octobre 13, 2014

Libéralisme et concurrence par Jacques Garello

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La concurrence reçoit tous les noms d’oiseaux, qui la discréditent et expriment tous les méfaits qu’elle engendrerait. Sauvage, elle crée le chômage en cassant les prix. Déloyale elle conduit au dumping, qu’il soit fiscal, social, environnemental. Imparfaite, elle permet aux grandes entreprises de nouer des ententes et d’imposer leurs conditions sur le marché. Inégale, elle avantage les pays émergents par rapport aux pays développés. Dommageable, elle freine la croissance.
La concurrence, c’est la faute de l’autre. Les uns veulent donc l’abandonner, les autres la réglementer pour instaurer une concurrence saine et « praticable ». Pas de concurrence sans harmonisation. 



La concurrence pure et parfaite
Dans la théorie classique de la concurrence, un marché peut être dit concurrentiel quand il présente cinq caractéristiques : polycité (un grand nombre d’entreprises en présence), atomicité (aucune n’a une taille suffisante pour imposer ses conditions), homogénéité (tous les concurrents offrent un même produit), fluidité (l’entrée et la sortie du marché sont ouvertes), transparence (tous les prix et les coûts sont connus). L’énumération de ces exigences montre qu’il est impensable d’avoir un marché qui puisse y satisfaire. Pourtant cette approche est celle qui inspire habituellement le droit de la concurrence et en particulier le fameux article 85 du traité de Rome, qui prohibe tout monopole, toute discrimination, toute position dominante, et toute entente ou tout cartel entre concurrents.
D’autre part, l’économiste Alfred Marshall a vulgarisé l’idée qu’un marché concurrentiel trouve par lui-même son équilibre en longue période, car les courbes de coûts des entreprises tendent à s’aligner les unes sur les autres, de sorte que l’offre serait rigoureusement égale à la demande, pour un prix unique. La concurrence serait « parfaite », on aurait la quantité optimale au juste prix. 

 
 
L’égalité entre concurrents
Evidemment, l’approche classique n’a rien à voir avec la réalité. Elle est même au départ incohérente, puisque la concurrence met en évidence la différence entre compétiteurs. Pour organiser une course à pied, doit-on s’assurer que tous les athlètes sont capables des mêmes performances ?
Pourtant, c’est ce que l’on prétend quand on exige l’égalité entre concurrents. Toutes les entreprises n’ont pas les mêmes coûts, ne subissent pas les mêmes charges fiscales et sociales : on va crier au dumping fiscal. Elles n’emploient pas les salariés aux mêmes conditions : on va crier au dumping social. Elles ne sont pas soumises aux mêmes réglementations qui limitent la pollution ou l’usage de l’énergie ou des ressources naturelles : on va crier au dumping environnemental. Elles ne passent pas leurs contrats dans la même monnaie : on va crier aux dévaluations compétitives.
Le rôle de la compétition est précisément de faire en sorte de faire apparaître ce qu’il y a de meilleur. Planifier la production, comme cela s’est fait en URSS, c’est niveler par le bas. Qui en supporte les conséquences ? 
 
Le libre choix des consommateurs
En fait, la première erreur a consisté à ne voir la concurrence que du côté des producteurs, alors qu’elle a pour raison d’être le meilleur service des consommateurs. Ce sont eux qui ont avantage à payer le moins cher les biens et services de la meilleure qualité. Mais les classiques étaient obnubilés par les courbes de coûts, comme si elles étaient données une fois pour toutes, et par l’équilibre, comme s’il devait s’établir durablement. En fait, le consommateur exerce une pression constante sur les producteurs, de sorte que les prix et les parts de marché se modifient sans cesse.
Sous la pression des clients, les entreprises vont chercher non seulement à s’améliorer de l’intérieur, mais aussi à faire pression sur leur environnement, et notamment sur leur gouvernement, pour obtenir les conditions d’une bonne compétitivité. Les unes vont le faire dans le sens de la protection (lutte contre les « dumpings », subventions, discriminations), les autres dans le sens de la libération (baisse de la fiscalité et des charges, stabilité monétaire, déréglementation). La mondialisation a pour effet de mettre les Etats eux-mêmes en concurrence, puisque les décisions politiques influent sans cesse sur la compétitivité.

 

La concurrence, un processus de découverte
La deuxième erreur des classiques aura été de juger de la concurrence en fonction de la situation instantanée du marché. Or, la concurrence n’est pas un état stationnaire. Comme l’a magistralement démontré Israël Kirzner, la concurrence est un processus de découverte. Elle permet aux entreprises d’exploiter les informations que livrent les signaux des prix et des profits. Mis en éveil par le marché, l’entrepreneur va chercher à répondre à des besoins aujourd’hui négligés ou mal satisfaits. Comme l’économie elle-même, le marché n’est pas en équilibre, il est en évolution.
L’exemple de l’innovateur est révélateur. Quand il propose une nouveauté, il détient au moins pour un temps un monopole, puisqu’il est le seul à savoir et à savoir faire. S’il rencontre l’accord des clients, il réalisera de grands profits, ce qui l’encouragera à persévérer, mais ce qui attirera aussi de nouveaux compétiteurs sur ce marché qui vient de s’ouvrir. Ainsi opère la concurrence. Et le processus n’a pour limites qu’un niveau élevé des coûts d’entrée (gros investissements de départ par exemple – mais ce cas est de moins en moins important parce que l’industrie est elle-même moins importante) ou une interdiction artificielle d’entrer sur le marché. Les véritables ennemis de la concurrence sont les monopoles publics, que personne ne peut menacer. Voilà pourquoi pour de nombreuses activités il ne peut y avoir de concurrence sans privatisation préalable. 
 
Etre en avance d’une idée
Mais la concurrence ne va-t-elle pas « tuer la concurrence » ? La bataille engagée par les entreprises ne va-t-elle pas se solder par une disparition partielle ou totale des compétiteurs ? Cette objection ne tient pas compte du fait que la baisse des prix élargit sans cesse le marché, et que ce que les entreprises perdent sur leur marge, elles le récupèrent sur la quantité. De plus, et c’est ici l’argument décisif, les entrepreneurs savent bien que la meilleure stratégie consiste à être toujours à la pointe de l’innovation, à être sans cesse « en avance d’une idée ». Il ne faut pas « s’endormir sur le mol oreiller du profit » (Schumpeter), il faut faire preuve de vigilance, (l’alertness de Kirzner). Mais l’entrepreneur n’y sera incité que s’il a la promesse de garder pour lui, au moins pour un temps, le salaire de son innovation. Toute traque fiscale au profit et à la réussite dénature et détruit en effet la concurrence. En revanche, la concurrence aboutit à une véritable « harmonisation », puisque les producteurs vont peu à peu s’aligner sur les meilleurs du moment. L’harmonisation n’est pas le préalable de la concurrence, c’en est le résultat provisoire, en attendant d’autres progrès.
 

Source: Libres.org , Aleps par Jacques Garello
 

Allemagne: "L'homme malade de l'Europe"

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Personnellement cela fait déjà plus de 5 ans que j'ai défini cette hypothèse, notamment auprès de l'IHEDN...Question de choc démographique pour 2020 et d'un endettement "kolossal" bien caché !

Destatis a rendu public les derniers chiffres du recensement effectué en 2011, et revu à la baisse son estimation de la population allemande: 1,5 million de personnes en moins que prévu. L'Allemagne compte 80,5 millions d'habitants dont 42 % ont plus de 50 ans. En France, par comparaison, les plus de 50 ans représentent 36,8 %. Le taux de natalité n'est que de 1,39 enfant par femme. En 2060, l'Allemagne ne comptera qu'entre 65 et 70 millions d'habitants, estime Destatis. «Notre problème, c'est la démographie», admet-on au sein du gouvernement allemand. Poids des retraites et de l'assurance-maladie, transformation du marché du travail, place des seniors… Les défis structurels à relever sont nombreux.
Si rien n'est fait, le marché du travail risque de se rétrécir de plus de 6 millions de personnes d'ici à 2025.


C'est la prédiction du "Daily Telegraph", qui fustige la situation économique de l'Allemagne. "L'homme malade de l'Europe" n'est pas celui qu'on croit... 

Haut les coeurs ! D'après The Daily Telegraph, le prétendu déclin français (ou "suicide", pour reprendre une expression chère à Éric Zemmour) ne sera bientôt qu'un vieux souvenir, rapporte le blog du Monde "Big Brother". Dans dix ans, prédit le quotidien britannique, l'homme malade de l'Europe ne sera pas celui qu'on croit : la France aura dépassé l'Allemagne. Graphiques et experts à l'appui, le site du journal attaque en effet durement les choix économiques allemands : "La France peut passer pour l'homme malade de l'Europe, mais les malheurs de l'Allemagne sont plus profonds, enracinés dans le dogme mercantile, la glorification de l'épargne pour son propre compte et la psychologie corrosive du vieillissement." Un pronostic qui appuie là où ça fait mal, alors que quatre instituts de conjoncture viennent de fortement réviser à la baisse, ce jeudi, leurs prévisions de croissance pour l'économie outre-Rhin. D'autant que, note le journal britannique, ces inquiétudes sont exprimées avant tout par des spécialistes allemands, au premier rang desquels le directeur de l'Institut allemand pour la recherche économique. 

Un pays "se reposant sur ses lauriers"
Dans son dernier livre, Die Deutschland-Illusion, Marcel Fratzscher livre "un pamphlet contre le fétichisme fiscal du ministre des Finances Wolfgang Schaüble, maintenant inscrit dans la Constitution à travers une loi d'équilibre budgétaire à laquelle il est quasi impossible de déroger", écrit The Daily Telegraph. "Il exprime la déception d'un pays se reposant sur ses lauriers, prisonnier de la fausse idée partagée que l'économie se gère comme le budget d'une famille, et rassuré à tort par la flatterie mal placée des pays voisins qui regardent rarement sous le capot du moteur allemand", ajoute le quotidien. "L'Allemagne se proclame modèle du monde, mais l'orgueil précède la chute", note pour sa part Olaf Gersemann, le chef du service économique du groupe de médias Welt dans son dernier ouvrage, La bulle Allemagne. Selon lui, le second "miracle économique" que connaît l'Allemagne depuis 2005 lui est "monté à la tête". Le pays a pris un ensemble de circonstances exceptionnelles pour une ascendance permanente, alors que ces dernières vont "bientôt disparaître", voire s'inverser. 

"Chant du cygne"
Nous assistons au "chant du cygne d'une grande nation économique", prévient-il. Voilà de quoi redorer le blason français, qui ressort rarement grandi des comparaisons avec son voisin. "Depuis des décennies, les erreurs en matière de politique publique se succèdent. Les impôts et les structures sociales ont engendré la chute du taux de fécondité du pays. Le manque d'investissement a aggravé cet état de fait. D'ici cinq ans, il est évident que l'Allemagne se trouvera dans une situation grave et qu'un budget équilibré ne sera pas suffisant pour se défendre. D'ici dix ans, la France sera la puissance dominante en Europe", conclut The Daily Telegraph.


"D'ici dix ans, la France sera la puissance dominante en Europe"
Source, journal ou site Internet : Le Point
Date 11 octobre 2014
Auteurs : 6 Medias


Le défi démographique de l'Allemagne

La concentration dans une économie de marché par Jacques Garello

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Les gros mangent les petits 
Le libéralisme permet aux entreprises à la recherche du profit de se développer. Mais elles sont diverses et inégales et une sélection impitoyable va s’opérer au profit de celles qui atteindront une taille supérieure. La concentration, appelle la disparition des artisans, des petites et moyennes entreprises, au bénéfice de grands groupes incontrôlés, qui eux-mêmes vont contrôler la société, au détriment de la liberté individuelle : la libre entreprise aura paradoxalement tué la liberté.
 
Pourquoi la concentration ?
La thèse de la concentration remonte à une idée de Marx, lui-même héritier de quelques économistes classiques anglais – dont Malthus et Ricardo. Mais au 20ème siècle, dans les années 1930, après la Grande Dépression, Joseph Schumpeter prédit la fin du capitalisme et la marche inéluctable au socialisme.
Au cœur de la thèse : les « économies d’échelle ». Quand une entreprise réussit à produire un plus grand nombre de produits, les coûts unitaires vont diminuer parce que les frais fixes (équipement, bâtiments, administration) vont être répartis sur une quantité plus élevée. 
  


La grande entreprise manageriale
La concentration n’aurait pas seulement pour effet d’accroître la compétitivité au point d’éliminer progressivement les concurrents de moindre taille. Schumpeter soutient que le passage à la grande entreprise modifie son mode de fonctionnement. Alors que l’entrepreneur « manchestérien », artisan de la révolution industrielle à la fin du 18ème siècle, était à la tête d’une entreprise à taille humaine, les grandes sociétés sont gouvernées par des directeurs, des « managers » qui ne sont plus sous le contrôle des propriétaires de l’entreprise.
Les petits actionnaires n’ayant pas l’information nécessaire pour sanctionner les erreurs de gestion, il y a irresponsabilité des managers, le pouvoir au sein des grands groupes échappe aux propriétaires. De même que les armées étaient conduites jadis par de grands capitaines, elles sont aujourd’hui menées par des états-majors anonymes. Galbraith ira plus loin : dans cette nouvelle « ère des directeurs » (Burnham), la vie en société s’organise entre cellules sociales géantes ; aux grandes entreprises correspondent les grandes administrations, les grands syndicats, tous ces corps sociaux étant entre les mains d’une classe dominante. Dans « le nouvel état industriel », la concentration s’opère entre grandes organisations concentrées, et cette évolution rapproche l’Est et l’Ouest : URSS et USA convergent. 

Small is beautiful
A cette heure le phénomène de concentration généralisée ne s’est pas produit. Tout au contraire, on a vu des géants de l’industrie disparaître à la fin du 20ème siècle et le développement des petites et moyennes entreprises a été à la base de la poussée de croissance vécue depuis lors. Aux Etats Unis, au cours des vingt dernières années, 30 millions d’emplois ont été créés dans 9 millions d’entreprises de faible taille.
La première erreur de Marx, Schumpeter et les autres a été de sous-estimer les coûts de la grande entreprise : les problèmes de relations humaines y sont bien plus compliqués, l’information y circule moins bien, enfin les frais fixes ne sont pas aussi faibles que le prétend l’analyse classique. D’ailleurs, beaucoup de « grands » groupes ont volontairement éclaté et décentralisé leurs structures, on y a inventé le concept de « centres de profits » et un véritable marché s’est installé au cœur de l’entreprise naguère organisée sur une base purement hiérarchique.

La concentration, une affaire industrielle
La deuxième erreur a été de voir la réalité économique à travers la seule activité industrielle. Il est vrai que les « économies d’échelle » existent dans quelques industries, où il faut des investissements de départ très élevés pour être compétitifs (industrie chimique et certaines industries mécaniques). Mais l’industrie ne tient plus qu’une place résiduelle dans la production globale et ce sont les services qui représentent aujourd’hui les 80% de la production et des échanges. Or, les frais fixes y sont très faibles par rapport aux frais variables (comme les salaires) et la proximité et la connaissance de la clientèle s’accommodent mieux d’entreprises souples et adaptables, de faible taille. 

Too big to fail
En sens inverse, la récente crise financière a montré que les grandes banques semblent intouchables : elles ont atteint une taille si importante qu’elles ne pourraient plus faire faillite sans entraîner un cataclysme économique. Elles ont été déclarées « trop grosses pour faire faillite ». Moyennant quoi les Etats, c'est-à-dire les contribuables, ont été priés de mettre la main à la poche pour sauver ces établissements bancaires.
Parallèlement, les Etats ont soutenu de grandes entreprises du secteur automobile en difficulté. Les grands groupes, objets pourtant de vives critiques – notamment sur les salaires de leurs dirigeants – se sont trouvés ainsi en situation d’impunité. L’irresponsabilité est devenue la règle.



La gouvernance suppose un libre marché financier
Mais il en a été ainsi par l’effet de l’interventionnisme. La logique n’est pas économique, mais politique. Il y a eu disparition de la « gouvernance », c'est-à-dire corruption du contrôle de l’entreprise par ses actionnaires.
Henry Manne, inventeur du concept de « gouvernance », a rappelé que si les actionnaires n’ont pas souvent de pouvoir en assemblée générale, ils ont toujours la possibilité de vendre leurs actions. Quand les cours s’effondrent, une Offre Publique d’Achat pourra survenir. Alors l’entreprise sera reprise par une meilleure équipe de gestion. Les managers des grandes compagnies ne sont pas irresponsables quand existe un véritable marché financier, où s’échangent les titres de propriété (comme la Bourse par exemple).
A l’inverse, le système de contrôle par le marché financier devient inefficace quand des entreprises en péril continuent à fonctionner n’importe comment, parce qu’elles sont cautionnées ou aidées par l’Etat.
C’est souvent le cas des entreprises publiques liées à l’Etat, dont le « sauvetage » peut ruiner des concurrents de taille moindre et infligent une charge aux contribuables, dont les sociétés réalisant du profit. Il y a bien exploitation des petits par les gros, mais cela n’a rien à voir avec le libéralisme. 

La taille optimale
De façon générale, il n’y a aucune indication véritable sur ce que peut être la taille optimale d’une entreprise dans un secteur donné. La taille est affaire de techniques, d’organisation, de la nature des produits et services. Or, tout cela est appelé à évoluer.
Un nouveau tourisme draine les clients vers de petits hôtels de province, mais les chaînes n’ont pas disparu. Les compagnies aériennes, très concentrées il y a quarante ans avec quelques « majors », sont aujourd’hui éclatées en de très nombreuses petites compagnies.
Les « start up » démontrent que de petites entreprises peuvent se développer en peu de temps et avoir des performances surprenantes.
La liberté ne se mesure pas aux résultats (combien d’entreprises, de quelle taille) mais aux procédures (la concurrence est-elle réelle et protégée, ou faussée par des interventions ?). Dans une société de libertés, il y a de la place pour les petits comme pour les gros.
 

Source: Libres.org , Aleps par Jacques Garello
 

La propriété par Jacques Garello

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« La propriété, c’est le vol »
« Il ne se dit pas en mille ans deux mots comme celui-là […] Je n’ai d’autre bien sur la terre que cette définition de la propriété. Je la tiens pour plus précieuse que les millions de Rothschild et j’ose dire qu’elle sera l’évènement le plus considérable du règne de Louis Philippe ».



 
Proudhon était content de sa formule, et il avait raison : pour creuse et incohérente qu’elle soit (pour qu’il y ait vol il faut qu’il y ait propriété) elle va convaincre des millions de personnes qu’une société fondée sur le droit de propriété est injuste et ne peut survivre. Marx fera beaucoup pour amplifier le message de Proudhon, en précisant que la propriété du capital permet de voler les travailleurs. 

« L’homme naît propriétaire »
A la formule de Proudhon répond celle de Bastiat. La propriété est de droit naturel, puisqu’elle est liée à la nature de l’homme. Chaque être humain est unique et irremplaçable, sa dignité s’exprime à travers sa personnalité : par son action personnelle il s’affirme et s’épanouit. L’homme est heureux quand il peut montrer ce dont il est capable, quel mérite il a eu, quel bienfait on peut lui reconnaître. Comme un métal, l’homme s’identifie par ses propriétés. 
Le collectivisme interdit cette identification, et dilue le fruit de l’action individuelle dans un collectif irresponsable. « Séparer l’homme de ses facultés, c’est le faire mourir ; séparer l’homme du produit de ses facultés, c’est encore le faire mourir ». Les régimes totalitaires tentent de faire mourir l’homme en le privant de la propriété individuelle, ils n’y réussissent que par l’esclavage et la terreur. Mais tôt ou tard l’élan vital de la propriété reparaît et triomphe.  

Propriété et responsabilité
Dans la parabole du bon pasteur (Jean, 10, 11-18) le bon pasteur donne sa vie pour les brebis, alors que « le berger mercenaire, lui, n’est pas le pasteur car les brebis ne lui appartiennent pas […] Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui ».
Aristote avait aussi noté que l’on ne gère bien que ce dont on est propriétaire. Etre propriétaire, c’est « répondre » de ce que l’on fait, de ce que l’on a.
Le droit de propriété a pour corollaire le devoir de propriété : « donner sa vie pour les brebis », assumer ses échecs. Voilà pourquoi la propriété se mérite, elle s’inscrit dans le long terme et n’est pas le sous-produit d’un hasard. Le bon propriétaire apporte le plus grand soin à conserver, améliorer, cultiver, les biens qui lui appartiennent. Par contraste, la « tragédie des communs » démontre que ce qui appartient à tout le monde n’appartient à personne (res ullius, res nullius) et se détruit nécessairement. Si l’essor économique appelé « révolution industrielles » s’amorce à partir de la fin du 17ème siècle en Angleterre, c’est que le Parlement a autorisé les « enclosures », les propriétaires terriens vont enclore leurs champs et pratiquer une culture intensive, là où il n’y avait que « terres de vaine pâture ».  

Propriété et service de la communauté
Si le droit de propriété est incontestable dans son principe, reste à savoir comment il est reconnu et respecté au sein de la communauté. N’y a-t-il pas conflit entre l’appropriation privée et le fait que la terre ait été donnée en partage à l’humanité entière ? La question de la « destination commune des biens » a été soulevée pendant des siècles mais Saint Thomas d’Aquin l’a tranchée de façon pertinente, en écartant l’idée d’une propriété commune (nul ne pourrait alors s’approprier la terre) pour lui donner un sens négatif : au début il n’y a pas eu attribution de la terre, donc la terre appartiendra à celui qui lui donnera une destination commune. C’est la destination des biens qui est commune. Cela signifie que la propriété sera reconnue à celui qui met en valeur les ressources disponibles. John Locke établit le principe du « premier occupant », qui découvre une terre nouvelle et l’exploite : il se voit reconnaître le droit de se l’approprier. Les débats autour de la propriété foncière s’élargissent aujourd’hui à toutes les formes de ressources : pas seulement la terre et les richesses qu’elle renferme, mais aussi les idées, la connaissance, les techniques. 



La protection des droits de propriété
Les libéraux attendent de l’Etat la garantie des droits de propriété, et pas du tout l’attribution ou la distribution de ces droits. La loi n’est pas la source de la propriété, puisque la propriété est de droit naturel. Mais la protection des biens et des personnes autorise le recours à la coercition dont l’Etat a le monopole.
Les libéraux de l’école des droits de propriété (Demsetz, Alchian, Pejovitch) ont insisté sur la nécessité de donner au droit de propriété un contour précis. Lorsque les droits de propriété ne sont pas définis avec assez de rigueur, ils perdent leur efficacité ; la misère, voire les conflits dans les pays pauvres s’expliquent par l’absence ou l’imprécision de droits de propriété privée. Par contraste, des droits de propriété précis rendent possible la naissance d’un marché des droits de propriété : la propriété va circuler et, ce faisant, trouver sa juste valeur : elle sera entre les mains de ceux qui prétendent lui donner la meilleure destination. 

Excluabilité, transférabilité et divisibilité
Les juristes définissent les attributs de la propriété comme les rapports entre les individus et la chose : l’usus, le fructus et l’abusus, droits de se servir d’une chose, de jouir de ses fruits et d’en disposer. De son côté, l’école des droits de propriété voit dans la propriété une règle de comportement dans les relations entre personnes à propos d’une chose. Elle implique excluabilité, transférabilité et divisibilité. L’excluabilité signifie que la chose est réservée à son propriétaire, mais elle peut faire l’objet d’une transaction (un échange ou un don : transférabilité), et ce pour tout ou partie de la chose (divisibilité).
Grâce à ces trois caractéristiques la propriété va passer de mains en mains.
La propriété est en fait à la base de l’échange, qui lui-même est la raison d’être de l’économie.
On ne peut échanger que ce que l’on possède. Sans propriété pas de don, pas de troc, et pas de marché. Pas de générosité ni de solidarité non plus, pas de justice distributive.
C’est sans doute la raison pour laquelle, quelques années après avoir lancé sa fameuse formule, Proudhon a rédécouvert la « possession » : « Je suis pour l’alleu et contre le fief ». Alleu : propriété complète, sans redevance à quiconque. Fief : propriété conditionnelle impliquant le versement d’une redevance au seigneur. Aujourd’hui Proudhon se désespérerait : nous subissons le fief, et payons grassement le seigneur.
 

Source: Libres.org , Aleps par Jacques Garello
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Bastiat sur ​​la socialisation de la richesse

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That … veil which is spread before the eyes of the ordinary man, which even the attentive observer does not always succeed in casting aside, prevents us from seeing the most marvelous of all social phenomena: real wealth constantly passing from the domain of private property into the communal domain.
Wealth marvelously passing from the private to the communal domain? It sounds like a socialist’s redistributionist fantasy!




But wait — Frédéric Bastiat, the great laissez-faire radical, wrote those words in his book Economic Harmonies, chapter 8, provocatively titled “Private Property and Common Wealth.”
He repeats the point throughout his fascinating chapter:
And so, as I have already said many times and shall doubtless say many times more (for it is the greatest, the most admirable, and perhaps the most misunderstood of all the social harmonies, since it encompasses all the others), it is characteristic of progress (and, indeed, this is what we mean by progress) to transform onerous utility into gratuitous utility; to decrease value without decreasing utility; and to enable all men, for fewer pains or at smaller cost, to obtain the same satisfactions. Thus, the total number of things owned incommon is constantly increased; and their enjoyment, distributed more uniformly to all, gradually eliminates inequalities resulting from differences in the amount of property owned.
Here’s what Bastiat has in mind. In a competitive marketplace with advancing technology, as the effort required to produce and, hence, acquire things diminishes, the price of gaining utility falls. For example, if the average worker had to work two hours, 40 minutes, to buy a chicken in 1900, but only 14 minutes as the 21st century approached (actual statistics), Bastiat would say the chicken “is obtained for less expenditure of human effort; less service is performed as it passes from hand to hand; it has less value; in a word, it has become gratis, [though] not completely.” In other words, most of the utility that had to be paid for with painful effort in 1900 was free by 2000. (By “less value,” Bastiat meant that the market price has fallen, not that the chicken is less useful.)
Thus progress through the market order consists in ever more people satisfying more of their wants at less and less effort. Bastiat calls this a move from private property to common wealth because he roots property in effort, and greater wealth is available to all with less effort. What makes this possible? Technological innovation. As Bastiat puts it, “Production has in large measure been turned over to Nature.”
The goal of all men, in all their activities, is to reduce the amount of effort in relation to the end desired and, in order to accomplish this end, to incorporate in their labor a constantly increasing proportion of the forces of Nature.… They invent tools or machines, they enlist the chemical and mechanical forces of the elements, they divide their labors, and they unite their efforts. How to do more with less, is the eternal question asked in all times, in all places, in all situations, in all things.….
The gratuitous co-operation of Nature has been progressively added to our own efforts.…
A greater amount of gratuitous utility implies a partial realization of common ownership.
But technology only makes this “marvelous social phenomenon” possible. What makes it actually happen? Competition, of course. If one producer attempted to charge the older, higher price — if he tried to capture the returns to what Bastiat called “the contribution made by Nature” — he would be inviting competitors to undersell him (unless government privileges, such as licensing or intellectual “property” blocked competition). Rivals would be able to undersell because a lower price would still recover the costs of the human effort involved in production. Competitive entrepreneurship drives prices down toward costs. As F. A. Hayek put it, “The empirical observation that prices do tend to correspond to costs was the beginning of our science.” (On the relationship between cost and price, see my “Value, Cost, Marginal Utility, and Böhm-Bawerk.”)
Bastiat, like his predecessor Adam Smith, acknowledged that this process of passing wealth from the private to the communal domain is driven by people’s self-interest: “What other stimulant would urge them forward with the same degree of energy?” Today it is largely unappreciated that the market order — private property, competitive entrepreneurship, free pricing, profit/loss — aligns private and public interest as no other institutional setting possibly could. (For a pre-Austrian, Bastiat got an amazing number of things right, but he got one thing badly wrong when he rejected the idea that trade requires a double inequality of value.)
To be sure, Bastiat did not want his praise of the expanding communal realm to be mistaken for communism. (“I anticipate it, and I am resigned to it.”) Unlike the communist, he favored the socialization of the fruits of nature, not of human effort.
By the communal domain is meant those things that we enjoy in common, by the design of Providence, without the need of any effort to apply them to our use. They can therefore give rise to no service, no transaction, no property. Property is based on our right to render services to ourselves or to render them to others for a remuneration. What the communist proposes to make common to all is not the gratuitous gifts of God, but human effort, or service.
So communism and the communal domain have nothing in common but a word root. Bastiat suggested that more people might favor free markets if they understood the distinction he was making.
If the legitimacy of private property has appeared doubtful and inexplicable, even to those who were not communists, it seemed so because they felt that it concentrated in the hands of some, to the exclusion of others, the gifts of God originally belonging to all. We believe that we have completely dispelled this doubt by proving that what was, by decree of Providence, common to all, remains common in the course of all human transactions, since the domain of private property can never extend beyond the limits of value, beyond the rights laboriously acquired through services rendered.
And, when it is expressed in these terms, who can deny the right to private property?
While Bastiat appeared sanguine about what was going on around him, he understood that the reigning political-economic system indeed enabled the illegitimate privatization of what in a free market would have gone into the communal realm. “Of course, I know that in practice the ideal principle of property is far from having full sway,” he wrote. “Against it are conflicting factors: there are services that are not voluntary, whose remuneration is not arrived at by free bargaining; there are services whose equivalence is impaired by force or fraud; in a word, plunder exists. ” Bastiat, who coined the phrase “legal plunder,” of course had the state in mind as the chief culprit.

Why is Bastiat’s distinctive framing of the case for the free market worthwhile? Because there is, I believe, an untapped potential constituency for radical libertarian ideas among people who have an aversion to free markets only because they mistakenly believe “free market” means corporatism and illegitimate gains. Before these people can be persuaded by libertarian arguments, we must get their attention, and the best way to do that is to present the free market as a process that embodies social cooperation and, à la Bastiat, the “socialization” of wealth.

The following article was written by Sheldon Richman and published with The Future of Freedom FoundationMarch 22nd, 2013.

Bastiat on the Socialization of Wealth

 

Thierry FALISSARD: Wikibéral; Libres!; Mais « Faut-il avoir peur de la Liberté ? »

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

L'Avant-propos par Thierry Falissard

Le libéralisme est-il une menace planétaire au même titre que le seraient le réchauffement climatique, le terrorisme islamiste ou la prolifération nucléaire ? Est-il dépourvu de toute éthique au point d’abandonner chacun d’entre nous au jeu aveugle des forces du marché ?
Ne laisse-t-il pas chaque personne livrée à elle-même en détruisant tout lien collectif ?
Faut-il intervenir vigoureusement pour en limiter les dérives ?



La sagesse populaire dit que « la peur n’évite pas le danger », aussi il serait utile d’analyser ce « danger », en allant jusqu’à sa racine. C’est ce que ce com-pendium tente de faire, à partir d’un exposé concis du « noyau dur » du libéralisme et des conséquences qui en résultent. Le lecteur jugera de lui-même si cette peur, en définitive, est réellement justifiée.

Car il est facile de mettre en accusation le libéralisme en lançant une contre-vérité, un slogan aguicheur, qui fera appel aux sentiments plus qu’à la raison. Il faut cependant du temps et une méthodologie adaptée pour répondre, en développant un raisonnement qui se tienne, à un discours réducteur qui voit le libéralisme là où il n’est pas, ou le refuse là où il apporterait la solution.

Ce parcours offrira une vue très synthétique de la pensée libérale dans plu-sieurs de ses aspects, y compris (et surtout) les plus contestés. L’auteur cherche à illustrer que la préoccupation du libéralisme est avant tout d’ordre éthique, et non seulement économique comme beaucoup le pensent. Il espère que le lecteur en appréciera le caractère essentiel, en même temps que l’aspect révolutionnaire, souvent méconnu.

 
 
L'institut COPPET n'est pas en reste pour présenter ce libre;

Ce livre de 70 pages présente le libéralisme en 21 questions (extraits à lire plus bas) :
 
1 – Y a-t-il une pensée unique libérale ?
2 – De quelle liberté parlons-nous ?
3 – L’éthique est-elle soluble dans le libéralisme?
4 – Quels sont mes droits ?
5 – Pourquoi tant de haine envers l’État ?
6 – Sommes-nous tous propriétaires ?
7 – La démocratie est-elle libérale ?
8 – Et le collectif, qu’en faites-vous ?
9 – Peut-on faire le bonheur des gens malgré eux ?
10 – Peut-on tout dire librement ?
11 – Pourquoi cette obsession économique ?
12 – Pourquoi les monopoles c’est mal ?
13 – Le capitalisme est-il libéral ?
14 – Faut-il tout privatiser ?
15 – Et l’argent, où le trouvez-vous ?
16 – Y a-t-il une propriété intellectuelle ?
17 – Et la question sociale ?
18 – Que faites-vous pour les plus faibles ?
19 – Comment concilier écologie et libéralisme ?
20 – Comment peut-on être antilibéral ?
21 – Pour finir, faut-il avoir peur du libéralisme ?
 
Chapitre 2 : De quelle liberté parlons-nous ?
Il ne s’agit pas du concept métaphysique de liberté, décliné en liberté intérieure, libre arbitre[1], émancipation par rapport aux lois de la nature, voire salut individuel, etc. Il s’agit du concept de liberté dans les relations interindividuelles, dans nos rapports avec les autres. C’est donc quelque chose de très concret, qui, excepté les ermites qui fuient la société, nous concerne tous, et tous les jours.
Le libéralisme s’intéresse au « vivre-ensemble », pas à la meilleure façon de mener sa propre vie ; aux relations avec nos semblables, pas au rapport moral que nous entretenons avec nous-mêmes.
Chacun, soutiennent les libéraux, devrait être parfaitement libre tant qu’il ne nuit pas aux autres : la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui (comme le rappelle le bien connu article 4 de la « Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen » française de 1789).
On remarque que cette définition est toute négative : on ne dit pas ce qu’il est permis de faire, mais plutôt ce qu’il ne faut pas faire. Ce qui est positif, c’est la nuisance, qu’on cherche à éviter. Il reste donc à préciser de façon positive ce qu’on appelle « nuire à autrui ». Il peut déjà y avoir des divergences à ce stade parmi les libéraux.
Ainsi les libertariens formulent un principe de non-agression : aucun individu ni groupe d’individus n’a le droit d’agresser quelqu’un en portant atteinte à sa personne (ou à sa propriété)[2]. L’agression est l’usage de la violence (ou la menace d’employer la violence) contre quelqu’un qui ne vous a pas agressé.
Les utilitaristes libéraux, à la suite de John Stuart Mill, préfèrent un principe de non-nuisance : la seule raison légitime que puisse avoir une communauté civilisée d’user de la force contre un de ses membres, contre sa propre volonté, est d’empêcher que du mal ne soit fait à autrui[3].
Les différences qui découlent de ces deux définitions, pour subtiles qu’elles soient, n’en sont pas moins réelles. Pour un utilitariste, une obligation d’assistance à personne en danger peut être justifiée, alors que la plupart des libertariens la rejetteront, comme liberticide. La liberté du commerce est légitime a priori pour les libertariens, puisque le commerce n’est pas une agression, tant qu’il reste honnête (c’est-à-dire consiste en échanges consentis, sans tromperie sur la marchandise, quelle que soit cette dernière) ; pour les utilitaristes, elle est justifiée parce qu’elle accroît le bien-être général, malgré ses possibles nuisances (certains commerçants peuvent souffrir de la concurrence des autres, des prix élevés peuvent nuire aux clients).
Pour un libéral, la liberté positive, contrepartie de la liberté négative, est la possibilité d’agir comme on l’entend dans le respect de la liberté d’autrui. Tout dépend donc du contenu que chacun veut bien donner à cette liberté, contenu sur lequel il n’y a pas lieu de statuer, tant que la liberté d’autrui est assurée.
Car cette liberté positive n’est pas un droit absolu à quelque bien ou service que ce soit[4], éducation, emploi, assistance ou autre, car cela contraindrait d’autres personnes à fournir ces services ou à payer pour eux – en pratique par l’impôt ou la législation, autrefois par l’esclavage des uns et les privilèges des autres – sans que leur consentement soit obtenu. Cette « liberté » profiterait donc aux uns en empiétant sur la liberté des autres. Cette société de « faux droits » serait une société d’injustices plus ou moins bien déguisées.
La liberté n’est pas une émancipation complète de toute contrainte matérielle, ce qui est impossible dans le monde de rareté qui est le nôtre, où aucun gain ni aucun bien ne s’obtient sans travail (d’où le concept de propriété que nous verrons plus loin).
Cela signifie-t-il que dans une société libérale certains soient libres de s’épanouir et d’autres libres de mourir de faim ? Heureusement non (nous aborderons également cette préoccupation par la suite). Cela ne veut pas dire non plus qu’on puisse asservir une partie de la population au bénéfice d’une autre sous un prétexte de « solidarité ».
On pourrait se demander pour quelle raison fonder la vie en société sur la liberté et l’autonomie individuelle plutôt que sur d’autres valeurs, comme l’égalité matérielle, la gloire et le bien de la patrie, la préservation de la nature ou le respect de préceptes religieux ? (on aura reconnu respectivement les idéologies égalitaristes, nationalistes, écologistes et théocratiques)
Le libéralisme ne rejette aucun système de valeurs : il pose seulement comme principe premier celui de la liberté et du consentement individuel. Sans ce principe, toute société, quelles que soient ses bonnes intentions et quelles que soient les valeurs qu’elle promeuve, devient vite une tyrannie. Les exemples de telles sociétés ne manquent pas dans l’Histoire ; on ne peut pas dire qu’elles aient contribué au bonheur individuel ni enrichi l’Humanité. Toute idéologie est respectable dès lors qu’elle respecte le principe de non-agression.
Le principe libéral est avant tout un principe éthique, ce qui nous conduit à examiner les rapports entre libéralisme et éthique.

[1] Nous estimons que la notion de « libre arbitre » est métaphysique et n’est pas utile dans un exposé sur la liberté négative.
[2] Murray Rothbard, « Le manifeste libertarien » (1973).
[3] John Stuart Mill, « De la liberté » (1859).
[4] Ce que le marxisme appelle « liberté réelle », par opposition à la « liberté formelle » qui serait celle du libéralisme.
 
Du côté de la Main Invisible avec Stéphane GEYRE:

Car le collectif La Main Invisible ajoute un nouveau livre à sa collection.

Thierry Falissard, auteur de Libres !

Thierry, 53 ans, ingénieur des Ponts de formation, a fait toute sa carrière dans l’informatique, en se spécialisant sur les mainframes, ce qui lui vaut le titre de dinosaure (il rappelle à ce propos que les dinosaures ont dominé le monde animal pendant des dizaines de millions d’années, alors qu’en comparaison Karl Marx ne domine le monde politique français que depuis près d’un siècle et demi). Comme informaticien, il écrit beaucoup : brochures, manuels, études, logiciels, bogues, etc.
Son évolution vers le libertarisme s’est faite lentement au cours des années 90 et 2000, en approfondissant un questionnement philosophique, économique et éthique, en consultant certains sites web précurseurs (ceux de Faré, Hervé de Quengo, Hervé Duray, etc.), puis en lisant les auteurs : Pascal Salin, François Guillaumat, Bertrand Lemennicier, Hans-Hermann Hoppe, Ruwen Ogien, etc.
Après avoir été aussi un dinosaure de Wikipédia, il participe au projet Wikibéral depuis ses débuts. Il tient un blog rarement mis à jour et publie de rares articles dans Contrepoints et dans le Québécois libre. Favorable au reichmanisme non tempéré, il a longtemps participé à un blog imprécateur et frénétique : « Quitter la sécu ».
 
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Wikibéral a vocation à devenir complémentaire à Wikipédia sur un ensemble de sujets politiques, économiques ou philosophiques, souvent abordés de façon superficielle par Wikipédia. On peut le constater grâce aux moteurs de recherche qui positionnent en premier Wikibéral pour un certain nombre d'expressions, comme "démocratie totalitaire", "faux droits", "loi du plus fort", "axiome de non-agression", "capitalisme de connivence", "propriété de soi-même", "électeur médian", "marché politique", etc.  
Thierry FALISSARD
  Il est l'auteur d'un polar libertarien:  Meurtres à la banque.



D'autres livres plus techniques ici, cliquez: LOGICIEL
 
Loin d’être secondaire, limité aux talismans, pilules miracles ou autres escroqueries de bas de gamme, le marché de la stupidité est le plus vaste qui existe. En effet, personne n’est intelligent tout le temps; tout le monde, peu ou prou, même parmi les moins bêtes, a des accès de sottise, ou même, pour certains, est carrément et irrémédiablement stupide.
 
          Les causes en sont diverses. L’omniscience n’est pas une caractéristique humaine, aussi nous sommes tous ignorants, à des degrés divers. Or l’ignorance est certainement l’ingrédient principal de la bêtise (savoir, tel Socrate, que nous ne savons rien, est déjà un luxe rare). Nous sommes influençables et facilement conformistes (comme son nom l’indique, le conformisme est une solution de confort). Nous sommes crédules (être sceptique est très fatigant à la longue).

          Le marché de la stupidité humaine, comme tous les marchés, est régi par des lois simples que je vous propose de découvrir ou de redécouvrir. Les deux premières sont bien connues:
1) La loi de Barnum: ce marché est gigantesque, car le nombre de clients est potentiellement illimité (« there is a sucker born every minute » ou sa variante: « always and inevitably everyone underestimates the number of stupid individuals in circulation »). Dans l’univers, la stupidité est aussi répandue que l’hydrogène (encore dit-on que la quantité d’hydrogène, elle, a tendance à diminuer avec le temps).

2) La loi de l’équilibre général du marché de la stupidité: pour répondre aux besoins imbéciles, il y aura toujours une offre abondante disponible (« for every sucker born there's two people out there that will take their money » ou sa variante: « a fool and his money are soon parted »).
          Les troisième et quatrième lois du marché de la stupidité sont de mon cru:
3) Le marché de la stupidité humaine recoupe pour une très large part un autre marché: le marché politique (en application du premier amendement au huitième Commandement du Décalogue: « Thou shalt not steal, except by majority vote »);

4) Les symboles et les mythes sociaux sont les produits phares de ce marché (conformément à la loi d’Angleton: « Deception is a state of mind, and the mind of the State »).
          Examinons ces deux dernières lois.

Le marché de la stupidité humaine recoupe pour une très large part un autre marché: le marché politique.

          Le marché de la stupidité se caractérise par le fait que, dans l’échange volontaire auquel il participe, le client est finalement perdant, sans qu’il en soit forcément conscient (puisqu’il est stupide). Comme dans tout marché, l’art du vendeur consiste à répondre aux besoins du client et à lui vendre ce qu’il est disposé à acheter:
• quelque chose de prétendument efficace, censé régler un problème précis, ou quelque chose dont il n’a en réalité pas besoin (une machine à balayer dans les coins, un philtre d’amour, un parfum pour éloigner les fantômes, une séance de désenvoûtement, etc.);

• quelque chose qui n’existe pas (comme les beaux habits neufs de l’empereur, dans le conte bien connu, avant qu’il soit révélé que « le roi est nu »);

• des promesses (un produit ou service futur, un gain ou un avantage futur) – promesses évidemment non tenues le plus souvent, mais auxquelles le client croit fermement, ce qui le pousse à participer à ce marché.
          Les deux premiers types de produit montrent vite leurs limites, et le client, pour peu qu’il finisse par ouvrir les yeux, risque vite de se rendre compte de l’escroquerie et de l’inanité de son achat.

          En revanche, les promesses en l’air, caractéristiques d’un marché très particulier, le marché politique, fournissent une denrée inépuisable, car immatérielle, et dépendant uniquement de l’imagination de l’offreur et, en contrepartie, de la crédulité du demandeur, et de ses attentes.

          L’investissement du côté du client est faible: un vote, un soutien à un candidat. Le gain n’est pas immense (ce n’est certes pas un pari pascalien, où l’on gagne l’infini), mais, quoique repoussé dans le futur, il est très concret pour le client: ce peut être un avantage « social », une sécurité en plus, un coût moindre pour un service « public », etc. Voulez-vous des exemples? Consultez le programme électoral de votre candidat préféré (ou, au contraire, de celui ou celle que vous détestez le plus).

          Une fois la vente opérée (l’élection passée), la promesse a été vendue, et c’est tout ce qui importe pour le candidat. Il y a deux choses bien distinctes: la promesse, et l’objet de la promesse. Seule la promesse a été échangée contre le vote. Il n’y a aucune garantie que la promesse soit tenue: le politicien n’a signé aucun contrat, et la justice ne le tracassera pas quand ses mensonges seront devenus flagrants aux yeux de tous. Au contraire, il risque de passer pour un réaliste pragmatique, éloigné de toute démagogie.

          On a certes le droit de vendre du vent à celui qui aime les courants d’air. Mais les promesses politiques sont à la fois immorales et illégitimes, dans tous les cas – qu’elles ne soient pas tenues (tromperie envers l’électeur trop naïf), ou qu’elles soient tenues, ce qui s’opère alors aux dépens du « moins fort politiquement ».
 
Car la politique ne crée pas de richesse, puisqu’il ne s’agit que d’un vol institutionnalisé, le politicien qui gagne l’élection se souciant comme de sa première veste (électorale) de votre consentement à son programme.

Les symboles et les mythes sociaux sont les produits phares du marché de la bêtise.

          La capacité à accepter les promesses politiques finit par s’émousser, et le citoyen a de plus en plus conscience que le marché politique est un marché de dupes. Conformément à la théorie de la subjectivité de la valeur, il pourrait bien finir par ne plus accorder de crédit aux promesses, et se retirer de ce marché où il n’a rien à gagner, le coût d’opportunité du vote devenant prohibitif.

          Mais le politicien est normalement plus malin que son client-électeur-contribuable, puisque tout son art consiste à vivre à ses dépens sans que ce dernier se rebiffe. Il ne va pas seulement blâmer ce client qui le fuit, ce mauvais citoyen qui ne participe pas à la vie de la Cité, qui s’abstient, ou qui vote n’importe comment. Il va chercher toujours plus à s’attirer ses bonnes grâces en se faisant psychologue, pour sonder son âme et en déceler les craintes, les aspirations, et la phénoménale capacité à s’illusionner.

          Le citoyen a un besoin illimité de protection. Chaque jour, il risque de perdre son emploi, d’être agressé dans la rue, de tomber malade, de s’appauvrir et de ne plus pouvoir conserver son train de vie, etc. Il faut donc lui vendre des talismans protecteurs, et au besoin lui faire peur pour qu’il les achète.

          Pour répondre au besoin illimité de protection, le politicien va jouer les apprentis sorciers et proposer des « mesures » qui se révèleront toujours pires que le mal auquel elles sont censées remédier. Voyons quelques exemples typiques.

          On proposera d’instaurer un salaire minimum pour éviter d’avoir des travailleurs pauvres – ce faisant, on créera une nouvelle barrière à l’emploi qui exclura ceux dont le travail valait moins. Le SMIC devient ainsi un symbole de progrès qui ne protège en réalité personne.

          On durcira à coup de réglementation les conditions de licenciement pour « éviter les abus » des employeurs (le chômage ne participe-t-il pas de l’horreur économique capitaliste?) – ce faisant, on dissuadera les patrons d’embaucher, mais peu importe, on crée ainsi un nouveau symbole appelé « Code du Travail » censé nous protéger, alors que le résultat est bien de nous précariser davantage.

          On proposera une assurance santé obligatoire qui n’a d’assurance que le nom (en l’absence de prime liée au risque, de contrat, de garantie) et qui détourne plus de 20% du salaire complet: c’est la symbolique « Sécu » à laquelle le citoyen est tellement attaché, tel le chien à sa chaîne. Une chaîne héritée du communisme français, qui remonte à 1945, mais qui est solide, car les gouvernements (non communistes) n’ont eu de cesse de la renforcer au fil des ans, bien qu’elle contrevienne autant à la législation européenne qu’au droit de l’homme à disposer librement des fruits de son travail.

          Tous ces symboles contribuent à édifier un mythe, celui de la « protection sociale », du « modèle social », qui n’a d’efficacité que symbolique, car tous ces services (ou du moins ceux qui sont vraiment utiles) pourraient être rendus à moindre coût et meilleure qualité par le marché privé, ce que les intéressés ignorent souvent, aveuglés par l’illusion sociale « solidaire ».

          Mais la charge symbolique est si forte, que le client abusé reste prêt à payer très cher pour cette « protection », ce qui est tout bénéfice pour les profiteurs de la « République Fromagère ». Celui qui viendrait à contester ces mythes serait au sens propre un iconoclaste antisocial, un monstre d’inhumanité, bref, un libéral! Il préfère vivre sous la clarté du soleil plutôt qu’à l’ombre tutélaire, mais pernicieuse et délétère, de l’État redistributeur. Le soir venu, il parcourt les villes avec sa lanterne, à la recherche d’un homme qui ne croirait plus aux mythes étatiques, mais en vain: les assistés lui montrent les bienfaits de la solidarité forcée, tandis que les ponctionnés complaisants fustigent son « égoïsme » individualiste.

          Le citoyen a aussi un besoin illimité de se projeter dans l’avenir, d’espérer en la prospérité, de croire en son bonheur ou en celui de ses enfants, etc. Il ne compte pas sur lui-même pour avancer et réussir dans la vie, cela serait sans doute au-delà de ses forces. Il faut donc lui vendre du rêve, et c’est une autre des tâches du politicien. Se limiter à subvenir à son besoin de protection par ces symboles « sociaux » inefficaces mais tellement envoûtants serait faire montre de matérialisme mesquin, alors qu’il y a tant à gagner à vendre du rêve, du bonheur futur, le paradis sur terre… On lui proposera alors du Grand Dessein, du Vivre Ensemble, de l’Avenir Radieux ou Durable, ou bien l’Europe Sociale, le Pacte Républicain, un Autre Monde (qui est « possible », ou qui est « en marche », au choix), une France qui gagne… bref, toutes les lubies pré-totalitaires qui ont fait leurs preuves au XXe siècle.

          Il s’agit d’offrir, non plus l’espoir d’un avantage tangible, comme peuvent l’être les simulacres de protection sociale que nous avons mentionnés, mais un mythe collectif, du rêve à l’état pur, qui en appelle à la fois à l’instinct grégaire de chacun (qu’il soit nationaliste, communautaire, religieux, identitaire) et à la magie noire, à l’État comme source inépuisable de richesses et de bienfaits, infatigable pourvoyeur de lendemains qui chantent.

          Tandis que les gogos, sans se poser de questions, vivent de mythes, de symboles et d’eau fraîche, les politiciens, en calculateurs réalistes, cueillent les fruits de l’arbre de la stupidité. On peut penser que le gogo n’a que ce qu’il mérite (stupidity is painful after all). Cet état de choses serait tolérable si on permettait au restant de gens lucides d’échapper à l’esclavage politique, mais on sait qu’ils n’ont pas le choix; voter avec leurs pieds restant le dernier recours.

          Électeurs, réveillez-vous! Stupidity is no excuse for not thinking
 
Par Thierry Falissard dans

Faut-il avoir peur du libéralisme ?

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