Rappel et déjà 23 ans, et toujours la même idéologie aux conséquences toujours dès plus incroyables
Montréal,
1er avril 2000, entrevue avec Martin MASSE de QL
Le « génie français »
ne s'exprime plus depuis longtemps dans l'élégance, la subtilité
et la profondeur philosophiques, mais plutôt, des deux côtés
de l'Atlantique, dans la logomachie nationalo-étatiste. Tout comme
le Québec en Amérique du Nord, la France est l'une des régions
parmi les plus taxées et bureaucratisées en Europe, et l'un
des pays au monde où les idées libérales sont le plus
férocement combattues par une petite élite marxisante qui
résiste encore et toujours à la soi-disant «
dictature du marché ».
Bertrand Lemennicier trace un tableau assez sombre de la situation dans
l'Hexagone. Selon lui, les Français sont économiquement incultes
et la pensée libérale n'arrive pas à percer les barrières
des médias et des milieux académiques. Toutefois, les pressions
venant de la Communauté européenne et de la concurrence internationale
se font sentir et des factions de la nomenklatura socialiste au pouvoir
perçoivent désormais la nécessité des réformes.
Aussi, comme ailleurs, internet pourrait permettre aux libertariens de
répandre leurs idées et de mieux s'organiser en contournant
les réseaux fermés de l'establishment de gauche.
Bertrand Lemennicier, économiste et professeur à l'Université
de Paris II, est l'une des figures importantes du courant intellectuel
libertarien en France ces dernières décennies. Comme on peut
le constater sur son site web,
il n'a pas froid aux yeux lorsque vient le temps de défendre la
liberté individuelle sous toutes ses formes: sur une page consacrée
aux sujets et thèmes tabous, on conseille aux âmes sensibles
de s'abstenir... Il était de passage au Québec il y a quelques
semaines pour donner une conférence dans les cadre des séminaires
Choix individuels et liberté organisés par les professeurs
Alain Albert et Pierre Lemieux à l'Université du Québec
à Hull. C'est là que le QL l'a rencontré.
L'inculture
économique française
Martin
Masse: Vous dites qu'il y a en France une sorte de mouvement orchestré
contre le libéralisme et les idées libérales. Mais
n'est-ce pas étrange que les gauchistes en France dénoncent
une soi-disant « pensée unique »
libérale qui n'existe pratiquement pas?
Bertrand
Lemennicier: L'anomalie en France est simple, les économistes
ne sont pas le « groupe d'experts »
qui discutent d'économie. C'est sans doute une particularité
du milieu médiatique français, on ne s'adresse pas aux économistes
pour parler d'économie parce que l'on ne veut pas que les Français
soient confrontés au principe de réalité. Le milieu
intellectuel de gauche, qui contrôle en grande partie les médias,
cherche à développer ou à entretenir dans l'opinion
publique un sentiment anti-économie. Il le fait en usant de l'émotion.
Pour cela on prend des gens qui savent manier l'émotion. Et les
littéraires sont mieux placés que d'autres pour ça,
d'où le phénomène surmédiatisé de Vivianne
Forrester. C'est un des paradoxes, son succès vient d'abord de l'ignorance
des Français sur ce qu'est le libéralisme d'une façon
générale, il y a à propos de cette philosophie politique
une inculture totale, et aussi sur ce qu'est la théorie économique.
Il y a une double inculture en France, d'abord celle sur le libéralisme
– ça, ça ne surprend pas trop – mais en même temps
sur l'analyse économique élémentaire.
MM:
Plus qu'ailleurs?
BL:
Il paraît qu'aux États-Unis, c'est à peu près
pareil. Mais je pense que les Français ont quand même une
tradition étatique profonde et une ignorance des phénomènes
économiques parce qu'on a été marxisés beaucoup
plus qu'aux USA. Mais cette ignorance ne prend pas sa source après
les années 1945 mais au 19e siècle. Il faut savoir qu'il
y a un monopole de l'éducation nationale depuis le 19e siècle
qui n'a pas évolué. À travers l'université,
avec la marxisation des années 1968, l'ignorance du libéralisme
comme de l'économie continue encore aujourd'hui – l'ouvrage de Viviane
Forrester a pour fondation intellectuelle le marxisme. Il y a des générations
d'étudiants qui sont dans des facs où l'enseignement de l'
économie est tenu par des collègues qui sont d'anciens marxistes
ou des gauchistes. Au mieux, ils se sont reconvertis en keynésiens,
ils sont nécessairement interventionnistes. Même ceux qui
sont néo-classiques, non marxistes, qui pratiquent souvent l'économie
mathématique sont aussi des interventionnistes ou des étatistes
etc. Les collègues de ma propre fac sont au moins pour un État
minimal. La raison en est que ces économistes « mathématiciens
» n'ont pas compris les mécanismes de marché.
Ils en sont restés au modèle de Walras et à la méconnaissance
des mécanismes de marché en termes de processus, ça
c'est très clair. Leur vision de l'État reste influencée
par les idées du Prix Nobel Samuelson: l'Etat doit intervenir pour
pallier les soi-disant « faillites du marché ».
Hélas mes collègues libéraux – il y en a quelques-uns
– et moi nous exerçons notre profession dans cette ambiance-là.
Glasnost
made in France
BL:
À l'heure actuelle en France, il n'y a plus d'opposition, il n'y
a plus de droite, il n'y a plus rien. Les hommes politiques de droite (qui
sont dans leurs idéaux en fait de gauche) ne peuvent plus s'exprimer,
on ne les entend pas à la radio, ni à la télévision.
Tout est dominé par la gauche. D'où le sentiment de pensée
unique chez des gens comme nous. Cependant à l'intérieur
de la gauche, on a le phénomène de la nomenklatura des pays
de l'Est. Il y a une fraction de la gauche qui est pour que l'on ouvre
le pays, qu'on le pousse vers le libéralisme.
MM:
Pourquoi est-ce qu'ils se définissent à gauche ces gens-là,
alors?
BL:
Il y a deux gauches, sinon trois. L'ensemble des gauchistes de 68 qui ne
sont pas ouvriers mais étudiants, fils de riches, plus riches que
moi, qui ont viré à gauche pour x nombre de raisons, soit
par intérêt personnel, soit parce qu'ils croyaient que l'avenir
était au socialisme. Une fraction d'entre eux sont pour une forme
de libéralisme, d'ouverture du pays. En revanche une autre fraction
est contre. Donc il y a un conflit qui est très typé, qu'on
a retrouvé au moment de Gorbatchev, entre une nomenklatura qui voit
bien qu'il faut ouvrir le pays parce qu'on ne peut pas continuer plus loin,
et puis une autre qui veut exactement l'inverse. On est dans cette phase,
me semble-t-il, dans le milieu politique de gauche. Avec le fractionnement
et la montée des extrêmes, avec Krivine et puis Arlette Laguillier
qui gagnent des votes à gauche contre le PC ou le PS. Les écologistes
entre eux subissent la même fracture: c'est la compétition
entre Cohn-Bendit et puis Voynet. Et ce qui me paraît particulièrement
intéressant, en France, c'est l'arrivée au pouvoir de la
génération gauchiste et trotskyste de 1968. Jospin est un
ancien trotskyste. Un clan de 68 applique ses idées d'autrefois,
avec certains qui sont plus ou moins évolués, des gens qui
sont restés strictement marxistes, Krivine et d'autres, et avec
un Cohn-Bendit qu'on va critiquer comme étant libéral à
gauche, mais qui va rejoindre un Fabius qui lui aussi tourne un peu libéral.
Donc,
il y a une gauche libérale, une gauche gorbatchévienne, et
puis une gauche communiste ultra-gauche qui veut faire le chemin exactement
inverse. D'où la contradiction, mais enfin, c'est une contradiction
qui est strictement interne, qui ne porte pas nécessairement à
conséquence, parce que la France est gouvernée par la Commission
européenne. Toutes les grandes décisions ne sont plus prises
en France, mais prises à travers la constitution de l'Europe, à
travers la Commission européenne. Le pouvoir monétaire a
disparu en France, puisque maintenant c'est le « machin »
européen comme aurait pu dire de Gaulle, le droit français
n'existe plus puisque ce sont les conventions européennes qui dominent
le droit français, et les Français ne peuvent plus faire
autrement. Petit à petit même la France est obligée
de réformer sa bureaucratie, d'où les grèves des fonctionnaires.
Les privatisations nous sont imposées, si on ne les fait pas, on
est sanctionné par la CE.
D'où
le climat politique. En fait il n'y en a presque plus. Je pense que très
rapidement on va voir ce qui est apparu dans les pays de l'Est, un divorce
extrêmement profond entre les opinions publiques affichées
et médiatiques d'un petit microcosme, assez parisien, et le reste
de la population. On le voit, à chaque élection, le taux
d'abstention et de votes blancs ou nuls monte constamment. Il monte d'autant
plus que l'on est jeune. Et ça, c'est les prémisses d'une
révolution au sens des pays de l'Est.
Libéraux
ostracisés
MM:
Pour revenir à la campagne contre les vrais libéraux, comment
est-ce qu'on ostracise tous ceux qui pensent différemment? Madelin
est quand même là, il doit bien y avoir des gens, la France
c'est quand même gros, c'est 60 millions d'habitants, il y a quand
même des places où s'exprimer.
BL:
Oui et non. Madelin ne peut pas dire ce qu'il pense, il affiche de temps
en temps des opinions publiques qui divergent de ses croyances privées.
MM:
Pour ne pas se faire ostraciser?
BL:
Oui, pour ne pas se faire ostraciser, et c'est comme ça que ça
fonctionne. La droite n'a jamais détenu le pouvoir médiatique.
Elle ne le détient pas à cause des événements
de 44-45. La presse française avait choisi le camp de Vichy. À
l'épuration, les communistes ont pris le contrôle de la presse
à travers des journaux et le contrôle de l'imprimerie. Tout
le développement du futur, jusqu'à maintenant, est inscrit
dans ce point de départ, la sécurité sociale, la mainmise
du PC et de la CGT [syndicat communiste] sur le ministère des Transports,
etc. Même dans le sport. Il suffit de regarder quels sont les ministères
qu'ont les communistes pour voir qu'ils ont redemandé leurs bastions.
Alors en 83 c'était pareil, et en 97 aussi. En 44, ils avaient demandé
le ministère de l'Intérieur, le ministère des Armées,
etc. De Gaulle a dit non pour le ministère de l'Intérieur
et le ministère des Armées, mais il a donné le Transport,
il a donné le ministère de la Sécurité sociale
et je ne sais plus quoi d'autres, deux ou trois autres, et ils ont fait
passer toutes leurs réformes qui ont figé la France, pratiquement,
qui figent la France jusqu'à maintenant.
D'autres
facteurs jouent: la manipulation de l'électorat à travers
les permis de construire, la politique de HLM et le découpage des
circonscriptions, et aussi à travers le contrôle de la télévision.
Sans parler des effets de stigmatisation de l'alliance entre communistes
et socialistes dénoncée par les gaullistes jusqu'en 1981,
l'alliance entre l'extrême-droite et la droite dénoncée
par les socialistes que le contrôle de la télévision
favorise.
MM:
Est-ce que vous diriez que ça a marché tellement bien qu'aujourd'hui
parmi la population, il n'y a même pas de libéraux qui s'ignorent
ou de libéraux cachés?
BL:
Non, il y en a.
MM:
Pourquoi est-ce qu'ils n'émergent pas ces libéraux-là?
BL:
L'expérience montre qu'il y a une fraction de la population française
qui est libérale, j'allais dire spontanément libérale,
mais on ne peut coaliser ces gens-là parce que l'on ne peut pas,
au niveau des médias, atteindre un seuil suffisant de libéraux
pour générer une cascade libérale. Soit la taille
du groupe des libéraux est trop petite, ce qui est vrai, soit parce
que le nombre d'activistes libéraux est trop faible. On est obligé
de tout faire et on ne peut profiter de la spécialisation que l'on
observerait si la taille du « marché » des idées
libérales était plus grande.
La
science économique sous tutelle de l'État
MM:
Qu'est-ce qui manque pour que ça marche?
BL:
Il manque une chose relativement simple: des enseignants libéraux
en France, et des économistes libéraux en particulier. Ils
ont été en fait éliminés de l'enseignement
en 1880...
MM:
Ça fait 120 ans!
BL:
Oui, parce que l'enseignement de l'économie a été
interdit et a été mis chez les juristes. Avant, il y avait
des chaires d'économie. Jules Ferry a collé l'économie
dans les facultés de Droit. Même son ami Walras, il ne lui
a pas offert une possibilité d'enseigner à Paris ce qu'il
réclamait. Les socialistes de l'époque redoutaient comme
aujourd'hui cet enseignement-là. Mais dans les facs de droit, avant
de devenir économiste, il fallait faire son doctorat, enfin presque,
c'est au niveau du doctorat qu'on se spécialisait en économie.
Donc, c'était des juristes. Et vous avez simultanément la
montée du droit positif. Cela va durer pratiquement jusqu'en 1964-65.
À cette date, on va se séparer des juristes. Il va se créer
un enseignement de l'économie dans l'université. Le seul
enseignement qui restait de l'économie était à travers
les écoles d'ingénieurs. Il y a eu quelques grands libéraux,
comme Rueff, Allais... on ne sait pas trop s'il est libéral, il
est plus gâteux qu'autre chose. Il y en a eu quelques-uns à
travers Polytechnique, mais pas beaucoup. Alors, en 1964, la science économique
devient autonome et qu'est-ce que vous avez? Eh bien, vous avez tout le
travail des gens de gauche, de l'intelligentsia de gauche dans l'enseignement
– l'école normale étant dans les mains du PC – une grande
partie des élites sont à gauche, deviennent marxistes, et
68, eh bien, c'est la génération des marxistes qui envahit
l'enseignement. Donc, avec le phénomène de la généraiton
de 68 qui a contrôlé l'enseignement unversitaire et secondaire,
je constate que c'est tout à fait normal de ne pas trouver de libéraux.
MM:
Donc, en ce moment, les gauchistes dominent tout, dans l'éducation,
dans les médias...
BL:
Oui, dans l'éducation, oui, dans les médias, etc.
Les
fondations sous tutelle de l'État
MM:
Un journal comme Le Figaro, est-ce qu'il n'y a pas de la place là-dedans?
BL:
Un petit peu de place, mais sur les pages d'économie, une fois par
semaine, et encore... Jean-Jacques Rosa, on ne peut pas dire que ce soit
un hyper libertarien. Il est pour un plus petit État mais c'est
un souverainiste, alors il est pour la nation contre l'État européen.
Je comprends qu'on ne veuille pas de l'État européen, mais
il n'y a pas de raison qu'on veuille aussi de l'État français,
qui ne me paraît pas meilleur que l'État européen sous
cet angle-là! Donc, il y a une difficulté à franchir
ce cap des médias, et il y a une difficulté profonde de financement
des activités libérales. Les groupes d'activistes qu'on voit
à gauche sont financés d'une manière importante par
l'État au travers des associations, de la capture des mutuelles.
Les gens à droite, ou les libéraux, n'ont jamais été
financés. Les entreprises ne financent pas, il n'y a pas de système
de fondation qui permet justement la création de think tanks à
l'anglaise ou à l'américaine...
MM:
Parce que la loi empêche les fondations?
BL:
Il y a un monopole de la Fondation de France, c'est-à-dire que c'est
l'État qui décide si vous avez le droit d'avoir le statut
de fondation, il faut que ce soit d'« utilité
publique », et vous pensez bien que c'est pas le libéralisme
qui va être reconnu d'utilité publique par les étatistes!
Toute fondation qui est créée en France doit déposer
ses fonds à la Fondation de France, c'est elle qui gère.
MM:
Les fonds qu'elle lève elle-même?
BL:
Si par exemple vous voulez lever des fonds pour soigner des handicapés,
vous levez vos fonds, vous créez votre fondation, vous demandez
à être reconnu d'utilité publique, alors vos fonds
ne sont pas gérés par votre fondation, ils sont gérés
par Fondation de France.
MM:
Mais les fonds, vous les obtenez du public, et les gens ont des reçus
pour fin d'impôt, pour déductions fiscales?
BL:
Ah oui, tout à fait.
MM:
Mais ça veut dire que la Fondation de France décide où
vous pouvez dépenser votre argent?
BL:
Oui, c'est le gouvernement, c'est eux qui gèrent au sens où
ils vont contrôler étroitement l'utilisation des fonds...
MM:
Mais c'est ridicule!
BL:
Bien non, c'est le monopole! C'est le monopole de la charité dans
les mains de l'État! D'ailleurs, l'histoire de la création
de la fondation de France confirme cet argument, le juriste ou conseiller
d'État qui a fait le projet écrit clairement dans son rapport
qu'il faut un tel monopole.
MM:
Quand on contrôle l'argent, on contrôle tout.
BL:
Oui les hommes de l'État veulent contrôler les dons. Cependant
on peut créer des fondations d'entreprises à condition que
la fondation ne recouvre pas les intérêts de l'entreprise
de près ou de loin. Mais les fondations d'entreprises sont antilibérales
parce que les entreprises en France le sont.
MM:
Parce qu'elles sont subventionnées?
BL:
Parce qu'elles ont trop de liens avec l'État, elles sont d'abord
soumises au diktat de l'État, elles ont toujours misé sur
l'État, jamais sur la société civile.
MM:
C'est une grosse différence avec les États-Unis.
BL:
Oui, avec les États-Unis. Alors ça, c'est essentiel, parce
que vous ne voyez pas émerger en France de think tanks qui pourraient
rentrer en compétition avec la recherche publique ou avec l'éducation
publique, vous ne les voyez pas émerger en France.
MM:
Et Euro 92, ce n'est pas une fondation?
BL:
Non, c'est un institut, ça n'a rien à voir. Un moment donné
ça a servi plus pour Madelin, c'était lié à
Idées Actions, ça l'est peut-être moins maintenant,
encore que, bon... Et puis il n'y a pas de moyens, en fait, le problème
est celui-là, l'institut Euro 92, ça fonctionne avec Henri
[Lepage] et un site internet aujourd'hui. Il n'y a même pas de personnel,
pas de secrétaire. Fort heureusement Internet nous permet de faire
des choses qu'on ne pouvait pas faire autrefois.
Le
monolithe universitaire
MM:
Donc, pour renverser la vague gauchiste, il y a différentes stratégies,
on peut regarder ça sous l'angle de la stratégie. Par exemple,
essayer d'établir une sorte de respectabilité académique
avec des fondations, ça c'est impossible.
BL:
Ça, c'est impossible, y compris à l'université. C'est-à-dire
que le système de cooptation est tel qu'on n'a jamais pu se regrouper
entre libéraux par exemple pour détenir ou contrôler
un département d'économie – excepté à Aix-en-Provence,
et encore, ils ne sont pas dominants dans leur propre université,
et pour moi c'est un accident historique. L'implantation d'un petit groupe
de libéraux très actifs à Aix sous l'impulsion de
Jacques Garello dépend d'une conjoncture des votes dans les commissions
de spécialistes qui recrutent les enseignants. De temps en temps
ils ont la majorité dans leur département.
MM:
Et est-ce qu'ils sont aussi ostracisés, les professeurs libéraux?
BL:
Ah mais oui, la plupart d'entre nous, bien entendu, nous avons été
ostracisés, ou nous le sommes encore oui.
MM:
Dans quel sens, qu'est-ce qui se passe?
BL:
L'ostracisme opère à tous les niveaux, soit au travers des
cours, suppression de cours sans que l'on vous préviennent, non-renouvellement
de cours (on a connu cet épisode à Dauphine), empêchement
d'avoir des positions de contrôle dans l'université, censure
sur la publication de livres, etc.
MM:
Vous n'avez pas une espèce de garantie, une permanence?
BL:
On l'a puisqu'on est des employés de l'État et on a un statut
très protégé en tant que professeur, moi j'ai un statut
d'indépendance de la pensée, c'est un des aspects intéressants
du statut lui-même, c'est la liberté de pensée, etc.
Mais ça ne suffit pas.
MM:
Dans les faits si on vous coupe des cours, si on vous enlève des
tribunes, ça ne donne rien.
BL:
Voilà, exactement, c'est ça, c'est ce qui se passe! On va
vous supprimer des cours ou l'accès à des fonds de la recherche
MM:
Et ça, c'est fait systématiquement selon vous? Dans toute
la France, il n'y a pas d'endroit où les libéraux peuvent
vraiment enseigner normalement?
BL:
Ah non, on le sait que trop, puisqu'ils n'ont jamais réussi à
se regrouper. Bon, est-ce qu'il fallait le faire, c'est un point qu'on
discute, mais ils n'ont jamais eu un point fort en dehors d'Aix-en-Provence,
il n'y a pas eu d'autre pôle. À Paris on n'a jamais pu le
faire, c'est le système qui veut ça parce que, c'est ce que
je pense, on n'avait pas le seuil critique de profs libéraux en
France pour réussir. En Science Po, ils ont essayé de se
regrouper, mais ça n'a pas marché. Ils ont un petit noyau,
mais ça n'a pas réussi, même en Science Po, on n'a
pas réussi à avoir un groupe de libéraux. Et Science
Po, c'est quoi, c'est un bastion à domination socialiste.
MM:
Donc, dans le milieu académique, c'est fermé. Et c'est fermé
à long terme, là, il n'y aura pas de changement...
BL:
Oui, tout à fait.
MM:
Et aussi longtemps qu'ils contrôlent ça, finalement, la légitimité
académique du libéralisme n'a pas de chance.
BL:
N'a pas de chance, hélas c'est un fait. Il y a eu des erreurs de
la part des aînés, soit liées à l'action collective
soit en négligeant de passer le flambeau à des générations
plus jeunes. La solution adoptée par exemple par les Aixois est
de développer des institutions privées. La création
d'IHS Europe, une filiale de IHS États-Unis [Institute for Human
Studies], qui s'appelle aujourd'hui IES Europe, et de l'université
d'été (c'est par cette université d'été
que j'ai été mis en contact avec le groupe des libéraux
en France) est un exemple rare de réussite. Jacques Garello est
l'entrepreneur en libéralisme en France au travers de différentes
associations, ALEPS, le site Libres, Génération libérale.
Au niveau des fonds, il a pu convaincre des entreprises d'investir dans
les idées libérales. Parce qu'il y a quand même des
entreprises qui aident, qui donnent, mais ça ne suffit pas pour
créer un réel pôle, et physiquement on n'a jamais créé
un think tank. Il y a eu des essais mais qui ont toujours été
ratés faute de fonds. Je dois cependant mentionner la montée
en puissance de l'IFRAP (Institut Français
pour la Recherche sur les Administrations Publiques) qui fait un travail
remarquable avec de petits moyens. Donc, c'est le point important de l'échec
du libéralisme en France
La
télé des petits copains
MM:
Si on regarde d'autres stratégies, dans les médias c'est
quoi la situation? Le gouvernement ne contrôle tout de même
plus les médias, Mitterrand avait libéralisé la télé
et la radio, non?
BL:
Ah non, non non, ça, ça a empiré! Ce qu'il a libéré,
c'est la radio.
MM:
La radio seulement. C'est-à-dire qu'avant il n'y a avait que des
radios d'État, et là il y a des radios privées.
BL:
Oui, oui, locales ou autres, ça, ça a été libéralisé.
MM:
Et la télé?
BL:
La télé, c'est entièrement contrôlé,
et puis on a fait le partage. FR3, c'est dans les mains des communistes,
la Deux c'est dans d'autres mains, la Une a été privatisée,
ça a été la grande erreur d'ailleurs d'une certaine
manière.
MM:
Pourquoi?
BL:
Parce que TF1 a un monopole de fiat par son réseau hertzien (sa
part de marché en audience dépasse 50 %). Il y a un contrôle
de la télé par le CSA. Ce sont de fausses privatisations,
en fait il s'agit de concession temporaire des ondes, il faut remplir un
cahier des charges, etc. La seule chaîne privée et payante
est Canal +. Cette chaîne privée a été donnée
aux copains de Mitterrand.
MM:
Donc, même privatisée, c'est des socialistes qui contrôlent
ça, on parle de l'information là-dessus, des émissions
d'affaires publiques, ce sont des socialistes ou des communistes qui contrôlent?
BL:
Ah oui, qui contrôlent. Et c'est frappant quand vous regardez Canal
+. Vous regardez tout ce qui est politique, en dehors des films et du sport,
tout ce qui est information, etc., c'est même pas... c'est gauchiste.
Les guignols [émission satirique mettant en vedette des marionnettes],
si vous regardez les guignols, le débat, c'est très clair.
MM:
Et là, toutes les télévisions, mêmes les privées,
il n'y a pas d'espace...
BL:
Alors, la Cinq, c'est une chaîne publique. Arte, un mélange
avec les Allemands qui est pas toujours mauvais, les choses ont évolué
avec le satellite et le câble. Maintenant, je peux avoir accès,
ce que je ne pouvais pas avoir auparavant, accès soit à CNN
ou simplement aux Anglais, soit à Sky News...
MM:
Mais les Français ne passent pas là-dessus! Si vous voulez
passer votre message à la télé, est-ce qu'on vous
interview à la télé?
BL:
Ah non non non, on ne va pas nous interviewer à la télé.
MM:
Jamais? À la télé française?
BL:
Il y a eu, il y a eu... épisodiquement, moi je suis passé
une fois à LCI [canal d'information continue]...
MM:
Garello, des gens connus comme ça, est-ce qu'ils passent...?
BL:
Garello est passé une fois, invité par P. Manière,
moi je suis passé plusieurs fois et à chaque fois, les émissions
ont été fermées.
MM:
Hein!
BL:
Je porte la poisse à la télé! Je suis passé
deux fois à FR3 dans l'émission de Berckoff, la première
pour le livre Défendre les indéfendables
de Walter Block et la seconde sur le droit de porter les armes. L'émission
a été supprimée après.
MM:
On ne vous invite jamais quand il y a des débats, un pour et un
contre sur quelque chose, il n'y a jamais de libéraux qui sont invités?
BL:
Ah non, non non, surtout pas!
MM:
Qui est invité? C'est un communiste versus un gaulliste?
BL:
Oui! Ou Viviane Forrester!
MM:
Mais il n'y a pas de débat alors!
BL:
Ah ah! Non mais, c'est un des problèmes. De temps en temps à
LCI, Henri Lepage est passé une ou deux fois en débat, Pascal
Salin aussi est passé...
MM:
Mais vous comptez ça sur les doigts de la main, là, des libéraux
qui passent à la télé.
BL:
Oui, de toute façon. Et moi je suis passé aussi sur l'immigration,
je me rappelle, avec Philippe Simonot, à LCI, quand il avait son
truc. Et peu de temps après, Philippe Simonot, on a supprimé
son émission. Donc, on voit bien le contrôle, on ne peut pas
s'exprimer. J'ai même été, moi, à des émissions
de radio à France Culture, eh bien, supprimées! Le seul truc
où on peut s'exprimer régulièrement, c'est Radio Courtoisie.
Mais Radio Courtoisie, c'est vraiment la droite, l'extrême-droite,
c'est toutes les droites d'une certaine manière, et c'est local.
C'est-à-dire que ça ne frappe qu'une faible partie de la
France – quoique depuis peu ils sont sur le satellite TPS donc l'audience
est sur l'ensemble de la France et de l'Afrique du Nord.
Le
Monde de l'unanimisme gauchiste
MM:
Les journaux? Les magazines?
BL:
Les journaux, c'est réglé. Pas moyen d'écrire dans
Le Monde non plus. Les seuls qui y arrivent, c'est de temps en temps
Pascal Salin, compte tenu sans doute de son réseau de relations,
de temps en temps, soit dans Le Monde, soit dans Le Figaro.
Il avait une rubrique de conjoncture sur FR3 un moment donné, sous
un autre gouvernement plutôt de droite à l'époque,
mais il a dû laisser tomber ce genre de chose. On a réellement
cette difficulté. Alors qu'est-ce qui reste? Il nous reste l'accès
Internet.
MM:
Le magazine de Guy Sorman, il n'avait pas fondé un magazine, lui?
BL:
Non, ça a disparu, il est fermé.
MM:
Déjà?
BL:
Oui. C'est intéressant parce qu'il y a eu plusieurs magazines, Euro
92 avait voulu fonder un magazine, mais ça a fermé.
MM:
Pourquoi ça a fermé? Parce que ça ne se vendait pas?
Parce qu'il y a eu des pressions politiques?
BL:
Non, parce que ça ne se vend pas. Il y a Valeurs actuelles,
qui est quand même assez libéral, peut-être Le Point
un peu plus. Alors il y a eu un effort, il y a eu une relève quand
même dans le monde journalistique, des gens qui ont une position
plus grande dans le milieu journalistique, mais des journalistes économiques,
pas des journalistes d'une manière générale. Donc,
ça existe, on ne peut pas être négatif à ce
point-là. Il n'empêche que les idées quand même
évoluent, si je regarde vingt ans avant, je pense qu'il y a quand
même un progrès. Il y a même des socialistes qui disent
quand même qu'il faut que ce soit plus libéral.
MM:
Plus libéral dans le sens de moins interventionniste, moins autoritaire,
mais ils le sont tout de même encore.
BL:
Moins de fiscalité, plus de marché, plus de privatisations.
MM:
Mais c'est juste sur une échelle où, par rapport à
d'autres qui le sont beaucoup, eux le sont un peu moins. Ils ne sont pas
des libertariens, d'aucune façon.
BL:
Ah non, non, on le saurait, sans quoi, ils ont le pouvoir, hein!
Une
révolution silencieuse
MM:
Ces gens-là ne sont pas de vrais libéraux, ils sont amenés
par la force des choses à aller dans cette direction. La Communauté
européenne, est-ce que ça va forcer à changer les
choses suffisamment pour que ça dégèle? Parce que
privatiser deux ou trois sociétés, ça change pas grand-chose.
BL:
Bon, ça change pas grand-chose, mais ils sont obligés de
privatiser les assurances, ils sont obligés de privatiser Air France,
ils sont obligés de privatiser la SNCF [société des
chemins de fer], ils sont obligés de privatiser le système
d'entreprises publiques, et en fait, sans doute aussi la sécurité
sociale, à travers le problème des mutuelles et des assurances.
Tout le système élaboré en 44, 45, 47, qui va façonner
l'État français saute avec la CE. C'est une révolution
silencieuse parce qu'en France, on nous le cache, sauf qu'on voit les conflits.
L'impact de la CE est sans doute puissant...
MM:
Mais est-ce que c'est la seule voie de changement que vous voyez? Si on
continue dans les stratégies, est-ce qu'il y en a d'autres? Il y
a l'Internet, parce que c'est la seule façon de briser le monopole
des médias de l'establishment, pour le moment.
BL:
Oui, mais à condition que vous montiez, que les gens montent sur
Internet. Vous savez, en France, les gens montent sur Internet pour aller
voir du sexe.
MM:
Et ça se développe moins vite qu'ici.
BL:
Ça se développe moins vite. Même mes propres étudiants,
ça vient petit à petit, mais c'est pas évident.
Il
y a aussi le problème démographique de la retraite dans sept
ans. La France ne peut pas faire de transition vers la capitalisation des
pensions à cause du corporatisme et du financement des syndicats
et des partis politiques. Nos retraités sont les plus riches d'Europe
pratiquement et dans sept ans, le ratio des retraités versus les
cotisants va devenir insoutenable. On ne pourra pas payer. Ils vont être
obligés de sanctionner ou ma génération, ou la génération
suivante. C'est eux qui vont encaisser le choc. Alors, mes étudiants,
comment ils vont payer?
MM:
Et qu'est-ce qui va se passer? Les gens vont réagir contre l'État?
BL:
Ah mais, c'est l'implosion! C'est le choc objectif que je vois, de l'incapacité
de l'État français local – puisque pour le reste, c'est la
CE – à faire face à ses promesses.
MM:
Et vous pensez que ce sera une opportunité pour les libéraux
de montrer que l'État est en faillite?
BL:
Oui. C'est l'implosion de l'URSS, ça s'effondre. Le système
soviétique en France, à travers la Sécu, à
travers l'éducation nationale, va s'effondrer tout seul. Alors,
c'est une hypothèse, ça peut d'ailleurs être plus rapide,
on ne sait pas qu'est-ce qui peut mettre l'étincelle. Publiquement,
les opinions ont dû être déjà divorcées
des croyances privées, des actes privés aussi, et ça,
ça va aller en s'écartant, et puis il y a un moment donné
où ça ne peut plus tenir.
MM:
Mais les gens vont peut-être réagir en se disant qu'il faut
plus de contrôle. Pourquoi est-ce qu'ils réagiraient dans
un sens plus libéral?
BL:
Parce qu'il y a une contrainte fiscale. Vous ne pouvez plus prendre votre
retraite au même âge que les anciennes générations.
Il faut rajouter cinq ans. Si vous la prenez plus tôt, vos revenus
seront divisés par deux. Le gouvernement va augmenter toute la fiscalité,
y compris celle sur les pensions de retraite, s'il peut le faire sans affronter
les groupes de pression (il y a 9 millions de retraités aujourd'hui,
demain ils seront 15 millions). Qu'est-ce que ça veut dire? Ma génération
n'aura pas de retraite! Qu'est-ce que je fais? Je vais à l'étranger?
Je dis à mes enfants de partir? C'est le risque majeur qui se rapproche
rapidement. L'effet de boule de neige peut être plus rapide et arriver
avant le phénomène démographique qui nous laisse encore
une dizaine d'années. On ne sait pas.
Il
y aussi le choc de l'euro. Le choc de l'euro, ça veut dire que la
politique fiscale, comment vous la contrôler?, ce n'est plus dans
nos mains. Le budget, comment vous allez faire vos déficits budgétaires?
La banque centrale européenne vous dira que vous n'avez pas le droit
de faire plus de ceci ou plus de cela.
Les
contraintes de la concurrence
MM:
Ici, le débat là-dessus, sur comment forcer les gouvernements
à privatiser, à couper, à réduire leur déficit
et à l'éliminer, à réduire l'interventionnisme,
ce n'est pas quelque chose d'imposé d'en haut, mais c'est l'idée
de la concurrence. Est-ce que c'est aussi fort en Europe qu'ici? En Amérique
du Nord, la concurrence est très forte entre les cinquante États
et les dix provinces. Si une province baisse les impôts comme en
Alberta et en Ontario, ici, on le sent tout de suite, les entreprises investissent
ailleurs, les gens déménagent, etc.
BL:
C'est le bon côté du fédéralisme, mais en Europe,
la concurrence des États n'est pas aussi forte que ça. D'abord,
parce que les gouvernements en place ne la veulent pas, ils veulent une
Europe harmonisée vers le haut.
MM:
Mais la concurrence internationale, est-ce qu'elle se fait sentir? Est-ce
qu'elle fait partie du débat?
BL:
Ça, la concurrence internationale, elle se fait sentir, oui. C'est
Viviane Forrester et consort, elle ne veut pas de la dictature des marchés
mondiaux. Les fonds de pension américains, quand ils viennent en
France – parce que nous, on n'a pas le droit d'avoir des fonds de pension
– c'est eux qui prennent nos entreprises et puis ils s'en vont.
MM:
Est-ce que les gouvernements se servent de cet argument-là pour
dire: il faut baisser les taxes? Parce qu'ici ils le font.
BL:
Non. Ici, ils le font parce qu'il y a une concurrence directe. Mais justement,
en France, c'est la gauche libérale qui dit ça, qu'il faut
prendre le train en marche et ne pas se laisser faire battre par ça.
Mais nous, ce qu'on voit, c'est surtout la montée des impôts,
la machine continue. J'hyper-réglemente, la fiscalité monte,
le machin monte, tout monte.
MM:
Mais les impôts n'ont pas baissé récemment, avec Jospin?
BL:
Mais non, non. C'est l'année d'ailleurs où on a été
le plus taxé. C'est pas parce que les mecs ils annoncent que, o.k.,
on va faire une réforme, qu'en réalité elle se passe!
Et que ce soit droite ou gauche, parce que Juppé, il y a mis du
sien dans cette histoire-là.
L'espoir
des nouvelles générations
MM:
Si on revient à nos stratégies pour libéraliser la
France, donc, est-ce qu'il y en a d'autres? Peut-être que ces mouvements-là,
la mondialisation, l'euro, la CE, les pensions, ça pourrait aider
en forçant les gouvernements à être plus réalistes.
Mais qu'est-ce que vous voyez d'autre d'un point de vue plus optimiste?
BL:
Bon, il y a eu un progrès, malgré tout, dans la transmission
des générations. Moi, quand je regarde les jeunes libertariens
en France, on a transmis à des plus jeunes, et ils sont plus activistes
dans le sens des libertariens américains. Nous, on est trop académiques.
Alors, ce qui nous manque, c'est ça. On n'a pas encore les activistes
élémentaires mais ça va peut-être venir.
MM:
Vous les voyez émerger.
BL:
Par rapport à il y a dix ans, oui. Les seuls libertariens il y a
dix ans, c'était nous, les professeurs, les gens qui ont autre chose
à faire, les intellectuels. Tandis que là, c'est des intellectuels,
mais qui sont un petit peu comme les socialistes et qui ont bien compris
qu'il faut faire de l'activisme politique – enfin, pas nécessairement
politique, parce qu'on ne veut pas forcément créer de parti
– mais Internet permet justement de repérer ces gens-là.
Au niveau européen, ce n'est pas plus fort mais ça existe.
Donc, je ne suis pas, moi, pessimiste, si on regarde, il y a quand même
une évolution des idées. Nous, on n'écrit plus, mais
par exemple les journalistes écrivent des bouquins. Les jeunes,
il y a quand même plus de libertariens qu'il y en avait, même
si nous, on a même plus de contact avec eux nécessairement.
Donc, il y a une forme d'autonomie du mouvement. La génération
académique, on n'a pas réussi réellement à
la faire, mais bon, il y a quand même un travail, il y a des étudiants
qui sont libéraux, on influence quand même quelques étudiants
de temps en temps.
MM:
Donc, c'est une question de générations, vous êtes
optimistes pour les cinquante prochaines années, mais à court
terme...
BL:
Ah mais, cinquante ans, c'est beaucoup parce qu'à cette date-là
je serai dans un trou depuis longtemps, sauf progrès biotechnologique
inespéré! J'espère donc que cela sera plus proche.
Mais à court terme on peut être découragé.
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Bertrand
Lemennicier:avec Martin
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Source:QL