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Coup de blues, ou coup de colère d'un "rurbain" !!
Institut libre de journalisme, ESJ Paris !
ESJ Paris, l’école qui croit encore au journalisme
Alors que l’audiovisuel public tangue sous les scandales, l’ESJ Paris renaît de ses cendres. Soutenue par Bolloré, Arnault et consorts, dirigée par Emmanuel Ostian et Bernard de La Villardière, la doyenne des écoles de journalisme entend redonner au métier ses lettres de noblesse.
Il y a des noms qui ont la couleur de l’évidence. « École supérieure de journalisme de Paris » : trois mots qui sonnent comme un parchemin. Fondée en 1899, l’ESJ Paris aime à rappeler qu’elle est la doyenne mondiale des écoles de journalisme. Longtemps assoupie, parfois critiquée pour son manque de reconnaissance par la profession, elle vient pourtant de connaître une véritable renaissance. Dans le brouhaha d’un audiovisuel public en crise, c’est un signe qui ne trompe pas : l’avenir du journalisme se joue peut-être désormais hors des enceintes d’État.
Le réveil de l’ESJ Paris doit beaucoup à un casting digne du CAC 40. En novembre 2024, l’école a été rachetée pour 2,6 millions d’euros par un consortium d’investisseurs : Vincent Bolloré, Bernard Arnault, Rodolphe Saadé, la famille Dassault et même Devoteam.
Lire aussi : Emmanuel Ostian : « L’ESJ Paris vient déranger une longue tradition d’uniformité »
Mais il faut aussi voir ce que dit ce rachat : dans un pays où l’audiovisuel public est promis à une fusion géante (France Télévisions, Radio France, INA), des capitaines d’industrie décident d’investir, non dans un nouveau média, mais dans la formation. Comme si, dans un monde saturé d’opinions et de commentaires, il fallait réapprendre le métier à la source.
Pour incarner ce virage, une nouvelle équipe a pris les rênes. Le président s’appelle Vianney d’Alançon : entrepreneur catholique, familier des milieux culturels et éducatifs, il se rêve bâtisseur. À la direction générale, on trouve désormais Emmanuel Ostian, ancien journaliste de télévision, épaulé par un visage bien connu du grand public, Bernard de La Villardière, promu directeur général adjoint. L’homme de Zone Interdite promet de transmettre à ses étudiants un sens du reportage qui ne s’enseigne pas dans les amphithéâtres, mais dans la poussière des routes.
Vianney d’Alançon insiste sur la nécessité de « sortir d’un cadre idéologique », de redonner au métier son humilité artisanale. Le projet n’est pas de former des communicants, mais des reporters. Tout ce petit monde s’est installé dans de vastes locaux du 15? arrondissement, rue de l’Abbé-Groult, transformés en rédactions-écoles.
À l’occasion de la rentrée et de l’achèvement des travaux dans ses nouveaux locaux, la direction de l’ESJ Paris a convié amis, étudiants, professeurs et journalistes à lever une coupe de champagne. Le 22 septembre au soir, le petit monde de la presse s’est retrouvé au complet : du Journal du dimanche au Point, du Figaro à Valeurs actuelles, de BFMTV à CNews. Une mosaïque de rédactions dont la présence augure, pour les futurs diplômés, d’un réseau aussi vaste que prometteur.
Lire aussi : Révélation : « Patrick Cohen et moi, on fait ce qu’il faut pour Dati » : Quand le service public fait campagne
Les étudiants y apprendront à vérifier leurs sources, à écrire avec clarté, à comprendre la géopolitique autant que les usages numériques. On leur promet aussi un apprentissage de l’économie des médias, indispensable à l’heure où tant de journaux disparaissent faute de modèle viable.
Il serait facile d’accuser l’ESJ Paris d’être déjà compromise par ses financeurs. Ce serait oublier qu’une école vaut d’abord par ses enseignants, ses méthodes, sa capacité à donner envie. Et si, au lieu d’un cheval de Troie des milliardaires, l’ESJ Paris devenait une pépinière de journalistes libres, capables justement de penser contre leur temps ?
C’est un pari. Mais dans un pays où le journalisme n’a jamais été aussi critiqué, où le public ne croit plus les rédactions, où l’État lui-même taille dans le vif, voir des hommes investir dans une école n’est pas une mauvaise nouvelle. L’ESJ Paris renaît. À ses étudiants, désormais, d’en faire autre chose qu’un label : un lieu où se cultive l’art difficile d’écrire ce qui est, plutôt que ce qui plaît.
https://lincorrect.org/esj-paris-lecole-qui-croit-encore-au-journalisme-lincorrect/
Stupeur à gauche : Bolloré et Arnault ouvrent leur école de journalisme, l’ESJ
C’était une tradition, dans les rédactions : avant chaque présidentielle, les journalistes votaient à bulletin secret pour leur candidat préféré. Au fil des scrutins, les rares journalistes de droite pouvaient ainsi constater leur isolement. Dans les rédactions de titres économiques ou généralistes (on ne parle même pas de Libération), l’écrasante majorité des voix allait systématiquement vers les candidats de gauche ou d’extrême gauche. Le Figaro échappait (de justesse) à cette fatalité, Valeurs actuelles faisait figure de mouton noir atypique. Rien de surprenant : les écoles de journalisme favorisent une homogénéité politiquement correcte qui finit par nuire à la diversité de l’offre éditoriale. Et, au final, à la lecture ou au suivi de l'actualité. Ce constat évident pour une grande partie des Français (cf. la totalité des éditions annuelles du sondage Télérama-La Croix sur la crédibilité des médias) explique au moins en partie le succès de CNews, Europe 1, Frontières ou Boulevard Voltaire. Ce constat, accompagné de l’émergence de médias de droite qui ne s’excusent pas et de l’aspiration à un autre journalisme, rendait à lui seul indispensable l’émergence d’une école différente. C’est fait !
Ce 22 septembre, l’ESJ, la plus ancienne des écoles de journalisme créée en 1899 et reconnue par la profession, a ouvert ses portes pour l’inauguration d’une nouvelle ère, un an après l'annonce de son rachat. Dans les locaux flambant neufs de l’école, 1.500 m2 dans le XVe arrondissement de Paris, 220 élèves apprendront cette année le métier dans des conditions de professionnalisme optimum. Le double de l'année dernière.
« Bien plus qu'une école »
Au cœur du dispositif, quelques professionnels reconnus parmi lesquels le directeur général Emmanuel Ostian, journaliste, grand reporter, rédacteur en chef et présentateur télé, ancien de TF1, LCI, Canal+, BFM TV et Arte, dirigeant pendant onze ans d'une société de production ; le directeur général adjoint Bernard de La Villardière, journaliste, grand reporter, présentateur emblématique de l’émission Enquête exclusive sur M6, dirigeant de la société de production Ligne de front ; le directeur du développement Alexandre Pesey, ancien journaliste pour CNN, BFM TV et France 3, fondateur d'un incubateur et dirigeant d’associations, le tout sous la présidence de Vianney d’Alançon, le charismatique patron du Rocher Mistral, en Provence.
L’école pourra compter sur un considérable réseau d’anciens, une équipe de formateurs chevronnés et un comité pédagogique prestigieux où se côtoient Guillaume Roquette (Figaro Magazine), Sonia Mabrouk (CNews), l’universitaire Olivier Babeau, le philosophe Rémi Brague ou les éditorialistes Franz-Olivier Giesbert, Hubert Coudurier ou François d’Orcival.
Le tout, dans un esprit original pour une école de journalisme. « Aujourd’hui, nous inaugurons bien plus qu’une école, a lancé Alexandre Pesey, l’une des chevilles ouvrières du projet, nous inaugurons un engagement. Un engagement en faveur d’une profession trop souvent fragilisée par le doute, parfois même discréditée par le militantisme idéologique trop présent dans certaines rédactions et de nombreuses écoles. » « Vérité », « honnêteté intellectuelle », « courage », « indépendance », « enracinement » : on entend soudain, dans cet univers très formaté des écoles de journalisme, des mots nouveaux. De quoi dresser les cheveux sur les têtes de Patrick Cohen, de Jean-Michel Aphatie ou du célèbre Thomas Legrand.
« Formatage conservateur » ?
D’autant que tous les diables semblent s’être donné rendez-vous dans le tour de table de l’ESJ. Aux côtés de Vincent Bolloré, la poutre maîtresse de cette initiative, se sont agrégés un certain Bernard Arnault, l’homme que l’extrême gauche Zucman rêve de taxer plus encore qu’il ne l’est, par ailleurs propriétaire du Parisien et des Échos, Stéphane Courbit, le patron du géant de la production audiovisuelle Banijay, la famille Dassault, le patron de CMA-CGM Rodolphe Saadé (RMC, BFM TV), le président de Barnes International Thibault de Saint-Vincent ou le président fondateur de Devoteam Stanislas de Bentzmann.
Évidemment, la presse de gauche se préoccupe d’accompagner d’une campagne de contre-publicité offensive cette initiative lourde de promesses. Il suffit de lire les titres consacrés à la relance de l’ESJ pour mesurer à quel point l’école était utile.
Voilà un an, déjà, le projet cristallisait France Culture, qui interrogeait avec angoisse : « Les écoles de journalisme : nouvelle cible des magnats de la presse ? » La présentatrice expliquait qu’on craignait l’apparition non pas de journalistes professionnels mais de « soldats d’une nouvelle étape de la guerre culturelle ». Comme si la guerre culturelle n’avait pas lieu… Le journal d’extrême gauche StreetPress décrit, en toute objectivité, bien sûr : « À l’école de journalisme de Bolloré et Arnault, licenciements, soupçons de racisme et "mises à pied" d’élèves. » Glagla… Mediapart a lui aussi flairé le danger extrême : « Après les médias, les milliardaires mettent la main sur une école de journalisme », écrit le site créé par Edwy Plenel. Quant aux journalistes affiliés à la CFDT, ils assurent, sur X (ex-Twitter), que « la reprise de cette école de journalisme par un consortium de propriétaires de médias nous inquiète. Nous alertons sur le risque de formatage conservateur et favorable aux intérêts des puissants. » Car c’est bien connu, les puissants sont ceux qui luttent contre le rouleau compresseur du politiquement correct relayé par le pouvoir macronien, l’État profond diversitaire, l’Éducation nationale, un carcan judiciaire de plus en plus serré sur la liberté d’expression et une gauche omniprésente dans le secteur de la culture et de l’information... La France a peur.
«Sortir d'un cadre idéologique» : les promesses du nouveau directeur de l'ESJ Paris, Vianney d'Alançon
L'école de journalisme ESJ Paris fait peau neuve. Son nouveau directeur, Vianney d'Alançon, détaille au micro de "Christine Kelly et vous" ses ambitions et la façon dont il compte faire de son école, une "école différente". Réécoutez l'extrait. Vous pouvez réagir au 01.80.20.39.21.
Il est à la tête de la plus vieille école de journalisme de France, et elle fait peau neuve. Vianney d’Alançon, le président de l’ESJ Paris, a fait sa première rentrée il y a une semaine et il compte bien dépoussiérer la façon dont on enseigne le journalisme dans son école.
"On a décidé d'élargir complètement la formation"
"On a décidé d'élargir complètement la formation, que ce soit sur la culture générale, la politique, ou encore l'entrepreunariat pour essayer de créer des nouveaux modèles de médias et que les jeunes puissent se l'approprier et se lancer."
Mais c'est loin d'être le seul changement au programme, indique au micro de Christine Kelly et vous le président de l'école qui a changé de main fin 2024. Face à une "crise dans la confiance des médias très forte", Vianney d'Alançon a placé "la vérité des faits" au centre de la formation dispensée par son école. "C'est ça qu'on va essayer de mettre en avant et ça va être un peu le combat du quotidien pour qu'ils soient formés à cela et qu'on puisse sortir d'un cadre idéologique."Réaction du "camp du bien":
A l’ESJ Paris, l’influence grandissante du très droitier Institut libre de journalisme
Il est un peu plus de 10 heures ce samedi matin lorsque Emmanuel Ostian ouvre les portes de l’ESJ Paris, la plus ancienne école de journalisme au monde. L’ancien présentateur de LCI, directeur de l’établissement depuis fin 2024, accueille plusieurs étudiants à l’occasion d’une journée portes ouvertes. Il s’agit d’une des premières dans les locaux flambant neufs de l’école de presque 1 400 m², dans le XVe arrondissement de la capitale.
Il faut dire que l’ESJ Paris a été rachetée le 15 novembre par plusieurs milliardaires parmi lesquels Vincent Bolloré, Bernard Arnault ou Rodolphe Saadé, réunis autour d’un projet de l’entrepreneur Vianney d’Alançon pour former des journalistes «non wokes» et «pro-entreprises», comm
La suite chez eux est payante lol: https://www.liberation.fr/economie/medias/a-lesj-paris-linfluence-grandissante-du-tres-droitier-institut-libre-de-journalisme-20250627_ZDJ5NBD4KZFHXIHWDUOBV4AL5A/
septembre 16, 2025
Le NAZISME et le FASCISME viennent TOUJOURS de l'Extrême Gauche ; l'idéologie le SOCIALISME !
"Je suis SOCIALISTE parce qu'il me paraît incompréhensible de soigner et d'entretenir une machine (outil) avec attention, tout en laissant mourir le plus noble représentant du travail (l'ouvrier) : l'humain lui-même."
mai 16, 2016
France syndicratie, idéocratie, une socialopathie chez les socialopithèques !!
Sommaire:
A) Quel est le véritable poids des syndicats en France ? - Marine Ditta - S-O
E) Petite Histoire de la CGT - Didier de Fréminville - Contribuables Associés
F) Syndicalisme de Wikiberal
et ici sur ce thème, les liens de l'Université Liberté - Lumières et Liberté:
Le syndicalisme version "Perruchot" : le rapport que toute la classe politique veut enterrer !!
La corruption par Rothbard - Lemennicier - Lafay
Quotidiennement sur le devant de la scène politique et sociale en France, les syndicats ne représentent pourtant que 8% des salariés
Que pèsent les syndicats en France ?
Des syndicats très nombreux
- Représentatif ou pas ?
- Interprofessionnel ou professionnel ?
- 5 pour les salariés : la CGT, la CFDT, FO, la CFE-CGC et la CFTC
- 3 pour le patronat : le MEDEF, la CGPME et l'UPA
Un système qui n'incite pas à se syndiquer
- Les mêmes droits que l'on soit syndiqué ou non
- Le financement des syndicats ne dépend pas des adhérents
"Les organisations syndicales ont peu d'incitation à tenir compte de l'intérêt du plus grand nombre des travailleurs (...) Dans notre pays, les syndicats cherchent d'abord à préserver un système largement dévoyé – le paritarisme – qui est essentiel à leur survie en tant qu'organisation, à la fois par le monopole qui leur est conféré (...) et par les sources de financement qui y sont associées."
- Flexibilité du travail
- Manque de représentativité
- Une vision trop "brutale"du dialogue social ?
- Devant syndicats et patronat, Valls cherche à calmer le jeu
- Droit du travail : la charge des syndicats
B) L'argent caché des syndicats (rappel de 2011)
«Je suis parvenu à la conclusion qu'il existe bien un système, une stratégie globale et une alliance objective entre acteurs concernés, analyse Jean-Luc Touly, syndicaliste lui-même, en cours de rédaction de son deuxième ouvrage sur les financements occultes. Si la CGT n'a pas mené la fronde lors de la réforme des régimes sociaux, comme elle aurait pu facilement le faire, c'est que le gouvernement avait une monnaie d'échange: la loi sur la transparence des comptes syndicaux dont l'incidence est limitée. »
Fabrice Amedeo , Laurence De Charette
Par Baptiste Créteur.
D) Y a-t-il un droit à la syndicalisation ?
E) Petite Histoire de la CGT
Thierry Lepaon, La vie continue, Éditions du Cherche Midi, 191 pages, 15€.
- «Enquête sur la CGT», Les Dossiers du contribuable #10 décembre 2012/janvier 2013 – 4,50 € (port compris). Vous pouvez commander en ligne ce numéro.
F) Syndicalisme de Wikiberal
Naissance du syndicalisme
Collectivisation de la sphère sociale
Institutionnalisation du cartel syndical
Fonctionnarisation du syndicalisme
Dictature duale : État / syndicats
La position libérale, en résumé
Citations
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« La pensée libertarienne est pleinement en accord avec un syndicalisme volontaire, mais catégoriquement opposée à un syndicalisme coercitif. »
— Walter Block
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« Paradoxalement, la baisse des adhésions syndicales peut également s'interpréter comme une rançon du succès des syndicats sur le "marché politique". Dans la mesure où aujourd'hui la législation contraignante de l'État se substitue de plus en plus à la protection du syndicat, il est inévitable que moins de gens se sentent motivés pour mettre leur écot et leur temps à la disposition des centrales ouvrières. Pourquoi payer des cotisations, ou sacrifier du temps à l'activité syndicale si la plupart des objectifs qui guidaient l'action des syndicats sont désormais inscrits dans la loi ? »
— Bertrand Lemennicier
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« La racine de l'idée syndicaliste se trouve dans la croyance que les entrepreneurs et capitalistes sont d'irresponsables autocrates qui sont libres de conduire arbitrairement leurs affaires. Une telle dictature ne doit pas être tolérée. […] L'erreur fondamentale de ce raisonnement est évidente. Les entrepreneurs et capitalistes ne sont pas des autocrates irresponsables. Ils sont inconditionnellement soumis à la souveraineté des consommateurs. Le marché est une démocratie de consommateurs. Les syndicalistes veulent transformer cela en démocratie des producteurs. Cette idée est fallacieuse, parce que la seule fin et raison d'être de la production est la consommation. »
— Ludwig von Mises, L'Action humaine[3]
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« La CGT, la CFDT, FO, la CFTC et la CGC ne sont nullement gênées par leur ridicule poids réel dans la population salariée. Elles parlent haut et fort et agissent en maîtresses des lieux. Les gouvernements se plient humblement à tous leurs désirs. Et elles empoisonnent la vie de tout le monde avec une bonne conscience affichée qui fait frémir. »
— Claude Reichman
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« Des dizaines d’années avant l’apparition des premiers partis communistes et même des premiers théoriciens socialistes, ce sont les libéraux du XIXe siècle qui ont posée, avant tout le monde, ce que l’on appelait alors la « question sociale » et qui y ont répondu en élaborant plusieurs des lois fondatrices du droit social moderne. C’est le libéral François Guizot, ministre du roi Louis-Philippe qui, en 1841, fit voter la première loi destinée à limiter le travail des enfants dans les usines. C’est Frédéric Bastiat, cet économiste de génie que l’on qualifierait aujourd’hui d’ultralibéral forcené ou effréné, c’est lui qui, en 1849, député à l’Assemblée législative intervint, le premier dans notre histoire, pour énoncer et demander que l’on reconnaisse le principe du droit de grève. C’est le libéral Émile Ollivier qui, en 1864, convainquit l’empereur Napoléon III d’abolir le délit de coalition, ouvrant ainsi la voie au syndicalisme futur. C’est le libéral Pierre Waldeck-Rousseau qui, en 1884 fit voter la loi attribuant aux syndicats la personnalité civile. »
— Jean-François Revel, La Grande parade
Rapport Perruchot : Financement Syndicats Salariés-Employeurs
G) Les syndicats sont-ils utiles ou nuisibles ?
Le renouveau d'intérêt des économistes pour les syndicats il y a quelques années a été largement due à la controverse suscitée par le livre de deux chercheurs de Harvard, Richard B. Freeman et James L. Medoff . Traditionnellement, les économistes du travail sont plutôt des " institutionnalistes " qui délaissent les longues recherches chiffrées et ne s'intéressent guère aux subtilités de la théorie moderne de l'optimum. L'originalité de Freeman et de Medoff a été de rompre avec ce comportement et de traiter l'économie des syndicats avec toutes les ressources statistiques et économétriques dans la tradition des recherches du National Bureau of Economic Research. Le résultat est un travail extrêmement sophistiqué où les deux auteurs attaquent de façon persuasive la thèse de notre premier chapitre - à savoir que le syndicat doit d'abord et avant tout être perçu comme un groupe de pression à vocation redistributive. Leur argument est que se concentrer sur l'aspect monopolistique des syndicats empêche de voir le rôle positif qu'ils exercent dans la société en tant que véhicules de protestation; et que, globalement, leur contribution à l'économie est plutôt largement positive.
La somme de recherches et de calculs empiriques introduite dans leur thèse a assuré son succès. Nous vivons une époque où le caractère " scientifique " d'un travail dépend avant tout de la quantité de chiffres, de tableaux et de régressions qui y figurent. Par leurs publications, Freeman et Medoff ont apporté une légitimité " scientifique " aux arguments de ceux qui prétendent que la contribution des syndicats au bien-être des sociétés industrielles modernes est nécessairement positive.
Nous pensons l'inverse. Mais, pour défendre la validité de notre thèse, Freeman et Medoff nous imposent maintenant de démontrer qu'on ne peut pas tirer de la quantité d'informations empiriques qu'ils ont rassemblée les conclusions qu'ils prétendent. Tel est l'objet de ce second chapitre. La plupart des faits mis à jour par Freeman et Medoff sont certes incontestables. Tout économiste a désormais une dette envers eux pour la patience que leur a demandée leur travail de recherche statistique. Mais il ne suffit pas de multiplier les données empiriques, encore faut-il savoir les interpréter correctement. C'est là où nous ne sommes plus d'accord. Nous croyons qu'en partant des mêmes constatations empiriques, il est possible de prétendre qu'elles valident en réalité davantage la thèse traditionnelle du syndicat-cartel que leurs propres conclusions. Dans un premier temps nous présenterons un résumé de la thèse de Freeman et Medoff. Nous discuterons ensuite la validité des preuves empiriques qu'ils prétendent apporter à l'appui de leur argumentation.
LES ARGUMENTS DE FREEMAN ET MEDOFF
Traditionnellement, quatre attitudes s'affrontent. L'analyse économique explique que les syndicats servent surtout à exercer un effet de monopole sur le marché du travail. Leur action a pour conséquence principale de relever le niveau relatif des salaires dont bénéficient les salariés syndiqués, au détriment de leurs collègues non syndiqués. Elle entraîne des effets négatifs sur l'évolution de la productivité et l'emploi. Les chefs d'entreprise se plaignent, eux, du caractère rigide des conventions collectives imposées par l'action syndicale, des entraves à la production qu'introduit le renouvellement des grèves, ainsi que du niveau plus élevé d'absentéisme qui résulterait des progrès de la protection syndicale.
Les spécialistes des relations humaines insistent essentiellement sur les avantages que les entreprises retireraient, sur le plan de la gestion, des progrès de la négociation collective. Celle-ci faciliterait les gains de productivité. Enfin, les cadres syndicalistes insistent pour rappeler que leurs organisations ne sont pas seulement là pour défendre les salaires; elles remplissent également une fonction essentielle de protection des syndiqués contre les décisions arbitraires de la direction. Toutes ces affirmations ne sauraient être vraies simultanément. Lesquelles sont les plus crédibles? Jusqu'à présent, on ne disposait que de très peu de données empiriques permettant de départager les points de vue. C'est cette insuffisance des données statistiques qui a motivé les travaux des deux chercheurs américains.
Les deux armes du travailleur : le départ et la protestation
Albert O. Hirschman, dans son célèbre livre Exit, Voice and loyalty, distingue deux mécanismes par lesquels les gens réagissent à un écart entre leurs aspirations et la réalité . Freeman et Medoff reprennent à leur compte cette typologie. Les travailleurs insatisfaits de leurs rémunérations ou de leurs conditions de travail réagissent, et sanctionnent leur patron en quittant leur emploi pour un autre, qui leur semble meilleur, dans une autre firme. Mais il existe également une autre manière de faire part de son mécontentement : protester. Avant que de prendre la porte, on fait part à son patron, de manière plutôt vive, de ce qui ne va pas.
Ces deux modes de sanction ne sont pas équivalents. Lorsqu'on discute avec son patron, mieux vaut être plusieurs que seul. Deux facteurs renforcent le caractère nécessairement collectif des actions de protestation. Leur objet, les conditions de travail, ont à bien des égards un caractère naturel de " biens publics " . Lorsqu'il s'agit de conditions de sécurité, d'éclairage, de cadences, de règles de négociation des salaires, d'arbitrage en matière de licenciement... ce qui est accordé peut difficilement être limité à quelques bénéficiaires et interdit aux autres. Comme pour la défense nationale, l'hygiène et la santé publique, il s'agit de " biens " qui concernent l'ensemble d'une communauté, et qui, pour être produits en quantité optimale, requièrent des procédures de décision collective.
En l'absence d'action collective, les individus ne tiendront pas compte dans leur comportement des conséquences de leurs faits et gestes sur le bien-être des autres. L'action individuelle pour obtenir l'amélioration des conditions de travail ou du niveau des salaires sera peu efficace car les " coûts " en seront concentrés sur la personne alors que tout le monde profitera des résultats acquis. C'est cette asymétrie entre les coûts et les avantages qui rend l'action individuelle inadéquate, et donc improbable, pour traiter ce genre de problèmes.
Par ailleurs, un ouvrier isolé, même s'il a de bons motifs, n'osera pas élever la voix de peur de prendre le risque de se faire renvoyer. Si le monde où évoluent les travailleurs était parfait, soulignent Freeman et Medoff, et s'ils avaient donc la possibilité garantie de retrouver aussitôt du travail au même salaire, la loi du marché suffirait à assurer la protection de la liberté de parole: malheureusement ce n'est pas le cas Lorsqu'il n'y a pas de syndicats, les entrées et les sorties représentent donc le principal mode d'ajustement par lequel les travailleurs peuvent exprimer leur mécontentement. Les employeurs, de leur côté, règlent leur comportement en fonction des préférences du travailleur marginal, celui qui sera prêt à partir au moindre changement dans les termes de l'échange. Ce travailleur marginal est celui pour lequel les " coûts de mobilité " sont les plus bas.
C'est typiquement un homme jeune, qui n'a pas encore investi véritablement dans l'entreprise pour laquelle il travaille. Dans ce cas, l'entreprise tend à négliger les besoins de la main-d'oeuvre plus ancienne et plus âgée, qui, elle, est moins mobile pour des raisons de compétence technique et de qualifications spécifiques aux métiers de la firme où elle est employée, ou encore de " droits " non transférables ailleurs (comme les pensions de retraite à la mode anglo-saxonne). Les syndicats réduisent les " coûts de transaction " internes de la firme Si l'on est en présence d'entreprises fortement syndicalisées, expliquent les deux auteurs américains, la tendance sera au contraire de tenir compte des préférences de tous les travailleurs, de telle sorte que les besoins de ceux qui sont le moins à même de s'exprimer individuellement (parce que c'est pour eux que les coûts de prendre le risque de quitter l'entreprise sont les plus élevés), seront également pris en considération. De ce fait, concluent-ils, loin de nuire à la productivité, le mécanisme de protestation par l'action collective du personnel est au contraire un facteur d'amélioration des performances, et cela de quatre façons :
1. La présence d'un syndicat permet de réduire les " coûts de transaction " de l'entreprise.
Lorsqu'un employé formé par l'employeur le quitte avant que ce dernier n'ait récupéré la contrepartie de son coût d'investissement, c'est une perte sèche pour la firme. En offrant aux employés la possibilité de protester ouvertement, avec moins de risques personnels, le syndicat diminue la mobilité des travailleurs les plus insatisfaits, et donc les coûts que cela entraîne pour l'entreprise.
2. Parce qu'il contrôle l'établissement et l'évolution des rémunérations et qu'il les déconnecte des performances individuelles, le syndicat réduit l'intensité des phénomènes de rivalité au sein du personnel.
Sa présence améliore la coopération des gens au travail. Ce qui facilite le contrôle des performances individuelles par l'encadrement. L'entreprise supporte des " coûts de contrôle " moins importants.
3. En favorisant la hausse des salaires en structurant les rémunérations autour d'un certain nombre de normes types, l'activité du syndicat facilite le travail de gestion du personnel.
Elle permet à l'encadrement de faire son travail plus efficacement.
4. La présence du syndicat améliore la communication entre les employés et leur encadrement.
En facilitant la circulation de l'information, en facilitant également l'introduction d'innovations locales dans le processus de production, elle entraîne des effets positifs sur la productivité. Entendons-nous bien. Freeman et Medoff ne nient pas la réalité de phénomènes monopolistiques classiques. Ils reconnaissent qu'ils existent, et qu'ils sont source d'effets nuisibles. Mais, prétendent-ils, à force d'insister sur les aspects négatifs de l'action syndicale, les économistes traditionnels ont fini par oublier totalement que les syndicats pouvaient également être à l'origine de certains effets bénéfiques. Ce sont ces effets qu'ils s'efforcent de présenter dans leur livre, avec force chiffres et données empiriques à l'appui.
LES ÉCARTS DE SALAIRES
Comment les rémunérations dans les secteurs à forte implantation syndicale se comparent-elles aux secteurs à faible syndicalisation? Avant Freeman et Medoff, les travaux les plus connus et influents étaient ceux du professeur G. Lewis . Publiés en 1963 (et confirmés par une nouvelle étude rendue publique en 1983), ils suggéraient que les salaires des secteurs syndiqués seraient en moyenne supérieurs de 10 à 20 % à ceux des autres secteurs. A partir de leurs régressions, Freeman et Medoff trouvent un écart sensiblement plus important. Compris entre 20 et 30 %. Le problème de ces estimations est qu'elles portent le plus souvent sur des données de nature transversale où ce sont des salaires gagnés par des gens différents qui sont comparés à un moment unique dans le temps. Ce genre d'analyse présente une faiblesse; les écarts constatés peuvent avoir deux origines : ils peuvent s'expliquer par la différence de syndicalisation, mais ils peuvent aussi avoir pour cause des données propres aux deux populations étudiées - la technique utilisée ne permet pas de faire la part des choses entre les deux hypothèses. Pour obtenir des chiffres incontestables, il faudrait par exemple éliminer l'influence de variables telles que les différences de formation et qualification. Il n'est en effet pas absurde de penser qu'en raison du caractère mieux protégé des emplois offerts, les entreprises des secteurs d'activité à fort taux de syndicalisation ont plutôt tendance à recruter des agents présentant, toutes choses égales d'ailleurs, des qualifications professionnelles plus élevées.
Pour pallier cet inconvénient, des études portant sur des données statistiques longitudinales ont été entreprises. Elles observent comment le salaire d'un employé évolue quand il passe d'une activité à forte implantation syndicale à une activité où l'influence des syndicats est beaucoup plus faible (voir nulle). Leurs résultats donnent un écart moyen compris entre 8 et 15 %. Ce qui confirmerait que l'avantage salarial apporté par la présence de syndicats forts serait loin d'être négligeable. Ces estimations proviennent des États-Unis. D'autres travaux ont été réalisés sur des données canadiennes. Ils donnent des estimations d'écart compris entre 20 et 30 %.
En Grande-Bretagne, le différentiel a été estimé aux alentours de 7 %. En revanche, en France, aucun écart notable n'a pu être observé. Deux études y ont été réalisées. L'une par le tandem Frédéric Jenny et André Weber, deux économistes connus travaillant pour le Conseil de la concurrence. L'autre par François Hennart, de l'université d'Orléans. Les premiers n'ont pas réussi à séparer l'effet sur les salaires lié au taux de syndicalisation, du fait que ce sont les secteurs les plus syndiqués qui sont aussi les plus concentrés. Le second, quant à lui, n'a trouvé aucune différence significative de salaire dès lors que l'on fait intervenir des données comme la structure des âges, le sexe, ou le niveau de qualification de la force de travail . Les études des deux économistes américains font enfin apparaître une moins grande dispersion des rémunérations dans les secteurs fortement syndiqués. L'écart des salaires y serait réduit de 20 à 25 %. 2 .
LES AVANTAGES EN NATURE
Les avantages en nature sous forme de pensions complémentaires, de retraite, d'assurances médicales, de congés payés, d'indemnités de départ, de prêts bonifiés, etc., sont incontestablement le produit de la syndicalisation. Ils représentent souvent plus du tiers du coût du travail dans l'entreprise, allant même parfois au-delà de 50 %. Les travaux statistiques de Freeman et Medoff confirment l'existence d'une corrélation très significative avec le taux de syndicalisation. En moyenne, les secteurs fortement syndicalisés bénéficieraient d'avantages en nature dont le montant serait supérieur de plus de 60 % à ce qui est observé dans l'échantillon de firmes où le taux de syndicalisation est faible. A salaires constants, l'écart serait encore de plus de 30 %.
LES DIFFÉRENCES DE MOBILITÉ
Pour Freeman et Medoff, l'un des avantages économiques du syndicat est qu'en négociant des procédures de réclamation et d'arbitrage, ainsi que des règles d'ancienneté plutôt plus favorables aux plus anciens dans l'entreprise, il favorise une réduction de la mobilité de la main-d'oeuvre. Leurs chiffres confirment une plus grande stabilité de l'emploi dans l'échantillon d'entreprises à forte implantation syndicale. Selon les secteurs, le taux moyen des démissions y est entre 30 et 65 % inférieur à ce que l'on observe ailleurs. Le nombre moyen d'années passées par un salarié dans une entreprise y est de près d'un tiers plus long. Cette moindre mobilité, du fait des comportements spontanés de la main-d'oeuvre se traduirait, pour l'entreprise, par une économie de coûts de l'ordre de 1 à 2 %. Pour obtenir dans les firmes des secteurs les moins protégés un taux de démission identique, il faudrait, selon Freeman et Medoff, y augmenter les salaires d'environ 40 %.
LES AJUSTEMENTS CONJONCTURELS
Dans l'entreprise, une catégorie de décisions importantes concerne la façon dont il convient de réagir aux variations soudaines et imprévisibles de la demande. Faut-il en priorité faire porter l'ajustement sur les salaires, les heures de travail ou le niveau de l'emploi? Les recherches de Freeman et Medoff confirment que la présence d'une influence syndicale forte modifie le comportement des firmes face aux aléas inattendus de la conjoncture. Durant les périodes de récession, les entreprises fortement syndiquées recourent davantage au licenciement temporaire, et ont plutôt tendance à éviter toute incidence sur le nombre d'heures travaillées, ainsi que sur les salaires. Lorsque la reprise apparaît, elles reprennent leurs anciens employés, cependant que les firmes non syndiquées embauchent plutôt de nouveaux salariés. Ce n'est que lorsque la crise se prolonge que les syndicats se montrent davantage disposés à accepter des baisses de rémunération, ainsi que des aménagements aux conditions de travail.
L'IMPORTANCE DE L'ANCIENNETÉ
Freeman et Medoff mettent en évidence l'existence d'une corrélation étroite entre le taux de syndicalisation et la présence de dispositions contractuelles favorisant l'ancienneté dans l'entreprise. Ils montrent que, dans les firmes fortement syndiquées, la sécurité de l'emploi et l'avancement y sont d'autant mieux assurés que les ouvriers concernés sont plus anciens. D'une manière générale, les avantages en nature sont ainsi conçus qu'ils bénéficient davantage aux plus anciens qu'aux autres.
LE TAUX DE SATISFACTION DES SALARIÉS
L'un des résultats paradoxaux de l'enquête de Freeman et Medoff fait apparaître que si les travailleurs des entreprises les plus fortement syndiquées sont en règle générale moins tentés de quitter volontairement leur emploi, en revanche, c'est dans cette catégorie d'entreprises que les gens se plaignent le plus de leur situation. Leurs griefs portent principalement sur les conditions de travail, ainsi que leurs rapports avec les contremaîtres. Pour les deux économistes, cette contradiction n'est qu'apparente. Pour obtenir des avantages, il faut exprimer son mécontentement. Il est donc normal que, même si les gens n'ont pas envie de quitter leur travail, les syndicats y entretiennent un degré d'insatisfaction suffisant pour peser sur les décisions de l'employeur.
LES EFFETS SUR LA PRODUCTIVITÉ
Selon Freeman et Medoff, c'est une erreur de croire que la présence d'un syndicalisme actif dans l'entreprise nuit à la productivité. Leurs observations, affirment-ils, montrent que dans de nombreux secteurs c'est l'inverse. Les établissements syndiqués afficheraient, dans l'ensemble, une productivité plus élevée. L'explication en serait simple. Le monopole syndical incite l'encadrement à embaucher une main-d'oeuvre plus qualifiée pour ajuster la productivité aux salaires versés. La moindre mobilité et l'amélioration des méthodes de gestion assurent une coopération plus efficace au sein de l'entreprise elles réduisent les occasions de conflit et donc les coûts internes. Certes, le syndicat a le moyen d'imposer des conditions restrictives de travail (cf. le fameux exemple du syndicat des pilotes exigeant la présence de cois personnes dans le cockpit de l'appareil, alors que celui-ci a été spécifiquement conçu pour être piloté par deux personnes seulement). Mais, expliquent Freeman et Medoff, les analyses empiriques démontrent que les deux premiers effets l'emportent largement sur le troisième. La productivité serait en gros supérieure de 20 à 30 % dans les établissements les plus syndiqués.
L'EFFET SUR LES PROFITS
Les études de Freeman et Medoff confirment la présence d'une corrélation négative entre le pouvoir syndical et la rentabilité des capitaux investis. D'une manière générale, la syndicalisation diminue les profits de la firme. Cette réduction se situerait, selon eux, dans une fourchette de 10 à 30 %, selon les années et les secteurs d'activités. Leurs données confirment également que cet effet sur les profits est le plus fort là où l'industrie est la plus concentrée; et le plus faible en revanche là où la concurrence est la plus forte. Lorsqu'une entreprise détient un véritable monopole industriel ou commercial, la présence d'un syndicat puissant entraîne une forte réduction des profits. Elle n'a que peu d'effets lorsque la firme appartient à une activité où la concentration est faible.
LA PUISSANCE POLITIQUE
Aux États-Unis, le lobbying est une activité quasiment officielle. Les syndicats ne se privent pas d'utiliser leur pouvoir de pression sur les hommes politiques. Les militants syndicaux interviennent activement dans le soutien à la campagne des candidats les plus favorables aux thèses et revendications syndicales. Toutefois, selon les travaux de Freeman et Medoff, si les syndicats américains ont jusqu'à présent bénéficié d'un pouvoir politique suffisant pour éviter que ne soient remis en cause les grands textes législatifs qui fondent leur pouvoir monopolistique dans les secteurs où leur influence est depuis longtemps déjà assurée (le Noris La Guardia Act, par exemple), en revanche il ne s'est pas révélé suffisant pour leur permettre d'étendre leur influence dans de nouveaux secteurs à tradition syndicale faible.
LE DÉCLIN DES ADHÉSIONS SYNDICALES
Le pourcentage de la population active syndiquée, dans le secteur privé de l'économie américaine, a sérieusement régressé depuis les années 50. Selon Freeman et Medoff, ce phénomène s'expliquerait principalement par la chute du recrutement dans les secteurs les moins syndiqués. Ils incriminent également le comportement des entreprises américaines qui, depuis quelques années, auraient multiplié les mesures légales, mais aussi illégales, pour enrayer les progrès de la syndicalisation. Telles sont les principales thèses que Freeman et Medoff présentent dans leur ouvrage. Nombre de données qui y figurent sont incontestables. Nous pensons cependant que les conclusions qu'ils en tirent, même s'ils n'ont pas tort sur tout, sont trompeuses, souvent fausses, et parfois fondées sur des preuves empiriques qui restent néanmoins douteuses. Nombre de faits rapportés par Freeman et Medoff restent compatibles avec l'interprétation classique du syndicat vu comme un cartel, et peuvent être resitués dans une approche contredisant le modèle d'exit and voice qu'ils proposent.
LES DÉFICIENCES DE L'ANALYSE DE FREEMAN ET MEDOFF
Au coeur de l'analyse des deux économistes américains, il y a la thèse que les services des syndicats constitueraient un ensemble de " biens collectifs " , générateurs d'" externalités " positives. Les syndicats offriraient des services qui, dès lors qu'ils seraient disponibles pour un salarié, le seraient nécessairement pour tous du fait de la difficulté d'empêcher quiconque d'en bénéficier. Dans de telles circonstances, il est difficile d'éviter qu'un grand nombre de gens se comportent en " passagers clandestins > : chacun attend que ce soit l'autre qui prenne l'initiative et en supporte les coûts de production. Une contrainte légale au profit des syndicats serait donc nécessaire pour que ces services soient produits. C'est la justification traditionnellement utilisée par les économistes pour légitimer l'intervention de l'État. Cet argument est contestable. Il n'est pas nécessairement vrai que les services rendus par les syndicats soient " par nature " des biens collectifs. Ainsi que le rappelle John Burton , les services rendus par les syndicats peuvent être regroupés en quatre rubriques
1. La négociation des termes du contrat de travail. Le syndicat négocie en lieu et place de l'employé, son salaire, les avantages en nature, ainsi que les conditions de travail.
2. La surveillance de l'exécution des termes du contrat. Le syndicat veille à ce que les clauses contractuelles soient bien appliquées. Il protège les salariés contre des décisions de la direction qui auraient pour conséquence de remettre en cause certains termes de l'accord collectif.
3. Une action de soutien politique. Les syndicats font pression sur les parlementaires pour obtenir des législations favorables aux intérêts de leurs adhérents. Ils interviennent dans le financement des partis politiques, contribuent à la diffusion de leurs idées, et aident leur propagande électorale.
4. L'apport d'avantages privatifs. L'adhésion au syndicat permet de bénéficier d'un certain nombre de services réservés aux syndiqués : par exemple l'accès à certaines mutuelles, les colonies de vacances gérées par les comités d'entreprise, des centrales d'achat avec des facilités de paiement, etc. Question: Tous ces services sont-ils vraiment des " biens collectifs " ? A l'évidence, les colonies de vacances, les bons d'achat, les mutuelles ne sont pas des " biens publics " . Il en va de même pour l'activité politique des syndicats. Elle est un " bien public " pour les gens qui partagent les mêmes idées que l'homme politique en faveur de qui le syndicat fait campagne. Mais pour les autres, il s'agit plutôt d'un " mal ". Il s'agit de faux " biens collectifs " La négociation des contrats, ainsi que la surveillance de leur application, ne sont pas davantage des services dont on peut considérer qu'ils ont par nature un caractère " public " ou " collectif " . Dans les deux cas, l'exclusion est possible.
On pourrait imaginer que les syndicats interviennent seulement pour négocier collectivement les contrats de leurs adhérents et laissent les autres se débrouiller. Freeman et Medoff évoquent également l'argument selon lequel le lieu de travail, et tout ce qui le caractérise (la sécurité, l'éclairage, le chauffage, le confort des installations, etc.), constitueraient un " bien public " . L'analogie qui vient immédiatement à l'esprit est celle de la rue. Mais cette assimilation est abusive. A la différence de la rue, le lieu de travail est la propriété de quelqu'un. Si un salarié n'est pas content de l'éclairage qui règne dans son atelier, s'il conteste les règles de sécurité qui y sont imposées par le propriétaire (interdiction de boire de l'alcool sur le lieu de travail, obligation d'entretenir et de nettoyer les machines avant de s'en aller, etc.), ou encore s'il n'est pas content des prestations qu'il trouve à la cantine de l'établissement, personne ne l'empêche de chercher un travail ailleurs. Freeman et Medoff raisonnent comme si les ouvriers étaient " copropriétaires " de leur atelier; ou encore comme si ces lieux n'appartenaient à personne. Or ce n'est pas le cas. Autre faiblesse de leur raisonnement.
Admettons qu'il y ait une liaison positive entre taux de syndicalisation et efficacité productive, et que celle-ci résulte bien de ce que la présence d'un syndicat actif améliore la coopération. Si tel est le cas, on ne voit pas pourquoi les entreprises auraient encore besoin de recourir aux services de contremaîtres et de tout un personnel d'encadrement. N'est-ce pas précisément leur métier que d'assurer une meilleure organisation et coopération des salariés dans le cadre de leurs tâches quotidiennes? Pourquoi l'entreprise ne se dessaisit-elle pas de ces problèmes pour en confier l'administration aux syndicats eux-mêmes, puisque, si l'on écoute Freeman et Medoff, ils sont supposés être plus efficaces?
De la même façon, si cette hypothèse était vraie, comment se fait-il que tant de firmes continuent encore de lutter contre la présence des syndicats? Faut-il supposer que les chefs d'entreprise sont tous des masochistes? Tout ceci est incohérent. Reste l'argument que l'employé est, par rapport à son employeur dans une situation d'infériorité car la seule sanction dont il dispose -le quitter pour une autre firme, implique un ensemble de coûts personnels qui freinent sa mobilité.
Creusons cette notion. Si la mobilité a un coût, c'est notamment parce que l'occupation d'un travail implique de la part de l'employé un certain investissement dans des savoir-faire, des connaissances ou des tours de main spécifiques à l'entreprise, et qui ne lui seront plus d'aucune utilité s'il passe dans une autre firme. Si l'on suit Freeman et Medoff, cette situation justifierait que l'on protège ces travailleurs contre la concurrence de salariés marginaux qui, eux, n'ayant pas investi autant, ou ne cherchant pas à investir, accepteraient les emplois qu'ils convoitent pour un salaire moindre. Il s'agirait, en d'autres termes, de protéger les salariés contre les phénomènes de dévalorisation de leur capital de lavoirs spécifiques qui se produit à l'occasion de chaque changement d'emploi.Un handicap qui n'existe pas Mais au nom de quoi devrait-on leur accorder cette protection?
La réalité d'un tel coût est en fait fort problématique. Si un travailleur s'attend à rentier dans une entreprise où il sait qu'il n'a aucune chance de récupérer, en cas de départ, la moindre partie de ses investissements en capital humain, dès le début il exigera un salaire plus élevé. Freeman et Medoff raisonnent sans tenir compte que sur un marché du travail où la concurrence, pour attirer et fidéliser une main-d'oeuvre aux savoirs de plus en plus spécialisés est forte, le marché capitalise dés le départ, dans les rémunérations, ce genre d'aléa.
Par ailleurs, une façon pour les entreprises d'attirer la main-d'oeuvre est d'offrir aux salariés embauchés la garantie qu'ils retrouveront lors de leur départ la contrepartie des efforts spécifiques d'investissement consentis pendant leur présence dans l'entreprise. Comment? En leur offrant des contrats qui prévoient le versement d'indemnités de départ. Celles-ci représentent dès l'embauche une sorte de reconnaissance des droits de propriété de l'employé sur le capital spécifique qu'il aura accumulé dans son travail. Elles sont un facteur de plus grande productivité puisque l'employé n'hésitera plus à investir dans des savoirs ou des compétences dont il n'a pas la garantie qu'il pourra demain en monnayer la valeur dans un aune emploi.
A la différence de Freeman et Medoff, ce raisonnement laisse entendre que la présence d'un marché libre et concurrentiel est, là encore, la meilleure garantie de réduire les " coûts de mobilité " de la main-d'oeuvre. La protection des droits des uns sur leur accumulation de capital humain spécifique n'est pas acquise au prix du sacrifice du droit des autres de venir leur faire librement concurrence sur le marché du travail. La solution qui émergeait du fonctionnement d'un marché libre et concurrentiel est plus juste que l'intervention restrictive du syndicat.
En réalité, le modèle traditionnel du monopole, combiné avec un modèle de représentation des processus d'action collective mettant l'accent sur le rôle central des préférences de l'" employé médian ", suffit largement à rendre compte de la plupart des faits statistiques observés par Freeman et Medoff, sans qu'il soit besoin de faire appel à leurs explications .
Pour le démontrer, nous prendrons quatre exemples .
Les écarts de rémunération
Les écarts de rémunération peuvent être expliqués par d'autres éléments du marché du travail Admettons qu'il soit démontré sans l'ombre d'un doute que les salaires des secteurs d'activité les plus syndicalisés sont nettement plus élevés, cela ne suffit pas pour autant à démontrer qu'il y a un lien de causalité nécessaire et durable entre syndicalisation et taux de salaires.
On peut expliquer le même résultat en faisant intervenir d'autres facteurs et mécanismes. Prenons un modèle simple à deux secteurs. L'un bénéficie de la " protection " d'un syndicat puissant. Les syndicats sont totalement absents de l'autre. Grâce à l'action de leur syndicat, les ouvriers du premier arrachent à leurs entreprises le versement de meilleurs salaires. Ce taux de salaires plus élevé y réduit l'embauche. Un certain nombre d'ouvriers qui y auraient trouvé un emploi sont contraints de rechercher un travail dans le secteur non syndicalisé. Cet afflux de demandes y entraîne une baisse du taux des salaires jusqu'à ce que les conditions du plein emploi y soient retrouvées. Résultat. on a deux secteurs, avec deux taux de salaires différents, mais un taux de chômage finalement inchangé. Cependant, cet écart de salaires crée une opportunité de profit. Des travailleurs du secteur non protégé sont attirés par les hauts salaires pratiqués dans l'autre. Ils préfèrent rester plus longtemps au chômage plutôt que de prendre un emploi dans le secteur moins bien rémunéré, parce qu'ils attendent qu'un emploi éventuel s'y libère. De même des gens qui ne se manifestaient pas encore sur le marché du travail parce qu'ils n'étaient pas satisfaits des rémunérations proposées, sortent de leur réserve et gonflent la file d'attente de ceux qui viennent s'inscrire au chômage dans l'espoir de trouver un jour un emploi dans le secteur où les salaires sont les plus élevés.
En résultat, on a bien deux niveaux de salaires différents. Mais, en contrepartie, on a aussi la formation de files d'attente, avec des probabilités différentes de trouver l'emploi recherché. Le secteur syndicalisé étant selon toute vraisemblance celui où les barrières à l'entrée sont les plus importantes, donc aussi celui où le taux de rotation des emplois est sans doute le plus faible, il se peut que l'écart apparent des rémunérations offertes ne corresponde pas à une différence significative des revenus réellement attendus par des agents économiques.
Dans ce cas, la présence d'un écart de salaire important et durable peut être interprétée non pas comme le produit de deux rapports de force différents liés à la présence ou non d'un pouvoir syndical fort, mais comme la contrepartie au niveau des salaires de la coexistence de deux marchés du travail caractérisés par des variables institutionnelles différentes : sur l'un, les rémunérations sont peut-être plus basses, mais cela est compensé par une rotation plus rapide des emplois et une probabilité plus grande pour chaque demandeur d'emploi d'accéder au travail qu'il convoite; sur l'autre, les salaires sont plus élevés, mais cet avantage se trouve réduit par la probabilité plus faible pour chaque demandeur d'obtenir l'emploi qu'il recherche.
Les données fourmes par Freeman et Medoff ne tiennent malheureusement pas compte de cette hypothèse.
Le coût économique du monopole syndical
Le coût économique du monopole syndical est beaucoup plus élevé qu'ils le disent Freeman et Medoff estiment à 0,24 % du Produit national brut la perte sociale totale liée à la présence de monopoles syndicaux. Ce chiffre paraît bien faible. La figure suivante fait apparaître, sur l'axe vertical, le salaire maximal que les employeurs 1, 2, 3 sont prêts à offrir, ainsi que le salaire minimal que les groupes de travailleurs a, b, c... exigent pour abandonner leurs autres activités et prendre les emplois salariés qui leur sont ainsi offerts. L'axe horizontal représente les embauches. Les particuliers classent par ordre décroissant les rémunérations maximales offertes par les différentes firmes, cependant que les employeurs font l'inverse: ils y classent par ordre croissant les rémunérations minimales exigées par ceux qui postulent aux emplois qu'ils offrent. Le salaire maximal qu'une firme est prête à payer est déterminé par la valeur de la productivité marginale d'une embauche. Celle-ci dépend, d'une part de la productivité de la firme (c'est-à-dire sa capacité à combiner les facteurs de production de façon à obtenir un produit le plus élevé possible pour le coût le plus faible); d'autre part du prix du produit sur le marché. La firme peut payer des salaires élevés soit parce qu'elle est très efficace sur un marché très compétitif; soit parce que, même si elle n'est pas très efficiente, elle bénéficie sur le marché d'une position de monopole.
De la même manière, le salaire minimal exigé par les employés est déterminé par les préférences des individus et le revenu alternatif qu'ils sont susceptibles d'obtenir dans une activité non salariée. L'intérêt de chaque firme est d'embaucher l'individu qui, pour des qualités identiques, présente les exigences les plus faibles. En agissant ainsi, elle pourra capter le maximum de " gains à l'échange ". (Le " gain à l'échange " est la différence entre le prix que l'on est prêt à payer et le prix que le marché vous impose effectivement de débourser.) Selon le même principe, celui qui cherche un emploi a intérêt à se faire embaucher par l'entreprise qui offre le salaire le plus élevé.
Par exemple, les groupes d'individus c et d pourraient se faire embaucher par les firmes 1 ou 2 (qui sont prêtes à offrir des rémunérations plus élevées que les sommes qu'eux-mêmes réclament au minimum). Mais ils sont en concurrence avec a et b qui se montrent a priori moins exigeants. Si elles en ont la possibilité, les firmes 1, 2 et 3 leur préféreront leurs concurrents. La firme 1 pourrait réaliser d'importants bénéfices en embauchant les individus a, b et c; mais elle est en concurrence avec les firmes 2 et 3 qui, elles, sont prêtes à offrir davantage pour attirer à elles ces salariés. Lorsqu'il y a concurrence, les entreprises sont dans l'incapacité de s'approprier la totalité des " gains à l'échange " disponibles. La firme 1 voudrait embaucher l'individu a. C'est avec lui qu'elle réaliserait le gain à l'échange le plus élevé. Mais cet individu apprend que la firme 2 a accepté d'embaucher c pour un salaire quatre fois plus élevé. Il exige la même chose. La firme 1, plutôt que de se voir privée de ses services accepte, et réalise néanmoins encore un " gain à l'échange " substantiel. Même chose avec les travailleurs b et c, ainsi que les firmes 2 et 3. Finalement, les firmes 1, 2, 3 embaucheront les ouvriers a, b et cau même salaire qui correspond, d'une part, à la rémunération maximale que la firme 3 était prête à payer; d'autre part, au salaire minimal que le travailleur c exigeait pour accepter de quitter son activité présente pour un emploi salarié.
C'est l'offre de la firme " marginale " qui, en définitive, impose son prix au marché, et interdit aux employeurs de capter pour leur compte exclusif l'intégralité des " gains à l'échange " . La concurrence conduit à ce que les " gains à l'échange " disponibles seront partagés entre les employeurs et les salariés embauchés. Sachant que c'est le salaire 3 qui, sous les effets de la concurrence s'impose au marché, la part des " gains à l'échange " captée par les salariés est égale à sa somme l'écart entre le salaire effectivement versé également à tous et le salaire minimal exigé au départ par chacun). La part des employeurs, elle, est représentée par la l'écart entre le salaire effectivement versé par les entreprises à tous les travailleurs et le salaire maximal que chacune était a priori disposée à offrir). Ce salaire 3 est celui qui maximise la somme des gains à l'échange, tant pour les salariés que pour l'ensemble des entreprises. Résultat: l'embauche des entreprises se limitera aux travailleurs a, b et c. En revanche, d et e ne trouveront pas d'emploi (aux conditions minimales qu'ils demandent). Parce qu'elles ne peuvent offrir au maximum que des salaires inférieurs au prix imposé par le marché, la firme 4 sera contrainte de se retirer.
Imaginons maintenant qu'intervienne un syndicat qui fait pression sur les pouvoirs publics pour que soit imposé aux entreprises un salaire minimal proche du salaire 1de l'échelle verticale mais inférieur à celui-ci. Ce salaire dépasse ce que les firmes 2 et 3 étaient en mesure d'offrir à leurs salariés. Elles aussi doivent se retirer du marché. Mais, en agissant ainsi, elles suppriment les emplois b et c. A ce nouveau salaire, la part des " gains à l'échange " captée par le secteur des entreprises (leurs profits) diminue d'une somme égale à la somme A+B+E . La part des " gains à l'échange " captée par les salariés (dans leur ensemble) augmente de la somme A+B+C. On constate que ce que perd le secteur des entreprises n'est pas intégralement récupéré par les salariés. Le total des " gains à l'échange partagés entre les deux parties est diminué de la somme E+F. Celle-ci est perdue pour tout le monde. Elle représente le " coût social " qui résulte de l'activité corporative du syndicat. Le travailleur a bénéficie d'un revenu plus élevé. Mais l'élimination des firmes 2 et 3, et le non-emploi des ouvriers c et b, se traduisent au niveau de la collectivité par une " perte sociale " que Freeman et Medoff estiment, pour l'économie américaine, à 0,24 % du PNB.
Cette façon de comptabiliser le " coût social " des syndicats est cependant erronée. Elle suppose que le syndicat atteint son objectif " sans coûts " . Ce qui est une absurdité. La rente apportée par l'entente syndicale est gaspillée en investissements visant à la protéger Au salaire de niveau 1, les travailleurs b, c et d (e a renoncé à travailler) seraient eux aussi preneurs d'un emploi dans la firme 1 . Pour y prendre la place de a , ils seraient même prêts à se contenter d'un salaire minimal de niveau 3. Le fait que le syndicat obtienne des pouvoirs publics le vote d'un salaire minimal de niveau 1représente pour eux un coût en termes d'opportunités de gains dont ils se trouvent ainsi privés.
Le syndicat court le risque qu'un homme politique en mal de clientèle ne s'intéresse à leur problème et ne les aide à obtenir une législation qui leur serait plus favorable qu'aux intérêts visés par a . Comment ces derniers peuvent-ils s'en préserver? La réponse consiste pour a à " acheter " le consentement de b, c et d en obtenant de la collectivité qu'elle les " indemnise " pour un montant égal aux sommes perdues. Le coût de leur exclusion comme conséquence des activités du syndicat est représenté par la somme D+E+F+G+H. Elle est supérieure au total des "gains à l'échange " encaissés par a à la suite des actions corporatives de leur entente. Si ces derniers devaient avoir le consentement des exclus du marché du travail ils ne pourraient pas l'obtenir. C'est alors le contribuable qui va payer sous la forme d'une allocation de chômage ou d'un revenu minimum ce silence des exclus. Une fois cette opération de redistribution réalisée, le groupe d'individus a qui obtient un salaire minimum en sa faveur a en contrepartie l'assurance que b,c et d ne gagneraient rien à contrer l'action de leur syndicat. Faisons maintenant le bilan de la séquence d'événements consécutive à l'intervention du syndicat organisé par a . Au lieu que a, b et c occupent un emploi- salarié, seuls a e est employé. Leur revenu apparent est plus élevé que ce qu'aurait été le niveau d'un marché libre. Mais le coût social du monopole n'est plus E+F mais D+E+F+G+H. D'après Gordon Tullock, ce coût est encore plus élevé car il faut ajouter les sommes investies dans l'action syndicale et politique pour obtenir le salaire minimum. Cette somme n'excedera pas A+B+C la rente désirée. Le véritable " coût social " de l'action syndicale devient A+B+C+D+E+F+G+H.
Si l'on reprend les chiffres cités par Freeman et Medoff (un écart de salaires entre secteurs syndicalisés et non syndicalisés de l'ordre de 20 % ;une réduction du volume des effectifs employés de l'ordre de 13 % ; un taux de syndicalisation moyen de 25 % ;une masse salariale égale aux trois quarts du PNB; enfin un produit national brut de 3 069 milliards de dollars en 1982), on obtient un " coût social " estimé à 4 % du PNB - ce qui est très supérieur aux 0,24 % calculés par les deux auteurs.
Toutes ces dépenses non productives investies par les salariés dans l'espoir de capter la " rente " économique attendue de la présence d'un syndicat, représentent un formidable gaspillage collectif, beaucoup plus élevé que le chiffre modeste avancé par les deux auteurs américains. Et cela en définitive pour des gains corporatifs illusoires, car impossibles à maintenir dans le long terme.
L'effet productivité
Lorsque le salaire augmente, la firme, pour maximiser son profit (ou minimiser ses coûts), cherche à égaliser la valeur de la productivité marginale du travail par franc dépensé, à celle des autres facteurs de production. En conséquence, si la productivité marginale des autres facteurs est inchangée, il lui faut, après une augmentation de salaire, obtenir une élévation de la productivité marginale du travail. Elle cherchera à obtenir le même supplément de production avec moins de travailleurs, l'opération se traduit par une réallocation de ressources entre différents facteurs de production, sans que l'augmentation de la productivité du travail se traduise par une augmentation de la production totale, ni même une réduction des coûts. Il y a seulement un effet de substitution qui soit à l'oeuvre. Cette remarque donne la clé de l'erreur que Freeman et Medoff commettent lorsqu'il déduisent de la présence d'une corrélation positive entre le taux de syndicalisation et la productivité du travail, la conclusion que l'activité corporative des syndicats favoriserait le progrès technique.
Ils supposent que les gains de productivité ainsi observés correspondent à un déplacement de la courbe de demande de travail, alors qu'en réalité il s'agit d'un simple K effet de substitution " (c'est-à-dire un déplacement le long de la courbe de demande de travail). Si, en effet, il suffisait d'augmenter le prix d'un de ses facteurs pour que l'entreprise augmente sa productivité globale, on aurait alors le secret de la croissance : il suffirait d'imposer aux entreprises des charges toujours plus élevées pour obtenir le résultat désiré. C'est clairement absurde. Le fait que la firme réorganise l'affectation de ses ressources en procédant, dans sa fonction de production, à la substitution d'un facteur à un autre, n'est pas un signe de progrès.
Obtenir le même supplément de production avec moins de salariés n'a pas la même signification économique que 1e fait d'obtenir un produit plus élevé avec le même nombre d'employés. Une autre version du même argument est celle dite de l'" effet de choc sur l'encadrement ". Le syndicat aurait un effet positif sur la productivité du fait des conséquences stimulatrices que sa présence entraînerait au niveau de l'encadrement. Pour reprendre la terminologie si spéciale de Harvey Liebenstein, l'irruption d'un syndicat dans la vie d'une entreprise aurait pour conséquence d'y provoquer une diminution de l'" inefficience X ". Cette vision est clairement incompatible avec les faits observés. L'idée que la présence d'un syndicat stimulerait l'activité de l'encadrement et contribuerait ainsi à améliorer les relations de coopération au sein du personnel est incompatible avec l'observation de nombreuses pratiques syndicales (telles que, par exemple, l'opposition des syndicats au contrôle des performances, ou encore leur attitude restrictive dès lors qu'il s'agit d'introduire de nouvelles innovations techniques).
Il ne semble guère que leur présence soit conçue aux fins d'aider l'encadrement à mieux faire son travail. Un élément statistique, relevé par Freeman et Medoff eux-mêmes, rend apparent le caractère scientifiquement fantaisiste de cette hypothèse. Il s'agit de la corrélation négative entre syndicalisation et taux de profit. Si l'effet du syndicat est d'améliorer la productivité de l'entreprise comme le ferait le progrès technique, les profits ne devraient pas diminuer, mais au contraire augmenter. Non seulement la rentabilité moyenne devrait s'améliorer, mais cela devrait également s'accompagner d'une augmentation de l'emploi pour le niveau de salaire négocié par le syndicat.
S'il était efficace, le syndicat contribuerait à déplacer la courbe de productivité marginale vers la droite. Les travailleurs syndiqués associés à la même quantité de biens d'équipement seraient plus productifs que le même nombre de travailleurs non syndiqués associés à la même quantité de capital. Les profits seraient alors nécessairement plus élevés. Or c'est précisément la relation inverse que font apparaître les recherches empiriques de Freeman et Medoff. Le raisonnement théorique, ainsi qu'on l'a vu dans les pages précédentes, montre clairement qu'une des conséquences normales de l'entente syndicale doit être la baisse de la rentabilité du capital investi par les actionnaires de la firme. Les preuves empiriques sont, sur ce point, dépourvues d'ambiguïté. Elles sont confirmées non seulement par les travaux de Freeman et Medoff, mais aussi par ceux de Clark, ou encore de Ruback et Zimmerman. Toutes les études révèlent une chute significative des profits consécutive à la progression de l'influence des syndicats dans une industrie.
Si Freeman et Medoff avaient raison, la courbe de demande de travail des firmes syndiquées devrait se déplacer vers la droite. Pour un même nombre de salariés, la productivité marginale devrait être plus élevée dans le secteur syndicalisé que dans l'autre. De même, pour les profits. Pour un plus grand nombre d'embauches au salaire désiré par l'entente, les profits devraient être aussi élevés qu'en situation de concurrence. Or tout cela est visiblement incompatible avec les observations empiriques rassemblées à ce jour. C'est donc que Freeman et Medoff se trompent. Ils méprennent un déplacement de la courbe de travail pour un déplacement le long de la courbe.
Des faits statistiques compatibles avec une autre interprétation du rôle des syndicats.
Freeman et Medoff présentent toute une série de faits statistiques dont beaucoup sont incontestables. Ils en tirent une série de conclusions corroborant, pensent-ils, leur modèle d'exit and voice. Mais la plupart de ces données empiriques ne sont pas décisives car elles peuvent facilement être réintégrées dans un modèle classique analysant le syndicat comme un " cartel ". Prenons, par exemple, la moindre rotation de la main-d'oeuvre dans les firmes syndicalisées. Freeman et Medoff l'interprètent, comme l'indice d'un meilleur climat social, la preuve de ce que le syndicalisme améliorerait les conditions du dialogue entre la maîtrise et le personnel. Mais il est tout aussi possible de soutenir que cette moindre mobilité est en réalité quelque chose qui est recherché par le syndicat, dans l'intérêt même de sa survie et des intérêts personnels qu'il sert. Lorsqu'un salarié syndiqué s'en va, pour cause de mise à la retraite ou par décision personnelle, l'entreprise cherche à le remplacer. Or, une conséquence de l'action restrictive du syndicat est qu'à chaque fois que les entreprises du secteur syndicalisé recrutent, elles trouvent en face d'elles toujours davantage de candidats qu'il y a de places disponibles. La préoccupation du syndicat est donc de faire en sorte que les employeurs ne profitent pas de cette position pour réviser leurs conditions de salaires. En général il y réussit fort bien. Mais plus la rotation de la main-d'oeuvre est forte, plus c'est difficile et coûteux.
Toutes choses égales d'ailleurs, le syndicat maintiendra d'autant plus aisément sa cohésion face aux pressions du marché, que la mobilité de la main-d'oeuvre dans les firmes soumises à son influence est faible. Autrement dit, le syndicat a tout intérêt à faire ce qu'il peut pour abaisser le taux moyen de rotation du personnel dans les entreprises qu'il contrôle. Nous avons signalé que les recherches de Freeman et Medoff confirmaient que l'influence du syndicalisme allait généralement de pair avec des clauses contractuelles avantageant davantage les plus anciens dans l'entreprise. Cette observation est parfaitement cohérente avec le souci des syndicats de réduire la mobilité. Une manière d'y arriver est de privilégier les travailleurs les moins mobiles, c'est-à-dire les anciens.
Par exemple en favorisant le principe de l'ancienneté dans la détermination des hiérarchies salariales. De la même façon, nous avons vu que c'est dans les secteurs syndicalisés que les avantages en nature sont proportionnellement les plus élevés. C'est logique. Un avantage en nature est spécifique à la firme. Il représente souvent un investissement que l'employé a peu de chance de retrouver de manière identique dans une autre firme. Si l'objectif du syndicat est de freiner la mobilité naturelle des travailleurs, son souci sera d'obtenir une part d'avantages en nature la plus élevée possible. Selon le même principe, il faut s'attendre à ce que les syndicats s'opposent aux horaires flexibles ou " à la carte ", à la multiplication des contrats " à temps partiel ", ou encore aux cumuls d'emplois individuels; et donc que leur fréquence soit moins répandue dans les secteurs syndicalisés.
Cette attitude s'explique aisément. Des horaires libres compliquent le travail de contrôle et de prise en main du personnel par les militants syndicaux. La multiplication des contrats " à temps partiel " crée une population peu concernée par les " conquêtes " du syndicat. Ces préférences syndicales rejoignent l'intérêt des entreprises. Pour des raisons fiscales, celles-ci préfèrent, si elles le peuvent, et si cela ne gêne pas leur politique de recrutement, augmenter la part des avantages collectifs en nature au détriment des rémunérations monétaires. C'est autant de moins qu'elles paient en impôts.
De la même façon, il est souvent de l'intérêt de l'entreprise de réduire le taux de rotation de son personnel. Toute embauche d'un nouveau travailleur en remplacement d'un ancien se traduit en effet par une série de coûts fixes qui pourraient être évités. Pour cela elle aussi cherche à s'attacher les anciens en leur offrant des avantages dont le personnel ne peut jouir qu'en restant fidèle à leur entreprise (par exemple la possibilité de prendre sa retraite dans un établissement spécialisé financé par l'employeur).
L'hypothèse du " syndicat-cartel " laisse cependant penser que c'est dans les secteurs où l'influence des syndicats est la plus forte que ces comportements de l'employeur seront les plus marqués. Or, c'est précisément ce que confirment les données empiriques de Freeman et Medoff. Reprenons leur thèse selon laquelle la moindre fréquence des démissions d'employés dans les secteurs syndicalisés serait la preuve de ce que la présence des syndicats y est un facteur favorable à la productivité. Ayant noté que c'est dans les entreprises les mieux syndiquées que les travailleurs expriment verbalement le taux d'insatisfaction le plus élevé, ils interprètent ce paradoxe en supposant que l'indice de satisfaction véritable des employés dans l'entreprise s'exprime prioritairement par leur attitude vis-à-vis de la mobilité, alors que leurs réponses verbales ne sont qu'un instrument de surenchère servant à faire pression sur la direction pour en obtenir des avantages matériels accrus. En fait, il n'est nul besoin de telles contorsions intellectuelles pour rendre compte de l'observation simultanée de ces deux résultats.
Le taux de démission n'est pas un indicateur de satisfaction, mais un comportement. On peut très bien être fort insatisfait de son emploi, et malgré tout y rester. Démissionner présente en effet un " coût d'opportunité ". Ce coût est d'autant plus fort que le salaire associé à l'emploi présent est plus élevé par rapport à celui que l'on sait pouvoir obtenir ailleurs. Comme les rémunérations réelles du secteur syndicalisé (y compris les avantages collectifs en nature) sont en principe plus élevées que celles des secteurs où les syndicats sont moins implantés, il en résulte que c'est dans ces secteurs que le coût de quitter l'entreprise est lui-même le plus important, quel que soit le degré de satisfaction réelle que le salarié éprouve dans son emploi. Les deux observations enregistrées par Freeman et Medoff ne sont pas incompatibles.
Le paradoxe n'existe que dans leur tête. Cette contre-interprétation se trouve confortée par le fait que c'est bel et bien dans les secteurs les plus syndiqués que, comme on pourrait logiquement s'y attendre, le taux d'absentéisme est le plus fort. Si l'absentéisme n'a jamais été un signe de grande productivité, il n'a jamais non plus été un signe particulier d'épanouissement dans le travail. C'est bien la preuve que l'interprétation donnée par Freeman et Medoff est contestable.
Aucune preuve de la supériorité de leur modèle, au contraire
Si l'on assimile le syndicat à un cartel, il est clair que son intérêt est de rendre l'offre comme la demande de travail les moins élastiques possibles, Une technique pour atteindre cet objectif consiste à obtenir des employeurs qu'ils pratiquent le moins possible une politique de salaires fondée sur la promotion individuelle. L'évaluation individuelle permet en effet à l'entreprise de désolidariser les individus et, en quelque sorte, de les " acheter " par une politique astucieuse de salaires " au mérite ". L'employeur favorisera davantage les salaires de ceux qui n'appartiennent pas au syndicat. Même si ces promotions sont justifiées par des différences personnelles de productivité, celles-ci étant difficilement mesurables, le syndicat les dénoncera comme l'expression d'une politique de favoritisme, éthiquement condamnable. Pour maintenir son pouvoir sur le personnel, le syndicat a intérêt à imposer à l'employeur un mode de rémunération lié à la nature du poste de travail, et non à la productivité individuelle de chaque salarié. Dans cette politique, le syndicat recevra l'appui des salariés les moins productifs. Ce mode de rémunération présente en effet a l'avantage de rendre l'origine des différences de salaires, et donc leur justification, plus transparente. La tendance de l'évolution sera de ramener la dispersion des salaires au sein d'un même établissement, ou d'une même firme, vers la médiane des rémunérations.
Ce que confirment les recherches de Freeman et Medoff dont les données statistiques établissent que la présence des syndicats est positivement corrélée avec une moindre dispersion des salaires. Pour les deux économistes américains, c'est la conséquence de ce que le syndicalisme renforce la cohésion sociale de l'entreprise. Une autre manière de voir les choses est de considérer qu'il s'agit là d'un dispositif dont l'avantage est d'améliorer les moyens de contrôle et de discipline du syndicat, notamment en renforçant au sein du personnel la solidarité des groupes les moins efficaces contre les plus productifs.
Dernier exemple, le comportement conjoncturel des firmes américaines. Ainsi que nous l'avons déjà évoqué, les travaux de Freeman et Medoff montrent que la syndicalisation conduit l'entreprise à préférer l'ajustement par la mise au chômage de ses éléments les plus jeunes, plutôt que par le partage par tous d'un nombre réduit d'heures de travail. Ce choix est bien dans la logique d'un comportement de cartel qui conduit à sacrifier les salariés les plus jeunes, les plus récents et les plus mobiles, aux intérêts des plus anciens.
Au total, l'ouvrage de Freeman et Medoff relève de deux lectures.
D'un côté, il y a l'ensemble de faits et de données statistiques qui résume de manière remarquablement documentée tout ce que la recherche économique a accumulé concernant l'effet des syndicats sur la gestion des entreprises. De l'autre, il y a un modèle d'interprétation dont la structure logique est contestable. A la différence du modèle classique qui assimile le syndicat à une entente, Freeman et Medoff présentent une thèse qui n'élimine pas d'emblée la possibilité pour le syndicalisme de rendre des services positifs à la collectivité. C'est leur droit. Mais, pour être entièrement convaincants, il leur aurait fallu répondre à deux exigences.
La première : présenter un modèle dont toutes les conclusions correspondent aux données empiriques rassemblées; or, ainsi que nous l'avons vu, ils n'y réussissent qu'au prix de quelques grossières erreurs d'analyse théorique (comme à propos de la relation productivité/profit, ou encore la confusion entre déplacement d'une courbe de demande et déplacement sur la courbe).
La seconde: compléter par une réfutation de la théorie adverse du " syndicat-cartel " en recherchant des conclusions qui seraient incompatibles avec leur propre analyse, et en contradiction avec les faits rassemblés; or toute cette partie est absente. Voilà pourquoi, entre autres raisons, leur ouvrage est à prendre avec de sérieuses réserves. Il ne contient rien de décisif qui impose de rejeter définitivement l'hypothèse classique que le syndicat est d'abord et avant tout une organisation corporative entraînant des effets négatifs sur l'efficience du système économique. Correctement analysé, il semble même que son contenu empirique en renforce plutôt la solidité.
Il y a ententes et ententes
L'insistance de l'approche économique traditionnelle à ne voir dans le syndicat qu'un " mal public " (au lieu du " bien public " que croient y déceler Freeman et Medoff) se heurte à l'objection que les ententes et les cartels d'entreprises sont parfois de bonnes choses. Bien que ce ne soit pas le cas de la législation, de plus en plus d'économistes admettent que, si les ententes et cartels existent de manière aussi fréquente, c'est qu'ils doivent avoir une fonction économique positive, et servir le consommateur. Il existe aujourd'hui tout un pan de l'économie industrielle qui, à propos de l'analyse des phénomènes d'intégration ou de semi-intégration verticale (franchises, concessions, fusions, joint-ventures, etc.), réhabilite le rôle des ententes. L'entente, le cartel, la joint-venture seraient des procédés par lesquels deux ou plusieurs entreprises cherchent à identifier les économies d'échelle, les complémentarités ou les synergies diverses qui pourraient les rapprocher (et éventuellement justifier ultérieurement une fusion). Dans cette optique, les ententes s'inscrivent dans la double démarche de concurrence et de coopération qui caractérise le fonctionnement d'un marché libre. L'idée de cette approche est qu'il n'y a pas de différence de nature fondamentale entre une entente, un mariage d'entreprises (fusion), et la création d'une seule firme. Ce ne sont que l'expression de degrés différents dans une même démarche. Dans les trois cas, il s'agit de formes d'organisations qui sont toutes le résultat d'accords contractuels volontaires, et dont la finalité ne peut donc être que d'exploiter des " gains à l'échange " non encore réalisés. Il est alors tentant de considérer que ce qui s'applique aux firmes industrielles et commerciales doit aussi être valable pour les " ententes " de travailleurs.
Pourquoi n'y aurait-il pas aussi des ententes syndicales qui soient économiquement " efficientes " ? C'est dans cette optique que se situe la démarche de Freeman et Medoff. Raisonner ainsi revient cependant à négliger une différence de nature essentielle entre les deux institutions. Dans l'entente entre deux firmes, l'objectif recherché est toujours de découvrir une meilleure combinaison des ressources qui permette d'obtenir un résultat plus rentable, donc plus efficient. Dans l'entente entre travailleurs, rien de cela. Le but du syndicat n'est pas d'assortir les travailleurs de manière que leur coopération avec la direction de la firme permette de produire plus ensemble que séparément. Cette fonction est celle à qui revient normalement à l'encadrement (ou au management, pour utiliser un terme plus moderne). Si vraiment les syndicats remplissaient ce rôle, les entreprises n'auraient pas besoin de recourir à l'embauche de personnels d'encadrement. Il leur suffirait de contracter avec la " firme-syndicat ". Qu'elles ne le fassent pas, et qu'elles ressentent quand même la nécessité de rechercher des services d'encadrement, indique que tel n'est certainement pas le but de l'entente syndicale. Celle-ci poursuit d'autres fins. C'est cette simple constatation de bon sens qui rend suspecte une théorie qui veut absolument démontrer le contraire.Pourquoi le déclin du syndicalisme?Qui adhère au syndicat? Le profil de ceux qui appartiennent à une entente peut nous en révéler infiniment plus sur les attentes des travailleurs à l'égard des syndicats que n'importe quel autre fait. Pour mieux comprendre les raisons pour lesquelles les individus se syndiquent, ainsi que les raisons de la baisse progressive depuis les années 60, puis brutale au moment de la crise économique des années 70, du taux de syndicalisation dans la plupart des pays occidentaux, nous utiliserons un modèle simple d'offre et de demande d'adhésion syndicale.
Du côté de la demande, les employés sont motivés à se syndiquer si le prix de leur activité syndicale est bas - c'est-à-dire si le montant des cotisations, ainsi que le coût du temps consacré à des actions militantes, restent suffisamment faibles. Toutes choses égales d'ailleurs, plus ce prix est élevé, moins les individus seront tentés d'adhérer au syndicat. Si, pour un même coût global, les avantages attendus de l'adhésion sont importants, ou si on note dans la population une modification des attitudes plus favorable à faction syndicale, le résultat sera un déplacement vers la droite de la courbe de demande, et donc un accroissement, toutes choses égales d'ailleurs, de la demande d'adhésions.
Du côté de l'offre, il faut remarquer que la révélation des préférences des salariés ne vas pas sans coûts. De même il est coûteux d'organiser une entente, de négocier des contrats, de faire la grève, etc. Le militantisme n'est jamais gratuit (même si les gens ne sont pas rémunérés). II existe donc comme partout ailleurs une 3courbe d'offre " qui traduit le dynamisme avec lequel leaders syndicaux et militants vont travailler pour accroître le recrutement de leur syndicat, et améliorer leur offre de services aux adhérents. Plus la loi élève les barrières institutionnelles à la création et au fonctionnement d'ententes syndicales, plus la courbe d'offre se déplacera vers la gauche, entraînant, toutes choses égales d'ailleurs, une baisse du nombre de travailleurs syndiqués. Même résultat, si les conditions tu industrielles sont telles que les coûts d'organisation de faction syndicale dans un secteur donné sont naturellement élevés (industrie caractérisée par exemple par un grand nombre de firmes dispersées). Celui qui montre naturellement une forte aversion pour le risque, qui ne s'attend pas à voir son profil de carrière s'améliorer dans un avenir prévisible, qui préfère être rémunéré par des prestations non imposables, dont le revenu est plutôt dans la partie de la distribution des revenus qui se situe 3 gauche de la médiane, ou qui ne pense pas pouvoir retrouver aisément un nouvel emploi en dehors de son travail actuel, est un candidat idéal dont il est relativement facile d'obtenir l'adhésion. En effet, pour un coût donné de l'adhésion et de l'action syndicale, l'avantage personnel attendu de la syndicalisation est relativement élevé. Pour ce profil d'individu, la courbe de demande se déplace vers la droite.
C'est le cas, par exemple, du travailleur manuel, qui n'est plus tout jeune, qui a déjà atteint le maximum de ses espérances de salaires, et qui appartient à une catégorie professionnelle dont la distribution des revenus est relativement peu dispersée. Ces caractéristiques se retrouvent également dans le cas des minorités ethniques immigrées, où l'expérience prouve que le taux de syndicalisation est traditionnellement élevé. En revanche, les femmes et les jeunes font un calcul différent. Les jeunes ont par définition l'avenir devant eux. Leur profil de carrière et de revenu n'est pas encore déterminé. Les femmes mariées, ou qui espèrent bientôt l'être, cumulent au moins deux emplois - celui du marché du travail et celui du marché du mariage. Les revenus en nature qu'elles retirent de leur mariage ne sont pas imposables. Pour ces deux catégories de population, le gain apporté par la syndicalisation est plus faible. La courbe de demande se déplace vers la gauche. Un changement de population salariée En poursuivant ce type de raisonnement on fait apparaître qu'il est normal que les syndicats soient plutôt plus puissants et mieux implantés dans les zones où dominent les industries concentrées, avec des établissements à effectifs salariés importants. C'est dans ce cas de figure que les coûts d'organisation et de fonctionnement de l'entente ont en effet toutes chances d'être les plus faibles. Ce schéma relativement simple et standard peut être utilisé pour expliquer les variations du taux de syndicalisation dans des pays comme la France, les États-Unis ou la Grande-Bretagne. Depuis vingt ans la plupart des pays industrialisés connaissent de profonds changements dans la structure de leurs populations salariées. On y note une plus grande proportion de jeunes, davantage de femmes mariées, de moins en moins d'ouvriers, mais de plus en plus de gens ayant fait des études. Or il s'agit de catégories sociales pour qui les avantages de la syndicalisation, toutes choses égales d'ailleurs, sont plutôt moindres.
Par ailleurs, la crise économique des années 70 a elle aussi réduit les avantages attendus d'un syndicalisme militant. Enfin, la structure industrielle a changé. La part des industries concentrées dans la production industrielle a sensiblement diminué. Les entreprises des secteurs en développement sont plus dispersées, leurs établissements sont généralement plus petits, et elles exercent leurs talents sur des marchés plus concurrentiels que la moyenne. L'élasticité de la demande de travail y étant plus forte, les coûts d'organisation pour les syndicats y sont plus élevés qu'ailleurs. Il faudrait également mentionner l'évolution de la législation. Par exemple, en Grande-Bretagne où le gouvernement a supprimé le système de la closed shop, ainsi que tous les règlements publics dont l'effet était, directement ou indirectement, de " subventionner " l'activité des syndicats en en réduisant le coût d'établissement et d'adhésion. Globalement, tous ces changements ont déplacé la courbe d'offre vers la gauche.
Le résultat est une chute importante du nombre de syndiqués dans les économies occidentales. Tout cela est évidemment très schématique et demanderait à être plus approfondi. Mais ces quelques éléments permettent déjà de répondre à Freeman et Medoff qui, à partir de l'expérience américaine, attribuent les déboires du syndicalisme occidental à l'aggravation artificielle des obstacles à l'extension du mouvement syndical dans les entreprises. En réalité, l'essentiel du déclin s'explique vraisemblablement davantage par des changements profonds intervenus du côté de la " demande de syndicat " plutôt qu'au niveau de l'offre. Dans la mesure où elle a aggravé l'insécurité de l'emploi, la crise économique des années 70 a sans doute ajouté beaucoup à la perte d'attrait des syndicats.
Paradoxalement, la baisse des adhésions syndicales peut également s'interpréter comme une rançon du succès des syndicats sur le " marché politique ". Dans la mesure où aujourd'hui la législation contraignante de l'État se substitue de plus en plus à la protection du syndicat, il est inévitable que moins de gens se sentent motivés pour mettre leur écot et leur temps à la disposition des centrales ouvrières. Pourquoi payer des cotisations, ou sacrifier du temps à l'activité syndicale si la plupart des objectifs qui guidaient l'action des syndicats sont désormais inscrits dans la loi?
par Bertrand Lemennicier
Extrrait du Livre :
Pourquoi les syndicats ?
de J.Garello, H.Lepage et B.Lemennicier, 1990, Paris PUF




















