termes de Nock, “un monopole du crime” — c’est-à-dire à contrôler, réglementer et soumettre à la coercition leurs malheureux sujets. Ils vont souvent jusqu’à contrôler leur moralité et leur vie quotidienne. Les recettes qu’ils ont prises par la force, les hommes de l’Etat les utilisent non seulement pour monopoliser et produire inefficacement des services qui sont par ailleurs utiles à la population, mais aussi pour accroître leur propre pouvoir au détriment de leurs sujets, qu’ils exploitent et harcèlent : ils redistribuent à eux-mêmes et à leurs séides le revenu et la richesse de la population, ils contrôlent les habitants de leur territoire, leur donnent des ordres et les soumettent à la contrainte. Dans une société vraiment libre, une société où les Droits de la personnes et de la propriété seraient protégés, l’Etat ne pourrait donc que cesser d’exister. Disparaîtraient avec lui la myriade de ses activités d’intrusion et d’agression et son énorme prédation des Droits de la personne et de la propriété. Au même moment, les services authentiques, qu’il réussit si mal à produire, seraient ouverts à la libre concurrence selon ce que les consommateurs individuels sont volontairement prêts à payer.


Le ridicule achevé du conservateur moyen appelant les hommes de l’Etat à faire respecter sa définition personnelle de la morale (par exemple pour interdire la pornographie, sous prétexte d’immoralité) apparaît ainsi en pleine lumière. Sans parler des autres arguments difficiles à réfuter qui condamnent toute morale imposée (aucun acte qui n’est pas librement choisi ne peut être tenu pour vertueux), il est à coup sûr grotesque de confier la moralité publique au groupe de malfaiteurs le plus dangereux de la société, c’est-à-dire les hommes de l’Etat.
 
L'éthique de la liberté en texte intégral ici.

Par Murray Newton Rothbard
, L'éthique de la liberté, Chapitre 22

Source:
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Stéphane GEYRES et le libertarianisme

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message.Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

1) Stéphane Geyres, vous êtes libertarien et président du « mouvement des libertariens ». Libertarien est un terme récent, remontant aux années 1970 ; et on estime la plupart du temps qu’il servirait à qualifier un libéralisme « excessif », « caricatural », « extrémiste », par opposition à ce qui serait le libéralisme « modéré » et donc « sain » et « raisonnable » d’un Hayek, d’un Aron ou d’un Rawls.
  En bref, les libertariens seraient les partisans d’un libéralisme pur et dur et à ce titre exagéré : un « ultralibéralisme ». Que répondez-vous à ce reproche d’extrémisme ?
Tout d’abord, merci cher Grégoire pour avoir pris l’initiative de cet entretien. C’est un réel plaisir de répondre à un jeune journaliste de talent qui sait voir les vraies questions. Il y a certes bien des facettes à votre question, mais elle a en effet le mérite de poser tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, sans toujours le courage de la confrontation.
Je pense que pour vous répondre au mieux, il faut revenir sur l’histoire du libéralisme dans notre pays – j’essaierai de rester concis. On peut oser ainsi simplifier avec quatre périodes qui correspondraient très grossièrement aux quatre derniers siècles. Au XVIIIe tout d’abord fleurissent les célèbres Lumières. Leur apport est avant tout sur l’aspect juridique, c’est sur leurs bases que se construira la Révolution et depuis la démocratie en France et dans le monde. Certains, comme Richard Cantillon, nous ont aussi donné de grandes avancées dans le domaine économique, mais si les Lumières brillent encore, c’est pour avoir fait avancer la Liberté dans sa dimension politique en lien avec le droit. Puis vient Jean-Baptiste Say, suivi de Frédéric Bastiat, lesquels au XIXe vont poser les fondements de la théorie économique telle que tout libéral contemporain sérieux la comprend. Le terme de « libéralisme » naît juste après Napoléon, mais Bastiat se considérait « économiste », car il semblait acquis que les idées de liberté avaient été réglées avec les Lumières. Quant à Léon Say, une génération plus tard, il se pensait « libéral », terme qui s’est peu à peu installé comme « partisan du laissez-faire économique ». Puis avec la Première guerre mondiale et la généralisation de la démocratie, comme l’explique très bien Hoppe, et malgré l’émergence de l’école autrichienne, le XXe voit la gangrène social-démocrate gagner l’Occident. Avec elle, le libéralisme perd peu à peu dans l’esprit commun sa base juridique pour devenir chez certain un simple « discours favorable à la libre entreprise ». Aux États-Unis d’après le New Deal, hélas désormais sociaux-démocrates, le « libéral » est carrément devenu synonyme « d’homme de gauche non communiste ».
C’est alors, dans les années soixante, qu’émerge aux États-Unis le terme de libertarian, repris chez nous dans les années 80 par Henri Lepage en « libertarien », et adopté par ceux qui se reconnaissent comme héritiers de ces diverses phases, mais fuient l’amalgame avec le « liberal » socialisant.
Tout cela pour rappeler que le libéralisme est bien double dans son histoire, il se revendique des Lumières sous l’angle du droit et du « laissez-faire » plus économique – et ses théories modernes. Le libéralisme contemporain est même l’aboutissement de ces divers courants, qui l’ont construit et dont il se nourrit. Il y a diverses manières de le définir formellement, plus ou moins équivalentes, j’en donnerai deux. La plus correcte consiste à l’assimiler à un ordre social où le principe de non agression serait pleinement respecté. Pour ma part, je trouve plus palpable de l’identifier à une organisation sociale où règne la stricte uniformité du droit, l’état de droit le plus strict, où aucun privilège n’existe ni ne peut exister. On note au passage que ces deux définitions n’ont rien d’économique. Mais c’est parce qu’il est en réalité impossible de dissocier ces deux aspects de la vie. J’en veux pour preuve, pour finir ces rappels théoriques, la définition de la liberté donnée dans Libres ! par Henri Lepage – encore lui : « on définit la liberté comme le droit de faire ce qu‘on désire avec ce qu‘on a (plus exactement : avec ce à quoi on a naturellement droit, ce qu‘on s‘est légitimement approprié, ou ce qui a été légitimement transmis) ». J’aime cette définition parce qu’elle est positive et parce qu’elle mêle droit (avoir) et économie (faire).
Ce rappel n’est pas je crois inutile car ce n’est pas l’image, la compréhension que bien des gens de nos jours ont du libéralisme. Pour revenir à votre question, je doute fort que les auteurs que vous évoquez se revendiqueraient du libéralisme ainsi défini – et je ne vous cache pas que selon moi, aucun n’exprimait en effet des thèses pleinement libérales. Je me demande même comment on peut oser qualifier Rawls de libéral, alors qu’il est « liberal », donc social-démocrate. Aron est probablement plus un libéral économique, alors que Hayek, qui pour beaucoup représente le summum du libéralisme moderne, n’a pas su transposer sous l’angle politique les nombreuses avancées économiques qu’on lui doit.
Beaucoup sans doute seront choqués d’une telle analyse et, vous avez raison, trouveront la position libertarienne inutilement « excessive » ou « extrême ». J’ai hélas l’habitude de ce genre de propos bien malheureux ; il faut avoir la carapace solide quand on est libertarien.
Je constate simplement, après quelques temps passés au contact de nombreux critiques, qu’on peut en distinguer trois familles principales. Je passerai vite sur ceux qui ont les idées claires sur le libéralisme, mais optent pour une position politique mesurée parce qu’ils pensent que ce serait tactiquement plus habile. La critique d’extrémiste dans ce cas n’est pas bien grave, puisqu’au moins nous sommes d’accord sur le fond. La plupart par contre n’ont tout simplement pas compris ce que la Liberté suppose, je n’ai pas peur de le dire. On trouve ainsi beaucoup de pseudo libéraux qui en sont restés à la seule vision économique, favorables au laissez-faire mais en même temps ne sachant pas voir que les fonctions régaliennes pourraient être confiées au marché libre dont ils se prévalent. Plus rarement, on peut rencontrer des relativistes pour qui le concept de liberté impliquerait celui de tolérance et donc l’impossibilité de donner au libéralisme un cadre définitif. Tous ces gens « raisonnables » ou « mesurés » ne voient pas qu’ils sont dans l’incohérence.
Pourtant, et ce sera ma réponse après ces longs préliminaires, la chose est simple. Si la liberté tient au droit, et il s’agit du droit dit naturel, minimal, la non liberté tient donc de l’inverse du droit, qui est la force, l’agression – on parle de coercition. Or quel est l’organe social qui par définition incarne la force ? L’état bien sûr. Le libéral est donc tout simplement un adversaire de l’état. Je constate que les auteurs de ces critiques ont oublié de les retourner à celui qui devrait en toute logique être leur adversaire. C’est dommage.
2) Doit-on être nécessairement un anarchiste pour se prévaloir à juste titre du libertarianisme ? Pour dire les choses autrement, le minarchisme est-il une option cohérente ou au contraire incohérente pour un libertarien ?
En effet, selon Wikiberal, « pour [les libertariens], les pouvoirs de l’état devraient être extrêmement restreints (minarchisme), ou même supprimés (anarcho-capitalisme).» D’où votre question, et bien d’autres occasions de la voir posée, beaucoup pensant que le minarchisme est non seulement possible mais souhaitable comme compromis ou étape de transition – ce qui renvoie d’ailleurs à la question précédente.
Il me semble que la réponse doit aborder deux axes pour être complète. Il y a la théorie et la situation d’aujourd’hui. Sous l’angle théorique, j’attends toujours le minarchiste qui saura expliquer comment on pourrait à la fois avoir égalité de tous devant le droit et avoir un état bureaucratique quel qu’il soit. Le simple fait d’accepter le pouvoir d’un élu ou d’un fonctionnaire va à l’encontre de ce principe, pourtant à la base même du libéralisme. Je ne fais là que reprendre un argumentaire éculé, des théoriciens comme Rothbard ayant depuis fort longtemps montré qu’il n’y a qu’une seule option libérale cohérente, celle de l’anarcho-capitalisme. Donc en effet, sous cet angle, la question ne se pose même pas.
Sous l’angle plus concret, certains pensent par exemple qu’on pourrait réduire l’état. Mais dans un article – sur mon blog – je montre que cela est vide de sens, sauf à réduire l’Etat à un tel niveau que nous serions en fait dans un système anarcap. Dit autrement, la seule minarchie possible car cohérente est une société anarcho-capitaliste.
Enfin, il y a la réalité actuelle et la question dite de la transition, c’est-à-dire comment transformer la tyrannie démocratique actuelle en une société libre ? Il est clair que cela ne peut se faire en claquant des doigts et qu’il faudra un certain temps, même bref. Dans ce cadre, beaucoup sont minarchistes en ce sens qu’ils sont favorables à une société de moindre état comme un moindre mal ou comme une étape transitoire nécessaire.
Je n’ai pas d’opposition à une telle analyse, à condition cependant de bien poser le but, de ne pas oublier que l’objectif ultime ne peut être que l’anarcapie. Car sinon, c’est peut-être faire mal au Léviathan actuel et lui rogner les ailes, mais ce n’est pas le tuer. Et Léviathan nous a montré à travers les siècles sa nature de phénix capable de renaître à tout moment.
En conclusion donc, oui, le minarchiste ne peut être qu’un anarcap pragmatique s’intéressant à la transition ou un anarcap en devenir – quand il sera devenu anti-état.
3) Vos vues en science économique rejoignent pour l’essentiel les conceptions du courant de pensée autrichien, en particulier la lignée Von Mises – Rothbard – Hoppe.
  Vous n’êtes pas sans savoir que ce courant de pensée est assez minoritaire dans les universités et que la plupart des économistes du main-stream « néoclassique » lui reprochent un certain amateurisme, et ce pour trois motifs principaux : en premier lieu, le courant autrichien, à l’exception d’auteurs plus modérés comme Hayek ou Kirzner, prônerait un retrait excessif de l’Etat de la vie économique et serait aveugle au caractère nécessaire de certaines interventions pour tempérer les dérives du marché, en particulier pour ce qui a trait à la concurrence inégale et aux asymétries d’information.
  En second lieu, le courant de pensée autrichien rejetterait à tort toute formalisation mathématique des états d’équilibre du marché, laquelle constitue selon le main-stream le seul et véritable objet de la science économique digne de ce nom.
  Enfin il commettrait l’erreur de souscrire à une méthodologie réaliste (i.e. visant à concevoir des théories qui ont pour propriété de décrire fidèlement la réalité) alors que c’est l’instrumentalisme (i.e. visant uniquement à élaborer des théories qui permettent de formuler des prédictions correctes) qui reçoit les suffrages les plus favorables de la part des économistes du main-stream.
  Que répondriez-vous à ces trois ordres de critique ?
Tout d’abord, je n’ai pas de « vues » en économie. D’une part je ne suis qu’un modeste témoin de la théorie autrichienne, je ne saurais être pris pour un expert comme un Guido Hülsmann ou un Renaud Filleule peuvent le revendiquer. Surtout, la science économique étant justement une science, on n’a pas de « vues » en économie : on sait décrire un phénomène x ou y ou on ne sait pas, il n’y a pas place à « l’opinion » ni aux « vues ».
Ceci posé, votre premier point mériterait probablement tout une thèse. J’en retiens l’aspect minoritaire, l’amateurisme, la notion de courant, le rôle de l’état, les dérives du marché dont la concurrence et l’information. Beau programme !
Il est toujours étonnant que l’aspect minoritaire ou pas puisse être un argument dans une conversation se voulant rationnelle, voire scientifique. Peu importe qu’il n’y ait même qu’un seul économiste autrichien, la seule question est de savoir si la théorie qu’il promeut est juste ou fausse. Et je dis bien « juste ou fausse », c’est-à-dire donnant une description ou une explication des phénomènes économiques conforme à ce qu’ils sont réellement. En l’occurrence, la nature axiomatique de la théorie de Menger – Von Mises – Rothbard – Hoppe en fait une forteresse de certitude scientifique. Alors les majoritaires, vous savez…
À ce titre, l’amateurisme me semble plutôt être du côté des mainstream justement. Car l’ensemble de la démarche méthodologique des keynésiens et consorts démontre un refus de réalisme, pour ne pas dire un aveuglement à la réalité sociale. Par exemple, imaginer qu’on puisse tester un modèle économique est une hérésie qui montre que ces écoles ne se rendent pas compte qu’on ne peut jamais reproduire deux fois les mêmes conditions sociales et économiques sans attenter à l’objectivité : qui a déjà vécu une situation en tire des enseignements dont il tiendra compte une fois réexposé aux mêmes conditions.
S’agissant du rôle de l’état, il me semble que l’écart avec les positions plutôt pro-étatiques du mainstream est l’illustration de leur divagation méthodologique. L’analyse de l’école autrichienne part de l’acte économique fondamental, l’échange libre entre deux humains. Toute la théorie en découle. Or cet échange, tel que nous sommes des milliards à l’effectuer spontanément chaque jour, ne doit dans l’immense majorité des cas rien à l’Etat, qui n’en est pas non plus un acteur. A contrario, le mainstream considère l’état comme présent et le pose a priori, sans plus de justification, comme un acteur, réel ou légitime, ce qui ne correspond à aucune réalité – que ceux qui se font accompagner d’un bureaucrate chaque fois qu’ils vont faire leurs courses viennent me contredire.
Quant aux dérives du marché… il me semble que ce pseudo concept, ce prétexte, exprime une incompréhension de ce qui le marché est vraiment. Comment un humain qui fait partie du marché pourrait-il établir de manière objective que ce dernier présente des défauts ou des dérives ? Si le marché a des comportements qui nous choquent, ce qui peut être le cas pour certains, cela reste pour autant toujours l’expression du libre choix de l’ensemble de l’humanité. Comment quiconque pourrait-il se poser en juge de ces choix ? La notion de dérive relève du jugement de valeur d’un homme envers l’humanité, rien de moins. Voilà bien un concept des plus présomptueux et dont on imagine vite les dérives…
Enfin, je ne pense pas qu’il y ait de courant au sein de l’école autrichienne. Il y a tout au plus divers auteurs, tel Hayek, qui à un moment ou sur certains points abandonnent ce qui la caractérise le plus à mon sens, à savoir l’individualisme méthodologique. Ce faisant, je ne crois pas qu’ils soient capables d’aboutir à des conclusions ayant une réelle valeur.
Mais passons à votre second point. Tout d’abord, en vertu de quel principe le fantasme de l’équilibre de marché devrait-il être le sésame de la science économique ? Sauf erreur, l’économie n’est pas la science de l’équilibre du marché mais celle de l’accès aux ressources dans un monde de rareté. L’équilibre ne serait donc pas un principe mais au mieux un résultat d’analyse. De plus, Ludwig Von Mises explique très clairement que l’équilibre est au mieux un outil conceptuel, mais n’a aucune réalité parce que le marché est un processus continu en perpétuel mouvement vers ses prochaines conditions de prix. Révérer l’équilibre du marché n’est donc que se complaire dans une abstraction sans aucune réalité.
Quant au recours aux mathématiques, ce ne serait pas un mal en soi, si les mathématiques, comme c’est le cas en mécanique, permettaient de décrire précisément le monde. Mais ce n’est pas le cas en économie et même, cela ne peut pas l’être. Ludwig Von Mises, encore lui, explique de manière très simple pourquoi l’économie ne peut pas être mise en algèbre. Le principe des équations en physique tient à leur capacité à mesurer, calculer, exprimer des grandeurs mesurables. On calcule des hertz ou des watts, lesquels ont une manifestation précise dans ce monde. Mais en économie par contre, rien n’est mesurable, car rien n’est ni palpable ni objectivement définissable. À commencer par la richesse qui ne se ré duit pas à la masse monétaire contrairement à ce que l’immense majorité soutient. Bref, les maths en économie, cela n’a strictement aucun sens et les mettre en avant n’est qu’une ineptie.
Enfin, votre troisième point, sur le réalisme face aux prédictions. Là encore, on est en pleine confusion. La science physique permet de prédire les futurs mouvements d’un mécanisme parce qu’elle permet de décrire exhaustivement sa dynamique et que celle-ci ne dépend que de son design. En économie par contre, le futur n’est autre que le fruit d’une infinité de décisions prises en continu, librement et indépendamment par les gens sur le marché. Pour espérer prévoir le futur, il faudrait pouvoir modéliser ce système d’une immense complexité, ce qui est et restera impossible, même avec le progrès de la force de calcul des ordinateurs de demain. Pour s’en convaincre, imaginons l’inverse. Je fais une prédiction géniale. Disons que je prévoie que le cours de LVMH prendra 5 pts par mois pendant les 6 mois à venir. Pourquoi ne pas le garder pour moi ? Je fais croire l’inverse, peu à peu j’achète un maximum d’actions de manière à profiter de ma trouvaille. Mais alors, tous les économistes devraient pouvoir faire cela et donc devenir richissimes. Or que constatons-nous ? Tout l’inverse. Les « experts » publient leurs « prédictions ». Car ils espèrent ainsi attirer les naïfs dont l’afflux fera monter des cours qui sinon resteraient atones. Autrement dit, les économistes mainstream sont incapables de prédiction. C’est d’ailleurs très bien comme ça et donc l’économie n’est pas une affaire de prédiction.
4) Sous quelles circonstances et pour quels motifs avez-vous finalement rejoint les rangs de la pensée libertarienne ainsi que du courant autrichien en science économique ?
  Ceci s’est-il fait du jour au lendemain ? Avez-vous eu au contraire une transition lente, subreptice, pas à pas, vers le libéralisme et l’école autrichienne ?
Je suis un autodidacte de l’économie. Travaillant parmi des financiers, je décidai il y a sept ou huit ans de me mettre à l’économie. Me voilà donc fouillant le web à la recherche des bases. Bien sûr, je suis très vite tombé sur des équations dans tous les sens. Les maths ne me font pas peur, je suis titulaire d’une licence de mathématiques. Mais la simple idée d’être mis en équation me semblait fumeuse : comment pouvait-on mettre mon libre choix en équation, fusse de manière probabiliste ? Je continuai donc à chercher dans l’espoir d’une approche qui serait plus convaincante, lorsque je finis par découvrir le Mises Institute et la mine d’or que constitue son site web.
J’avalai alors Human Action, Man Economy and State et For a New Liberty, et depuis de nombreux autres ouvrages. Dès que j’eus lu Rothbard, les pièces du puzzle se mirent en place, très vite : c’est tellement simple et évident dès qu’on a compris la différence entre état et régalien. C’est tellement simple que je ne comprends pas qu’on puisse le critiquer.
Mais pour vous répondre, une fois que j’eus découvert les auteurs libertariens, je basculai très vite – je devais sans doute être prêt à le faire, il ne me manquait qu’une pichenette.
5) Tous les libertariens ne sont pas partisans de l’école autrichienne. Un auteur cent pour cent libertarien (et anarchiste) tel que Bryan Caplan est explicitement hostile au courant de pensée autrichien et se réclame du main-stream néoclassique.
  Selon vous que gagne-t-on à être un libertarien rallié aux idées autrichiennes ? Quel est le manque à gagner pour un libertarien qui se prévaut du courant néoclassique ?
On peut être libertarien et non autrichien, c’est certainement possible, tant qu’on rejette toute intervention étatique et l’état lui-même. Cela dit, j’avoue ne pas savoir en détails pourquoi Bryan Caplan est « hostile » aux idées autrichiennes, mais je ne comprends pas comment cela est possible. Car la théorie autrichienne donne les outils les plus précis pour comprendre les mécanismes économiques et même sociaux. Quant au manque à gagner, il me semble que le plus important tient à sa compatibilité avec le jusnaturalisme anarcho-capitaliste.
Autrement dit, l’EAE supposant la préférence temporelle de chacun, elle ne repose sur aucune fonction d’utilité, contrairement aux autres écoles. Ce qui est en droite ligne avec le principe libertarien voulant que rien ne puisse justifier – et surtout, aucune « utilité » collective – des formes de coercition telles que taxes, impôts ou règlements.
6) Votre regroupement politique, « le mouvement des libertariens », affiche pour slogan : « Les libertariens ne veulent pas prendre le pouvoir mais vous le rendre ».
  En démocratie, nous sommes accoutumés à penser que c’est via le vote électoral – et ce faisant via une participation indirecte à la confection des lois – que le pouvoir est rendu aux gens. Votre slogan, si je vous comprends bien, cherche à faire comprendre l’inanité d’une telle vision des choses ?
En effet. Si la démocratie nous « rendait » le pouvoir, les bureaucrates n’auraient par exemple aucun moyen de nous forcer à payer l’impôt. Ce simple exemple montre bien que le pouvoir ne nous est pas rendu – au contraire, la démocratie est un arbre qui cache la forêt, un cache sexe de notre soumission à l’abus de pouvoir institutionnalisé.
Bien des pseudos libéraux croient que la démocratie est compatible avec notre liberté et qu’il suffirait de réduire le périmètre de l’interventionnisme pour atteindre un point d’équilibre, une forme de minarchie idéale. Comme le livre remarquable de Frank Karsten le développe – Dépasser la démocratie – la démocratie n’est en réalité qu’une forme sophistiquée de tyrannie, injustifiable donc.
7) Un reproche fréquent qu’on adresse aux libertariens consiste à affirmer qu’une société où la liberté prévaut sur toute autre valeur serait tout simplement « indécente » car cette prédominance de la liberté empêcherait qu’on puisse sanctionner certains comportements pourtant réprouvés par le sens moral de tout un chacun.
  Par exemple une société libertarienne, dit-on, autorise un patron à verser à ses employés un salaire très faible, couvrant à peine la subsistance des salariés. Elle autorise que certaines personnes vendent leurs charmes moyennant une certaine somme d’argent. Elle autorise qu’on profère toutes sortes d’insultes racistes. Elle autorise qu’on consomme ou qu’on vende de la drogue. En bref elle autorise toutes sortes de comportements envers soi-même ou envers autrui qui vont à l’encontre d’un sens moral qui serait, dit-on, universellement partagé par les individus.
  Les tenants de cette vision de chose aiment surenchérir : « les libertariens ne donnent au fond aucun sens à la notion de communauté ; ils prônent un individualisme forcené qui soustrait les êtres humains à toute coercition exercée par un socle commun de valeurs élémentaires. »
  Quelle serait votre réponse à ce discours qui a le vent en poupe ?
Je ne vois pas bien ni où la liberté prévaudrait sur toute autre valeur, ni pourquoi toute autre valeur devrait prévaloir sur la liberté. Votre question aborde les sujets de morale et de communauté fondée sur des valeurs morales. Et vous avez raison, beaucoup portent de telles critiques, mais ils ne démontrent là que leur incompréhension de la société libre.
Car en matière de morale, la liberté est très paradoxale et bien plus subtile que ces naïfs savent le voir. Au premier niveau, en effet, la morale ne peut être un motif de sanction. Plus exactement, la question n’est pas tant celle de la sanction que de savoir qui serait en position de sanctionner qui. En effet, pourquoi serait-il interdit de vendre de la drogue ? Et par qui ? Qui serait donc légitime à imposer aux autres de telles préférences ? Personne bien évidemment et donc la seule société juste à cet égard ne peut être qu’une société où il n’y a aucun pouvoir imposant ses vues aux autres, catholiques, juifs, gays ou autres.
On a bien vendu des cigarettes ou de l’alcool pendant des générations. Insulter quelqu’un n’est souvent qu’une notion très relative de la liberté d’expression – pour moi, être traité de socialiste serait une insulte mais je suppose que son auteur serait insulté si en retour je le traitais de libéral. Quant au sexe, ce n’est jamais qu’un service comme un autre, qui n’a aucune raison intrinsèque de ne pas être reconnu comme tel.
Non en effet, le libéral ne peut concevoir que de tels actes soient a priori interdits par voie législative, car la révulsion morale ou autre qu’ils peuvent provoquer ne relève pas de l’agression manifeste d’autrui ni de l’atteinte à la propriété individuelle – au contraire.
Pourtant, et c’est là le point le plus important, la société libre sait très bien héberger la morale en son sein, chose que ces critiques ne savent pas voir. Voyons comment.
Tout d’abord, dans une société libre, il n’y a pas absence ni de loi ni de morale. Mais ce n’est pas l’état ni un quelconque lobby tel celui des catholiques qui fait cette loi et cette morale, toute l’idée de liberté est là. Tu ne n’imposeras pas tes préceptes. Non, loi et morale sont dites par le propriétaire des lieux. Et c’est logique : lorsqu’on visite ses amis, on se conforme à leurs habitudes ou exigences : mettre des patins ou parler leur langue. Et bien de même, si ces amis n’aiment ni la drogue, ni les Arabes et surtout pas l’anglais, il n’y a rien à leur reprocher, il s’agit de le respecter – ou de choisir de les perdre comme amis.
Mais quand je dis « propriétaire des lieux », c’est au sens large. Ainsi, si la Communauté des Fans de Chantal Goya achète un terrain et y installe un lieu dédié à l’artiste, rien ne les empêchera d’y exiger par exemple le port d’une tenue rappelant le lapin. Et rien n’empêchera les anciens fans de rejoindre cette communauté et d’en adopter, voire d’en influencer les pratiques et exigences. De même sur tous les sujets. En faisant ainsi, chacun peut vivre selon ses exigences, sa morale, sa culture, etc. sans pour autant imposer à autrui non consentant ses propres exigences qui sont sans plus de fondement que d’autres.
Mais il y a mieux. Car bien évidemment, au sein de chacune de telles communautés, les exigences de morale, même si chacune différente de la voisine, battront leur plein. On y sera bien plus moralisateur que nous pouvons l’être aujourd’hui, au sein d’une société magma où il est impossible d’espérer la morale appliquée car personne me peut l’exiger.
On voit donc ainsi qu’en matière de communautés, c’est au contraire la société libre qui offre le meilleur équilibre entre tous les courants imaginables et cela sans conflit aucun. Il n’y a dans mon esprit aucun doute, la vison libertarienne de la société est sans égale en matière d’humanisme et je ne connais pas de problème social qu’elle ne règle avec justice.
8) On reproche également aux libertariens de prôner une forme subreptice d’eugénisme.
  Le démantèlement de l’Etat Providence, avance-t-on, aurait pour effet de condamner les plus fragiles et les plus démunis à dépendre de la charité d’autrui, très hypothétique. Les paralysés, les handicapés mentaux, les vieillards victimes d’Alzheimer, les enfants abandonnés à la naissance, ne pouvant plus compter sur le filet de sauvetage garanti par l’Etat Providence, leur sort dépend, in fine, de la bonne volonté des membres de la société.
  Et la conclusion suivante de tomber : « Que se passe-t-il pour tous ceux qui ne trouvent personne pour les prendre en charge ? Eh bien une société libertarienne les laisse crever. Que seuls les plus forts et les plus chanceux survivent, tel est le credo des libertariens ! »
  Que penser, selon vous, de tels propos formulés pour désarçonner les libertariens ?
Qu’ils sont ridicules et incohérents. Un soupçon de recul et de réflexion de la part de leurs auteurs devrait leur permettre de s’en rendre compte. Mais quelques pistes pour les mettre sur la voie. Tout d’abord, n’oublions pas que l’état Providence est un Léviathan de formation très récente et qu’avant lui, il n’y a ne serait-ce qu’un ou deux siècles, la société, sans être parfaite, fonctionnait et avait déjà trouvé les solutions libérales. Mais j’y viens.
La première erreur de ce genre de critique porte sur le fantasme d’une société parfaite. Les libertariens n’ont jamais clamé que la société sera parfaite, premièrement parce que cela ne peut pas exister – que quelqu’un me définisse la perfection sociale – et surtout parce que ce n’est pas l’objet de la vision libérale, laquelle ne vise qu’à permettre à chacun de vivre libre de poursuivre et si possible trouver son bonheur. Objectif bien plus modeste donc.
Ensuite, il faut vraiment avoir une vision négative de l’homme pour croire que dans notre fonctionnement normal, nous laisserions nos faibles de côté. Notez que j’emploie le conditionnel. C’est parce que je considère que c’est au contraire la société actuelle, hélas social-démocrate pour ne pas dire proto-communiste, qui engendre les comportements que ces critiques redoutent. Et dès  lors, ils les transposent comme angoisses sur la société libre, alors qu’en réalité ces phénomènes n’y existent pas et sont au contraire le produit de la socialisation démocratique contemporaine, où la solidarité a remplacé le bon sens.
Typique de ce type de raisonnement, on parle de la société comme si elle était un acteur, comme une  personne, comme ce fameux filet de sécurité, alors que la société n’est qu’un groupement d’individus sans autre substance et que seuls ses membres, vous et moi, y ont la capacité d’agir et de décider. Il n’y a pas de société, il n’y a que des personnes. Ce sont elles qui décident ou non de venir en aide aux plus faibles et comment. Aucune « société » n’en a la capacité. De plus, la société n’a pas à nous « prendre en charge ».
L’autre paradoxe de cette manière irréaliste de penser consiste à croire, à décréter que l’Etat pourrait ce que la charité ne pourrait pas. Or dans les deux cas, on parle d’individus dont on n’a aucune raison valable de supposer qu’ils seraient malveillants. Pourquoi les gens qui ne seraient pas capables de charité seraient-ils capables de solidarité ? Ce ne sont pas les mêmes ? Ah, oui bien sûr. Mes amis et mes proches sont incapables de m’aider alors que le fonctionnaire pour qui je ne suis rien me garantit une aide meilleure et plus rapide ? On voit combien ce genre de vision de la société ne repose sur rien de solide et, pire, repose même sur la négation de la spontanéité du véritable souci social que nous portons tous.
Et où on voit le rôle de la famille dans ces questions. Et des diverses structures spontanées. Dans une société libre, j’appartiens à une ou plusieurs associations, clubs, communautés en plus de ma famille. Ces gens me connaissent et m’apprécient à divers titres, à divers égards. Et comme pour la plupart, comme l’immense majorité des gens normaux, ils ne sont pas des sauvages, c’est sur eux que je pourrai compter en cas de souci. Bien sûr, j’aurai souscrit une ou plusieurs assurances pour les gros coups durs, mais ce sont mes amis et mes proches qui viendront emplir mes vieux jours ou me soutenir pendant quelque période difficile. Tout simplement. Pourquoi est-il si difficile d’imaginer ce qui se passe pourtant déjà depuis des millénaires ? Le socialisme a-t-il déjà vidé les cerveaux à ce point ?
9) Selon Ludwig Von Mises c’est sur la disposition des êtres humains à se comporter de façon rationnelle que repose in fine l’espoir de voir émerger un jour une société régie par la pure liberté.
  Dans les termes de Von Mises : « Le libéralisme (ou libertarianisme dirait-on aujourd’hui) est rationaliste. Il affirme qu’il est possible de convaincre l’immense majorité que la coopération pacifique dans le cadre de la société sert les intérêts bien compris des individus, mieux que la bagarre permanente et la désintégration sociale. Il a pleine confiance en la raison humaine. Peut-être que cet optimisme n’est pas fondé, et que les libéraux se sont trompés. Mais, en ce cas, il n’y a pas d’espoir ouvert dans l’avenir pour l’humanité. » Ludwig Von Mises, Action Humaine chap. VIII
  Dans quelle mesure ces quelques lignes de Von Mises recueillent-elles votre assentiment ?
C’est tout simplement ce qui motive mon action militante et même professionnelle chaque jour. Je me base sur ma propre expérience, tout simplement. En quelques mois, par curiosité et par souci de cohérence, par intuition critique, je suis passé d’un vague libéral-conservateur mal informé et quelque peu « emmoutonné », à un libéral lucide, informé, acerbe et radical, non pas par aigreur, mais par simple logique et conviction.
Je suis donc en effet absolument convaincu non seulement que le libéralisme, le vrai, pas celui qu’on pourrait échanger contre deux barils d’Ariel, constitue le seul système à la fois lucide et adapté à ce qu’est l’homme, mais aussi que ses idées sont si simples et même intuitives que tout le monde devrait pouvoir les comprendre et les adopter, ceci pour in fine voir l’ensemble de notre espèce atteindre enfin les stades ultimes de civilisation.
Il suffit juste – vaste programme néanmoins – de lever le « voile d’ignorance » mis consciencieusement par les hommes de pouvoir devant les yeux de nos concitoyens. Voilà mon sujet et voilà la seule motivation politique qui en vaille la peine, à mes yeux.
10) Cher Stéphane Geyres, notre entretien touche à sa fin. Aimeriez-vous ajouter quelques mots ?
Merci pour cet échange cher Grégoire, vos questions sont toujours très bien vues et donnent écho à des questionnements véritablement problématiques.
Il y a en effet un commentaire que je souhaite faire, qui dépasse vos questions mais qui s’adresse aux critiques du libéralisme radical que vous exprimez plus haut. Je m’étonne très souvent de leur manque de réflexion et surtout de leur négativité. Beaucoup pour ne pas dire tous, face à des idées nouvelles, qui en effet peuvent dérouter au début, optent pour ce que j’appellerai l’option inhumaine. C’est-à-dire que selon eux, les bons ne peuvent être que de leur côté, du côté de ceux qui, parce que soi-disant portant attention aux autres via le social, seraient les seuls qui feraient preuve d’humanité.
Il semble ne pas leur venir à l’idée qu’un homme ou une femme se déclarant libéral, et ce faisant ne donnant pas plus que ça de signe de folie furieuse, puisse être un humaniste sincère et apporter des idées pertinentes. C’est vraiment très dommage, car je pense que c’est chez les libéraux que se cachent les individus les plus authentiquement humains que porte cette Terre.
Cher Stéphane Geyres, merci pour tout ; ce fut un honneur ainsi qu’un plaisir.
Stéphane GEYRES et le libertarianisme

Entretien avec Stéphane Geyres. Par Grégoire Canlorbe

Soumis par sur 4 juin 2014
Stéphane GEYRES et le libertarianisme
Le Mouvement des Libertariens sera candidat à Villeneuve-sur-Lot (47) en juin, représenté par Stéphane Geyres. Partout dans le monde, les libertariens ambitionnent, pour tous, un monde de liberté, perdue depuis longtemps. Un monde dans lequel tous les individus libres sont responsables d'eux-mêmes. Un monde où personne n'est forcé de sacrifier ses valeurs au bénéfice de quelques privilégiés, tout en plaçant la charité naturelle de l'être humain au cœur de la vie sociale. Un monde de bon sens et de confiance. La bureaucratie et l'état-providence ne sont pas le remède mais la cause de la misère et du pessimisme qui gangrènent ce pays depuis des décennies. Nous avons pris l'initiative de créer le Mouvement des Libertariens pour venir surprendre le jeu politicien. Ouvertement. Nous allons montrer que les autres candidats ne sont pas à la hauteur des enjeux, aucun. Qu'ils ne disent pas la vérité, qu'ils ne comprennent pas la crise et ses causes, que leurs solutions n'en sont pas. Tous collectivistes, ils ne pensent qu'à s'engraisser honteusement par un faux capitalisme, celui de la connivence. Cahuzac n'est pas un cas isolé ! Nous serons heureux de vous rencontrer à Villeneuve-sur-Lot durant cette campagne, et nous sommes disponibles à tout instant pour développer avec vous nos idées. Ni à droite, ni à gauche, ni au centre. Les Libertariens ne veulent pas prendre le pouvoir, mais le rendre à chacun.

Pourquoi je suis libéral: Thierry Guinhut. Et vous ?

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message.Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Toute pensée politique crédible doit se donner pour but le bonheur de l’humanité, ou tout au moins la création des conditions permettant aux hommes la réalisation de leurs potentialités les meilleures. Ainsi le libéralisme ne vise pas, contrairement aux plus vulgaires préjugés, à la liberté du seul plus fort, à la tyrannie économique de quelques loups de la finance…


Il n’est que de considérer les pays où le plus de liberté et d’aisance économique pour le plus grand nombre a pu être réalisé : ce sont des démocraties où le capitalisme libéral s’exerce. Les utopies communistes se sont révélées, sans exception aucune, des abominations génocidaires, du goulag soviétique au logaï chinois, en passant par les geôles cubaines et les illusions pseudo-romantiques à la Che Ghevara. Les fanatismes théocratiques réduisent à une abjecte soumission, sans parler de la femme opprimée là comme jamais. Quant aux dictatures fascistes européennes, aux abîmes de corruptions latino-américains ou africains, ils n’ont jamais vu l’ombre du libéralisme. Oserait-on ajouter que la France elle-même n’est pas sans manquer d’une part de ce précieux libéralisme ? 
On oublie trop facilement que cette philosophie économique, politique et humaniste ne se passe pas d’état, au sens où ce dernier garantit les libertés, dont les premières de toutes, la sécurité et la justice, mais aussi celle fondamentale d’entreprendre, qu’il s’agisse d’entreprise intellectuelle, artistique, artisanale, industrielle, écologique ou financière. Tout en respectant quelques valeurs fondamentales et indispensables sine qua non : la propriété, la liberté de la concurrence -donc l’interdiction des monopoles- la clarté, la visibilité et le respect des contrats. A l’état, au cadre législatif, de garantir ces prémisses au-delà desquelles l’activité humaine peut enfin œuvrer à la création des richesses et à leur accessibilité maximale. La « main invisible » du marché -pour reprendre la formule pourtant décriée d’Adam Smith- pourvoira aux adaptations nécessaires ; non sans risques certes pour celui qui a échoué dans son entreprise, mais qui saura trouver un autre terrain pour exercer ses talents (non sans l’assurance chômage). Ce pour quoi le libéralisme a confiance en les capacités humaines. Quant à celui qui n’en a guère (il y en a-t-il tant ?), celui qui n’aura plus les moyens d’assurer sa subsistance, il n’est pas interdit d’imaginer que le libéralisme ne soit pas l’ennemi d’un zeste de redistribution. A la condition que cette redistribution n’alourdisse pas le poids de l’état et de la fiscalité au point de décourager et de faire fuir une activité pour laquelle les justes récompenses du mérite restent l’enrichissement et la reconnaissance. A-t-on réellement essayé le libéralisme dans une France obérée par le colbertisme de droite et le fantasme ruineux de l’état providence socialiste ?
Libéralisme économique doit rimer avec libéralisme dans les mœurs. Qu’il s’agisse de la liberté homosexuelle, de celle féministe, des religions privées qui sachent rendre à César ce qui est à César et ne pas jeter la première pierre, catholicisme du pardon ou Islam des lumières, elles riment toutes avec la liberté d’expression. Sans compter que cette liberté d’expression vaut autant pour la presse, que pour toute pensée, la littérature, les arts… 
Ne croyons pas que le libéralisme soit l’apanage des riches et puissants occidentaux. En ce sens le microcrédit de Muhammad Yunus, qui concerne la plus modeste paysanne indienne, est une formidable idée libérale. Certes, cette école politique aux facettes diverses a conscience -au contraire de l’utopie marxiste- de ne pouvoir faire descendre la manne de la perfection sur l’humanité meurtrie. Mais son réalisme, son pragmatisme, est le gage d’une prudence nécessaire, sans compter que ses qualités ont, elles, fait la preuve de leur efficacité. Francis Fukuyama, s’il n’a pas totalement résolu « la fin de l’Histoire » montre avec brio que la démocratie libérale est l’horizon souhaitable de l’humanité.

Outre les penseurs déjà cités, l’on suppose que notre libéralisme n’est pas celui de l’inculte trader aux dents aussi serrées sur sa proie que celle du monopole du crédit bancaire. De Milton à Locke, De Voltaire à Kant, de Montesquieu à Tocqueville, de Raymond Aron à Léo Strauss, d’Hayek à Boudon, nombreux sont les philosophes et les intellectuels qui se sont honorés d’être des libéraux ; sans compter l’écrivain péruvien -et récent prix Nobel- Mario Vargas Llosa, candidat malheureux à la présidence de son pays, romancier brillant autant qu’essayiste de talent… Honorons-nous de plus d’être également détestés et caricaturés par les partis d’extrême droite et d’extrême gauche, ce qui en dit long sur leurs connivences secrètes, leur passion de ce pouvoir totalitaire qu’il leur paraît si nécessaire de faire peser sur la tête d’autrui…
Pourquoi je suis libéral: Thierry Guinhut. Et vous ?

Libéral ou libertarien par Thierry FALISSARD

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Même si le Petit Larousse illustré 2014 intègre à présent "libertarien" dans ses nouveaux mots, et que le terme commence à "entrer dans les mœurs" (notamment depuis la campagne de Ron Paul en 2012 et les péripéties d'Edward Snowden, sans compter de petites incursions récentes en France soviétiquelors d'une élection législative), l'usage n'est pas encore bien fixé autour de ce vocable.
Certains auteurs, même libertariens (comme Pascal Salin), n'utilisent jamais le terme de "libertarien", mais uniquement celui de "libéral". D'autres utilisent indifféremment les deux termes, les considérant comme synonymes. Et une troisième catégorie (à laquelle j'appartiens) préfère différencier nettement "libéral" et "libertarien".
En effet, "libéral" ne signifie plus rien aujourd'hui : tout le monde est plus ou moins libéral (sauf quelques nostalgiques de l’URSS), et aux États-Unis les étatistes prétendument progressistes se qualifient de liberal, tandis que libertarian désigne les libertariens (et parfois également les libertaires gauchisants). Il y a, paraît-il, un "socialisme libéral", un "égalitarisme libéral", un "conservatisme libéral" ; il ne manque plus qu'un "libéralisme libéral" pour ajouter à la confusion. Et le terme n'a pas le même sens d'un pays à l'autre : en Suisse, c'est une qualité que d'être libéral, en France, pays du terrorisme intellectuel de gauche, cela équivaut presque à être un "nazi" ou un "darwiniste social".
Cependant, certains s’affirment libéraux mais non libertariens. Mais alors, comme différencier un libéral et un libertarien ?
Je propose le test suivant. Si vous êtes d'accord avec l'une au moins des propositions ci-dessous, vous n'êtes probablement pas un libertarien. Si vous êtes d'accord avec toutes, vous êtes l'étatiste parfait, et vous devriez certainement vous lancer en politique ou entrer dans la fonction publique ! La cleptocratie vous appelle !

1) L'État a le droit d'imposer une "solidarité" minimale, via l'impôt ou les cotisations "sociales", car autrement personne n'assisterait ceux qui sont "laissés au bord de la route".
2) Il y a des limites à la liberté, que le "principe de non-agression" libertarien à lui seul ne cerne pas ; par exemple, vente d'organes, prostitution, trafic de drogue, diffamation, etc. doivent être interdits et punis.
3) La notion libertarienne de "lutte des classes" n'est pas admissible, l'État n'est pas une source d'exploitation au seul prétexte qu'il impose une "asymétrie" entre citoyens, certains payant des impôts ou finançant des privilèges dont d'autres bénéficient.
4) La démocratie représente l'achèvement ("l'horizon indépassable") du libéralisme, dont elle est inséparable ; démocratie ou liberté, c'est du pareil au même.
5) L'idée d'un "droit naturel" qui ne serait pas d'origine étatique, mais existerait indépendamment de lui, est absurde : le seul droit est celui que met en œuvre l'État, et en démocratie il est normal pour le citoyen de s'y plier.
6) Certains services publics ou "biens publics", comme la monnaie, ou l'éducation, ou la "sécurité sociale", sont du ressort exclusif de l'État et doivent lui être confiés.
7) Il est normal que l'État ne fonctionne pas comme une entreprise, et qu'il prenne en charge des fonctions a priori "non rentables".
8) L'économie ne peut fonctionner correctement si l'État n'est pas là pour la diriger ou la réguler.
9) La politique est quelque chose de noble, cela consiste à désigner nos représentants, qui agiront dans l'intérêt général.
10) L'État devrait interdire les tests politiquement incorrects et provocateurs comme celui-ci.

Quelques commentaires sur chacune de ces affirmations.
1) La solidarité ne peut être que volontaire, sinon ce n'est plus de la solidarité : c'est de la coercition pour les uns et de l'assistanat pour les autres :
L'État-providence est une pornographie de la générosité, car il nous force à accomplir les gestes, même si nous n'éprouvons pas le sentiment. (Christian Michel)
C'est aussi l'idée que la fin justifie les moyens : on aurait le droit de soulager un mal ici en causant un autre mal là. Mais alors pourquoi n'aurais-je pas moi-même le "droit" d'obliger mon voisin à être "solidaire" envers moi en allant le voler, sous prétexte qu'il est plus chanceux, plus riche, plus favorisé que moi ? L'État fait-il autre chose ? Pourquoi le vol est-il considéré comme un mal, excepté quand c’est l'État qui le pratique ?
2) Si vous posez des limites à la liberté, quelles seront ces limites ? Et que faire en cas de désaccord sur ces limites ? Vente d'organes, prostitution, trafic de drogue, etc., si vous les regardez de près, ne limitent la liberté de personne, n'agressent personne (en droit il ne peut exister d'agression envers soi-même − sans quoi il faudrait aussi bien interdire le suicide ou le masochisme). Quant à la diffamation, au mensonge, à la calomnie ou à l'insulte, ils ressortissent à la liberté d'expression, dont évidemment il est possible d'user de façon immorale, mais il n’y a là pour les libertariens aucune agression à proprement parler.
3) La "lutte des classes" au sens premier, celui du libéralisme (avant que le marxisme n'en dévoie le concept), c'est l'opposition entre les volés et les voleurs, les criminels et leurs victimes. Le vol consiste à prendre le bien d'autrui sans son consentement : c'est exactement ce que fait l'État, puisque l'impôt est "imposé", et que le "consentement à l'impôt" est un oxymore (si un tel consentement existait vraiment, on pourrait sans problème rendre l'impôt facultatif).
4) La démocratie a conduit au nazisme et au communisme ! Nous n’évoquerons même pas les contradictions qui lui sont propres (théorème d'Arrow,  théorème de l’électeur médian, etc.), pour insister sur le fait qu’elle se transforme aisément en démocratie totalitaire, soit de façon violente (par la révolution), soit de façon insidieuse comme c'est le cas dans les social-démocraties. Quel devrait être son champ d'action, d'un point de vue libertarien ? Tout ce qui ne concerne pas la liberté et la propriété d'autrui : la couleur du drapeau national, l'élection d'un représentant gestionnaire des "biens publics", etc. Il est clair qu'alors la politique serait réduite à peu de chose, pour le plus grand bien de tous. On aurait enfin réussi à dépasser la démocratie.
5) Si l'idée de "droit naturel" est absurde, cela signifie qu'il n'y a pas de loi injuste. En revanche, si vous jugez qu'il peut effectivement y avoir des lois injustes, vous devez admettre l'existence de critères qui vous permettent d'en juger, et cela indépendamment du droit positif. Le droit naturel (que l'on ferait mieux d'appeler "droit moral" comme le proposaient judicieusement John Stuart Mill et Arthur Schopenhauer) ce n'est pas autre chose : c'est la recherche d'une justice acceptable par tous et fondée sur la raison, sous la forme d'une éthique minimale applicable à tous. Entre Antigone et Créon, les libertariens choisissent Antigone ! Ils en arrivent ainsi à rejeter toute notion de droit qui serait en désaccord avec l'éthique minimale du principe de non-agression, et donc à rejeter une grande partie du droit positif :
L’État est le maître de mon esprit, il veut que je croie en lui et m’impose un credo, le credo de la légalité. Il exerce sur moi une influence morale, il règne sur mon esprit, il proscrit mon moi pour se substituer à lui comme mon vrai moi. (Max Stirner, L’Unique et sa propriété)
6) Le point de vue libéral et libertarien est que le service public devrait être confié chaque fois que c’est possible à la société civile, et donc privatisé, confié à des entreprises ou à des associations. Dans le passé, l’État s’occupait du commerce du blé, le résultat en était la famine. Aujourd’hui on peut constater chaque jour les dégâts causés par le service public : gaspillages, pénuries ou gabegies, rationnement, corruption, bureaucratie, privilèges accordés à quelques-uns aux dépens de tous, retards technologiques, grèves à répétition, contraintes absurdes, etc. Le libertarien va en général plus loin que le libéral, dans la mesure où il étend la privatisation aux domaines de la monnaie, de l’éducation, du transport, de la santé, de la retraite, etc., voire de la sécurité (police et justice) pour les libertariens anarcho-capitalistes.
7) Il a existé et il existe encore des États fonctionnant comme des entreprises. C’est le cas d’un certain nombre de paradis fiscaux. L'État bernois, sans être un réel paradis fiscal, en fut longtemps un exemple, c'était un "État-entrepreneur domanial":
Berne était la plus grande république au nord des Alpes, s’étendant des portes de Genève aux portes de Zurich. Ses ressources financières étaient la propriété foncière, les émoluments des offices, les contributions aux routes et le commerce du sel et du blé. En plus, au XVIIIe siècle, les placements à l’étranger fournissaient un septième du budget. (Beat Kappeler, La fin de l’État idéal, Le Temps, 2 juillet 2011)
La question est de savoir si l'État est à notre service, ou bien si au contraire nous sommes au service de l'État. Si l'État est à notre service, il n'est pas très différent d'une entreprise, il pourrait (devrait ?) donc être géré comme une entreprise. Si vous jugez normal que l'État prenne en charge des fonctions non rentables, ne vous étonnez pas que la dette publique grandisse indéfiniment ! Ce sont vos enfants qui paieront cette absence de rentabilité qui ne semble pas vous choquer. Car l'économie se venge toujours !
8) L'économie peut fonctionner sans interventionnisme étatique pourvu que les droits de chacun soient respectés. On ne nie pas qu'il faille à cette fin des services de justice et de police, et un minimum de règles à respecter, qui ne seront que l’expression du respect de la propriété et des contrats passés. On nie qu'il faille davantage que cela. Il est facile de montrer que l'intervention de l'État est la cause de tous les désastres économiques. Non pas que l'économie "livrée à elle-même" soit parfaite (elle ne le sera jamais : il y aura toujours des faillites, des crises, des bulles spéculatives, des escroqueries, etc.), mais l'intervention étatique inconsidérée a la faculté de transformer l'imparfait en catastrophe. Car il est tout simplement impossible de diriger l'économie :
Piloter l’économie est une tâche en soi qui n’a pas de sens et qui condamne toute action publique à l’échec puisque les grandeurs économiques globales que l’on prétend réguler (comme la consommation des ménages, l’investissement des entreprises ou les prix, salaires et taux d’intérêts) résultent fondamentalement de décisions prises librement par des acteurs aux motivations variées et aux contraintes diverses. Et empêcher les acteurs de prendre leurs décisions et d’assumer leurs responsabilités, c’est franchir un pas supplémentaire dans l’étouffement progressif de la liberté individuelle, ce qui est le plus sûr moyen de condamner toute l’économie. (Jean-Louis Caccomo)
9) La politique, c'est presque toujours l'affrontement d'une partie du pays contre une autre partie. C'est certes moins violent qu'une guerre civile, mais cela reste, en démocratie, une violence symbolique, qui permet à une majorité d'opprimer impunément une minorité. Sortez de l'illusion démocratique qui vous donne le droit de choisir l’étatiste en chef, mais pas d'échapper à l’étatisme ! Quant au mythique intérêt général, il n'existe pas, ou plutôt, on peut le définir simplement comme le respect du droit de chacun : il est a priori dépourvu d'aspect collectif.
Ce test ne doit pas donner une idée fausse des conceptions libertariennes ni du but qu’elles visent. Le libertarien n’est pas un utopiste (ou pas seulement…) ni un doctrinaire borné. Il est prêt à soutenir toute avancée procurant à la société civile davantage de liberté et lui permettant une reprise en main de son destin en-dehors de la coercition étatique. Il approuve toute initiative dans ce sens, aussi insignifiante soit-elle, qu’elle vienne de droite ou de gauche. Malheureusement, ce que les politiciens proposent en général c’est davantage d’esclavage, de contrôle, de paternalisme, de "protection" chèrement monnayée. Leur tâche, qui normalement devrait être réduite à sa plus simple expression (gérer quelques rares biens publics), devient démesurée ; et l’arme du "monopole de la violence légitime", fonction étatique fondamentale, les rend nuisibles par l’usage incorrect qu’ils en font. 
par Thierry Falissard

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Libéral ou libertarien par Thierry FALISSARD
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